mardi 29 avril 2014

The Late Show - Portable Pop (1980)


Cet album enregistré « live en studio » est le seul de The Late Show un petit combo, plus obscur que mon tibia gauche, provenant d’Indianapolis (la ville des 500 miles et de John Dillinger). Si vous êtes allergiques aux babioles power-pop évitez-le comme la peste. Si au contraire vous êtes de tendres zélateurs du genre susnommé, écoutez-le sans attendre, car c’est un convaincant parangon qui sautille plus qu'à son tour.
Resserrement Beatles-Hollies survitaminé, riffs ad hoc, lumière à tous les étages et léger halo mélancolique, presque un petit bonheur pop, ce n’est pas rien

N.B. La pochette est aussi disgracieuse que le disque est bon.




dimanche 27 avril 2014

Future Islands - Singles (2014)


Tiens les Future Islands sont passés dans le Late Show de David Letterman. Samuel T. Herring s’est lancé dans un jerk improbable tout en se frappant très fort le torse tandis que le de plus en plus replet William Cashion triturait tranquillement ses quatre cordes avec la sérénité de celui qui sait. À vrai dire un joli moment de télévision avec de petits arpents croquignolets et de l’émotion, comme quoi les deux, l’émotion et le croquignolet ne sont pas incompatibles. Leur dernier disque Singles est vraiment très bien aussi. Le commensalisme entre la voix passée au papier de verre de Herring et la basse peterhookienne de Cashion s’y affiche à son zénith et les chansons sont presque à coup sûr accrocheuses. Sur Like the Moon Herring chante comme un Bryan Ferry qui aurait avalé Sam&Dave de travers. Seasons (Waiting On You) est une vraie merveille avec un refrain fatalement héroïque, Sun In The Morning est une « chanson d’amour » comme on en fait plus avec des paroles heureusement naïves et une conviction de tous les instants quant à Fall From Grace c’est le sommet de l’album, une ballade de pendu post punk tentée par le métal mortifère.


samedi 26 avril 2014

Psychogeographie indoor (48)


« L’excès de lecture comporte une conséquence nuisible : il use le sens des mots ; les pensées ne s’expriment plus qu’à peu près. L’expression ne sied plus à l’idée que comme un vêtement lâche. »         

1.

29 juillet.- Queue d’orage, semi-fraicheur. (23°C)    

« Le cyclisme n’est pas un sport. C’est un genre. Les genres déclinent et disparaissent, comme les civilisations. […] Le cyclisme est mort […] Le cyclisme dans sa perfection est abouti. Copi achève, le cyclisme comme Joyce et Faulkner achèvent le roman, dans sa forme minérale complexe. Après qui viennent les répétitions, les épigones, la dilution »           

J’aime le vélo, c’est une lubie attrapée dans l’enfance, j’aime aussi les champions cyclistes. Forcenés de Philippe Bordas était donc fait pour moi. C’est un livre magnifique, plein de scansion, de lyrisme et d’émotion. Une histoire des temps héroïques de la chose vélocipédique, une galerie de portraits dans le sens de Marcel Schwob. On retrouve Jarry juché sur sa Clément luxe, le spectral, maigre, blanc Anquetil : un hérétique en maillot de soie, le suicidé Ocaña (que l’on pleure encore), Lucien Aimar le roi de la descente (qui pleurait dans les descentes…) l’infernal duo Coppi, Bartali, les grimpeurs de poche Robic et Gaul, les historiques frères Pélissier, les frères gitans De Vlaeckmink (portrait beau à pleurer), Bien évidemment, cette synarchie aux mollets lustrés est d’un autre temps, celui où le cyclisme n’était pas encore devenu une farce, un « artefact à la mesure d’un monde faussé par la pollution, la génétique et le bio-pouvoir ».

30 juillet.- Ciel changeant. (25°C)  Ma barbe pousse. Mes mots ne poussent plus. Je viens d’attraper une mouche dans la paume de l’une de mes mains. Je l’ai relâché au soleil. Le temps passe.  

« Le discours médian des sociologues issus du mi-chemin et pensant moyennement pour la classe moyenne dont ils sont issus, cette écriture nauséeuse médiane des demi-penseurs et demi-écrivains, ces discours de fourmis n’ont pas accès aux vérités fortes du vélo. Le cyclisme hésite entre les dires puissants de la poésie et de la philosophie primitive. »         

Forcenés. Pour Philippe Bordas Bernard Hinault est le dernier coureur d’ardeur véritable, une surnature qui achève l’âge classique du cyclisme. Après lui viendront les lunettes sombres, les oreillettes et la bio chimie. Les sociologues remplaceront les chroniqueurs, la classe moyenne remplacera l’aristocratie populaire, il y aura des ronds-points un peu partout, des parkings de supermarchés ; toutes choses assez éloignées de ce moment où Coppi et Anquetil ébauchèrent leur belle poétique (Oh ! ces deux poètes-là se dopaient bien aussi, mais leurs dopages étaient dérisoires, leurs exploits énormes. Aujourd’hui ce sont les exploits qui sont dérisoires et le dopage énorme).           
Pour le reste, il faut lire ce livre formidable. 

1 aout.- Tentation caniculaire. (35°C)  Trop de tiédeur. Toujours vide et sans idées, plus lymphatique qu’une larve assommée sous un tonneau d’éther.     
Un prix Nobel de littérature ce n’est pas rien, être l’un des rares rescapés d’Auschwitz, de Buchenwald et de quarante de communisme c’est bien plus encore. Dans Un autre Imre Kertész constate sa propre métamorphose. Après toutes les épreuves qu’il a traversées il n’est pas devenu « un monstrueux insecte », mais plutôt un autre, un incertain quidam rimbaldien enfanté par le terrible XXe siècle (faut-il rappeler que le XXe siècle fut à bien des égards terrible ?). Livre hanté morose, sans aucune légèreté. Mais bon allez trouver de la légèreté quand c’est le monde qui vous saisit et plus vous qui le saisissez !

3 aout.- Ciel variable, restes caniculaires. (29°C) Hier soir, vie sociale alcoolisée. Encore dans les embruns. Relu le Dernier coyote de Michael Connelly, l’un des meilleurs de la série Harry Bosch. Petit gout de Dahlia Noir au rabais, pas désagréable.

 4 aout.- Sournois soleil d’aout, trop bas pour être vraiment honnête. (29°C)   Picoré quelques chroniques vélocipédiques d’Antoine Blondin, quelques aphorismes du bossu Lichtenberg (éditions Pauvert, préface André Breton, traduction Marthe Robert). Surtout picoré dans les formidables papiers de Jean Rolin : Avantages et inconvénients des zoos. À Thoiry on peut opérer un zèbre à cœur ouvert, extraire la molaire d’un canari, cela n’empêche pas les ours du Tibet de se laisser mourir plutôt que d’endurer la cohabitation avec une troupe d’ours blancs un brin terrorisants. Pendant ce temps-là l’un des Paons du zoo de Schönbrunn tente de s’accoupler avec une tortue, sans succès.    
Demain labeur.

5 aout.- Ultra tiédeur. (36°C) Tiédeur, labeur, paire infernale. Épuisé, incapable d’accomplir le moindre mouvement sans qu’une somme conséquente de douleur ne me saisisse. Cogito en berne. Malgré cela, lu quelques aphorismes de Lichtenberg.

7 aout.- Pluie, quasi-fraîcheur. Drôle de yo-yo météorologique. (19°C)  La fraîcheur tombe. L’un de mes robinets fuit. Ma barbe pousse.

9 aout.- Ciel changeant. (25 °C)        

« Lui et Elle sont assis sur un banc, dans l’allée de tilleuls. 
ELLE : Désirez-vous m’embrasser ?              
LUI : Oui, mademoiselle…     
ELLE : Sur la main… ?          
LUI : Non, mademoiselle.      
ELLE : Sur la bouche… ?      
LUI : Non, mademoiselle.      
ELLE : Oh ! vous êtes inconvenant…
LUI : Je pensais : sur le bord de votre robe. 
Elle pâlit… »  
Peter Altenberg, Georg Christoph Lichtenberg, deux maitres de la forme courte. Une chronique d’Antoine Blondin. Rien d’autre. Lire Tragédie à l’Everest (Krakauer), Scoop (Waugh), Les onze (Michon), Alamut (Bartol), Le studio de l’inutilité (Leys).

11 aout.- Soleil. (25°C)  Vie sociale. Encore embrumé. Plus flottant que concerné par quoi que ce soit. Entamé Les sentiers du désastre, Westlake candide as usual. Rien d’autre ou presque.

12 aout.- Je me délite

15 aout.- Ciel bleu pâle, légère brise, conditions optimales. (25°C)

Je vis dans un interstice où passe l’univers et jamais le monde.

J’aime bien manger et bien boire. J’aime faire la sieste plus que de raison Surtout et avant tout j’aime ne rien faire.   
         
Donald Westlake, les Sentiers du désastre. Dortmunter et sa petite bande sont embarqués dans une carabistouille à base d’automobiles kidnappées et d’identités fluctuantes. Toujours assez drôle mais globalement filandreux. Pas le meilleur Westlake.       
Pour faire bonne mesure lu quelques aphorismes du gibbeux Lichtenberg. Ses plus courts sont les meilleurs ; forcement.

16 aout.- Rien à dire.

17 aout.- Rien à faire.

18 aout.- Ciel bleu-blanc virant au lactescent. (31°C) Guère d’entrain, plus asthénique que sautillant. Rien pour moi. Toujours chez Westlake encore chez Lichtenberg.

19 aout.- Soleil, du vent. (26°C) Fatigue. Lectures indicibles. Aimerai retrouver la simplicité exemplaire des primitifs xylographes.

20 aout.- Ciel IKB. Some wind (26°C)  Engoncé par l’habitude. Aussi apathique que l’époque. Lu quelques aphorismes du père Lichtenberg ; sans conviction.

22 aout.- Tiédeur insidieuse. (30°C) Rien. En jachère. Aucune inclinaison. Quelques pages de Donald Westlake.


2.


 23 aout.- Beau temps, tiédeur. On annonce une inquiétante chute des températures pour demain. (30°C) Mes mots ne s’alignent plus. Quant à mes idées…  Je passe de Donald Westlake à Robert Benchley sans anicroche. Westlake est plus candide que Benchley qui lui est plus nonsensique, mais leur humour est assez souvent concordant. En tous les cas, j’aime ces deux loustics à l’unisson. L’expédition polaire à bicyclette du plus rondouillard est une petite chose qui ne porte pas tellement à conséquence (une petite chose bricolée à partir de six articles dans Life), cela ne l’empêche pas d’être rigolote comme peut être rigolote une esquimaude qui frise sous les tropiques. Benchley se moque aimablement des explorateurs polaires et encore plus de son fils de 7 ans qui le mérite bien car voyez-vous il est tout petit (faut-il rappeler qu’à l’opposé d’Adolf Hitler Benchley détestait les animaux et les enfants ?). On ne s’esclaffe pas aussi souvent que l’on ne s’esclaffait en lisant La Psychologie du pingouin, mais on s’esclaffe tout de même plus souvent que chez Paul Claudel. Bref, c’est un bon petit livre qui est vaut de bien plus gros.

24 aout.- Semi-labeur, semi-beau temps. (28°C ~> 22°C) Entamé le dernier Modiano après un an d’atermoiement. L’herbe des nuits, brumeux labyrinthe mémoriel as usual. Je me demande si à terme il ne faudrait pas se méfier un peu de Modiano. Je l’ai assez souvent aimé et défendu, mais je commence à lui trouver un petit gout de je ne sais quoi qui m’agace les papilles.

25 aout.- Queue d’orage. Quasi fraicheur. (21°C) Je n’y suis plus. Même ce piteux « journal », vaguement littéraire et vraiment paresseux, m’épuise plus que de raison. Il ne me demande pourtant que cinq minutes de travail par jour. C’est déjà trop, c’est encore du travail, presque du labeur et quand le labeur pointe le bout de son nez, il n’y a plus lieu pour moi d’éprouver un quelconque plaisir. Je pense que je vais abandonner ces faiblardes considérations pour me concentrer sur un peu plus de vide encore. En attendant, ma barbe pousse, sans effort.     
S’agissant de Patrick Modiano les réserves que j’émettais hier ne tiennent finalement pas tant que ça. Je suis entré dans L’herbe des nuits sans aucune anicroche, avec la satisfaction de l’habitué qui se retrouve en territoire connu. Toujours la même histoire, cette brume autofictive encore  là et Modiano, qui la travaille de biais, dans une autre perspective, un léger décalage…C’est sa force que de toujours travailler sur le même motif sans oser espérer ennuyer le lecteur. C’est sa force que de savoir travailler…

26 aout.- Ciel changeant. Demi-douceur. (22°C)      

« Quand mon esprit s’élève, mon corps tombe à genoux »   

J’aimerai écrire sans effort. Que mes mots coulent naturellement. Malheureusement, je suis loin de la limpidité et du fil de la plume.

Lichtenberg et Jaccard (Roland), l’un aphoristique l’autre diariste (l’Ame est un vaste pays, journal de l’année 1981). Rien d’autre.

28 aout.- Fraîcheur matinale. Douceur par la suite. (25°C)

Permettez-moi d’être aussi aphasique que l’époque. Elle l’est bien elle.

En toutes choses, il est urgent de ne rien faire.

29 aout.- Beau temps. Plus chaud. (26°C) Gaz syrien et village globale. Drôle de choc frontal, drôle d’époque.   
Quelques pages. Roland Jaccard (journal), Cioran (cahiers). Couple septique en bord de falaise.   

31 aout.- Ciel bleu pâle, quelques nuages égarés. (26°C) Pas d’humeur. Fini l’Herbe des nuits. Le mage antibois Jacques Audiberti passe, quelques bouts de l’affaire Ben Barka rôdent, le flot des souvenirs coule. Tout cela dans une ambiance de rêve. Pas le meilleur de Modiano mais le « charme » est là. Histoire de faire le compte lu deux trois papiers maritimes et pétrolifères de l’ami Rolin.

2 septembre.- Ciel IKB. Soleil bas. (25°C) Bourbeux. Les restes d’un weekend end alcoolisé. Trop de vie sociale. Pas assez de mots.
Polémiques, léger opuscule compilateur de l’ami Duteurtre. Je tamponne à peu près toutes les thèses soutenues. Les considérations sur le mariage pour tous me semblent par exemple assez justes. Je pense moi aussi qu’il n’y a plus que les chrétiens traditionalistes et les militants gay pour défendre les valeurs sacrées du mariage. Je préférerais que les seconds défendent la transgression et les premiers la transcendance. Pour le reste petit gout Muray (light) mais sans ses arpents sournois. Duteurtre ne vend rien en sous-main.

3 septembre.- Beau temps chaud. (26°C)

 « Moi aussi j’aime bien les enfants, surtout quand ils sont mourants. » Sacha G    

« Rentrée scolaire ». L’enfant domine tout. Que ce petit roitelet régente son monde s’il le veut mais qu’il ne régente pas le mien, merci.  Par ailleurs. Duteurtre et les poussettes, rien d’autre.

5 septembre.- Tiédeur tardive. (32°C)  Duteurtre est moins convainquent lorsqu’il hallebarde dans le politique. Son gaullisme indolent est certes assez souvent charmant, mais il est trop systématique pour ne pas enquiquiner le lecteur. Au Duteurtre nostalgique et vaguement militant il faut donc préférer le Duteurtre goguenard et sautillant autour des questions de société.        
Entamé Courlande de Jean Paul Kaufmann. Récit de voyage saisi par l’autofiction ? Littérature « grande presse » ? Un peu de tout cela, mais mieux encore ; la Lettonie émergeant de la déglingue post soviétique, cette Lettonie qui cherche à redevenir ce qu’elle était avant 1917 : un paradis vaguement occidentalisé, une illusion tchékhovienne érigée en bord de Baltique…

6 septembre.- Beau temps chaud. (32°C) La Courlande de Kaufmann est peu ou prou celle de Von Keyserling. Châteaux et manoirs, forêts et lacs, lumière estivale boréale, grand calme. Manque seulement quelques barons en goguette. L’air semble transparent, les objets émettent leurs propres ondes lumineuses. Les Courlandais de base sont eux d’une luminosité cachée, timides, mais finalement accueillants (malgré le poids de passé plus que lourd). Entrant dans la ville de Ventpills Kaufmann éprouve ce bonheur que l’on éprouve en se promenant dans une ville étrangère. Il n’est là que depuis une heure, il ne connait personne, il peut se perdre, il est libre…

7 septembre.- Pluie, chute des températures. (21°C) Vie sociale. Alcool, embruns.
Finalement, la condition qui me sied le mieux est la condition aristocratique. Il me reste plus qu’à trouver valets et vassaux.         
Kaufmann pense que la Courlande est un genre d’espèce d’Italie inversée (Concision courlandaise, profusion italienne). Il pense cela puis il visite le palais de Mittau. Magnifique coquille vide baroque. Louis XVIII émigré d’où l’on sait y passa un temps que l’on n’imagine pas. Moi qui compte si peu j’ai également traversé ce palais en mon temps. Émigré de moi-même et n’y séjournant que deux courtes heures je l’ai trouvé moins vide, mais tout autant baroque. Après cette visite, qui s’impose, et quelques autres pérégrinations touristiques boréales tout à fait à mon gout, Kaufmann décide de rester un peu plus en Courlande. Voilà l’hiver. L’hiver est très bien dans les pays baltes. Le livre est aussi très bien, mais j’ai un peu de flemme à en parler un peu plus. Je n’en parlerai donc pas plus.

3.

8 septembre.- Pluie incessante, humidité prégnante. (18°C)   Cédant aux sirènes de la « rentrée littéraire » j’entame Ormuz de Jean Rolin. Rolin déçoit rarement et je ne prends pas beaucoup de risques en commençant par lui. Son livre est un drôle de bidule mélangeant géopolitique, reportage et cocasserie vialatiene. Je ne résumerai pas « l’intrigue » tout d’abord parce que je suis un fainéant éhonté ensuite parce qu’il y a une quatrième de couverture qui fera très bien cela pour moi : « Unissant le golfe Persique à la mer d’Arabie, le détroit d’Ormuz voit transiter une part importante du pétrole et du gaz irriguant l’économie mondiale. De temps à autre, l’Iran menace de le bloquer, cependant que les États-Unis y font défiler leurs navires de guerre. En gros, c’est ce que l’on désigne comme une zone de tensions, et comme un enjeu stratégique. Or Wax, un personnage aux contours indécis, a formé malgré tout le projet de le traverser à la nage. Y parviendra-t-il, avec l’aide du narrateur et en dépit de difficultés innombrables, ou bien va-t-il plutôt se noyer dans le détroit, pour finir ? »

9 septembre.- Ciel céruléen, fond de l’air un peu frais. (21°C)  Rolin est formidable. Il tournicote autour du détroit d’Ormuz avec un plaisir communicatif. Passe d’Oman (jolie montagne) à Bahreïn, d’Abou Dhabi à Dubaï (très grands buildings). Il trouve même le moyen d’arpenter deux, trois émirats de plus basse extraction (Ajman, Charjah, Fujaïrah, Ras el Khaïmah, Oumm al Qaïwaïn) ce qui n’est pas rien. Tout fini de l’autre côté de la ligne de partage des eaux, en Iran. L’Iran existe vraiment, le saviez-vous ? La province d’ Hormozgan est pleine de villes bigarrées s’appelant Bandar Machin ou Bandar Chose. Il y a des pasdarans, des plages de sables noirs remplies de boulettes de pétroles et d’Iraniens en villégiature. Tout est un brin déglingué et ne saurait être le reflet de ce qui se passe de l’autre côté du détroit (l’efficacité marchande des bédouins climatisés). L’armée, la police et les gardiens de la révolution sont raisonnablement effrayants et la paranoïa tranquille. Évidemment Rolin est merveilleux de précision historique, géographique. Évidemment, les arpents romanesques de son bouquin ne sont qu’un prétexte. La quête faiblement métaphysique du nageur de l’inutile Wax est sympathique, mais la vérité est ailleurs, dans les digressions.
Demain je poursuivrais mon approche de la « rentrée littéraire » en entamant les Renards pâles de Yannick Haennel. Le titre est déjà inquiétant.

10 septembre.- Ciel maussade, comme l’humeur. (19°C)  Les Renards pâles. Haenel, donc. Les vingt premières pages sont presque à mon gout (Refus du monde, dérive psychogéographique, debordisme amoindrie). Le reste recèle d’une idéologie si faiblarde qu’elle me semble douteuse. Je n’image pas Haenel en « punk à chien héroïque» défendant tous les sans-papiers du monde. J’ai plutôt l’impression qu’il s’est trouvé une « niche » et qu’il aboie en espérant attirer le peuple de gauche. On ne défend pas les théories qu’il défend en étant publié chez Gallimard avec la bénédiction de Sollers (ah ! ce joli bandeau « rentrée littéraire »). On ne compose pas un lourd pensum visant le cœur des institutrices associatives tout en se réclamant de Max Stirner et des morts de la commune. Cela ne se fait pas.

12 septembre.- Nuages, fraicheur. (17°C) Duteurtre, Polémiques. Dézingage de Christine Angot (un peu mérité). Panégyrique de Michel Houellebecq (semi-mérité). Nothing else.

14 septembre.- Temps gris. Propension saumâtre. (18°C) Rentrée littéraire. L’extravagante histoire du fakir qui est resté coincé dans une Armor IKEA de Romain Puértolas. Très bien noté par la grande presse. Drôle et doux, pas foudroyant non plus. Un peu l’antonyme du bouquin de Haenel lu la semaine dernière (thème circonvoisin, traitement sautillant pour l’un guère pour l’autre).

15 septembre.- Sourde humidité. (17 °C) En définitive, le petit livre de Romain Puértolas est assez bien. Bon comme pourrait l’être une nouvelle de Marcel Aymé allongée en plein 21 °siècle. Ajatashatru Lavash Patel (Lamarche Vadel ?) son brave fakir rajasthanais multi téléporté est plutôt attendrissent. Il sautille aimablement d’IKEA à l’Angleterre, de l’Angleterre à l’Espagne, de l’Espagne à l’Italie, de l’Italie à la Lybie, de la Lybie à la France. Autant de sautillements qui forment une parabole sur la condition des migrants (parabole jamais plombée plombante en sous-main). C'est loin d’être un grand livre, mais il y a de jolies idées, une Sophie Morceau et un sens du burlesque qui ne démord jamais.

16 septembre.- Je baisse.

17 septembre.- Temps maussade. (17°C) Les morts nous faisant de l’ombre, nous voilà jaloux, prêts à en découdre. Lutte bien vaine, bien inutile.
Quelques pages de Rolland Jaccard. Un tantinet nympholepte il n’est attiré que par les jeunes filles aux lointains airs de névrosés. Quand elles sont androgynes, c’est encore mieux. (Les êtres qui ne se reconnaissent ni dans un sexe, ni dans une culture, ni dans une religion, les êtres qui n’ont pas de sérieux problèmes d’identité lui semblent bien fades). Bref Jaccard est un peu tordu en bien.

19 septembre.- Ciel nébuleux, fraicheur. (17°C)  Jaccard, Joubert, Hölderlin. Tu souffres en silence, incomprise de tous…

20 septembre.- Nuages. (20°C)  Finalement ne rien faire voilà sera ce que je préfère le plus au monde.      
Reparler de musique ? L’envie et un minimum d’inclinaison me manquent. Trouver un subterfuge pour ranimer le moteur de mon inspiration ? Laissez faire le hasard, ressortir deux trois disques au petit bonheur la chance, en parler comme ça au débotté et dans l’élan en espérant que les mots me coulent du cogito sans plus d’effort que ça.
Secondly, lecture indicible, quelques pages des Cahiers Cioran, avec un entrain modéré.

21 septembre.- Ciel changeant, fraicheur cachée. (20°C)   Fini le petit bouquin drolatique de Romain Puértolas. Trop pelucheux pour que je le tamponne tout à fait. Cette manie de vouloir dire des choses sur le monde tout en le caressant dans le sens du bien me semble une impasse. Entamé le nouveau roman de Jean Philippe Toussaint, Nue. Fin d’une quadrilogie qui aura toujours su rester lactescente en bien. Toujours irréprochable, au cordeau, élégant, épuré, drôle sans ostentation. Une valeur sure.

22 septembre.- Beau temps équivoque, soleil trompeur, la fraicheur trainant encore dès l’ombre là. (22°C)

 « … les journées sont toujours affreusement longues et la vie dramatiquement courte. »

Une robe de miel, une chocolaterie qui brule. L’ile d’Elbe dans sa pente la plus automnale. La grande précision de JP Toussaint, cette grande précision qui ne saurait être un frein. Un livre sensuel et précis, parfaitement découpé et fictionnant en creux. En définitive le meilleur de ce que peut nous apporter la lactescence quand elle se pique de littérature.

24 septembre.- Labeur. Beau temps chaud. (26°C) Travail, fatigue, hypocondrie. Picoré telle une oie sans tête, chez Jaccard (Roland), Joubert, Lichtenberg, Unamuno, Cioran. Grignoté le début du Studio de l’inutilité de l’impeccable Simon Leys.

To be continued.

vendredi 25 avril 2014

jeudi 24 avril 2014

Martin Rev - Martin Rev (1980)


« Avec Suicide, je ne jouais que d'une main, la seconde me servait à me protéger des détritus lancés contre Alan Vega »

« Je sais pas mec. On en avait vraiment notre claque de la politique comme du reste. Rev voulait tuer Nixon. Rev avait acheté un billet de train pour Washington, pour aller buter Nixon à la maison blanche ? J’ai dû l’enfermer dans une chambre pendant une semaine, il avait complètement flippé ; un type si tranquille … »

Un type si tranquille hum ! Si dans le duo suicidaire que vous connaissez tous Alan Vega est bien un croquignolet à fort potentiel Martin Rev m’a toujours paru tout autant gratiné. Il faut savoir se méfier de ce genre de types capables de porter de grosses lunettes noires tout en prenant des airs tempérés, ils sont souvent plus dangereux qu’une cargaison de pervers polymorphes autoproclamés.
Dans ce court Ep paru en 1980 Martin Rev est tout seul avec ses machines et on sent bien qu'il n'est pas si tranquille que ça. Il chantonne sur un titre et sa voix un tantinet monocorde vous donne la ravissante impression d'écouter un genre de serial killer prêt à toutes les folies faussement contrôlées. Le reste du disque vaut aussi que l’on y laisse une, deux voire trois oreilles pour les auditeurs les plus sybarites. Synthés tocs et sales, mélodies sombres, textures crapoteuses avec pour meilleur moment un petit épiphénomène itératif, le premier titre Mari, qui prend son temps presque joyeusement.




mercredi 23 avril 2014

Sylvain Sylvain – Syl Sylvain And The Teardrops (1981)


J' avoue une immense tendresse pour Johnny Thunders mais je crois que mon Dolls préféré restera le petit Sylvain. Que voulez-vous ses origines egypto sépharades, sa gouille de vrai faux titi montmartrois égaré en plein Manhattan ont tout pour me réjouir. Syl Sylvain And The Teardrops est son second album et même s’il l’a un peu renié par la suite, le trouvant surproduit, il est bien possible qe ce soit un disque épatant. Pop dans le bon sens, rock comme il faut, presque power-pop en somme. Sylvain est accompagné par une batteuse pétulante (Lee Crystal futur tritureuse de peaux derrière Joan Jett et ses Blackhearts) et un guitariste globalement twangant (le sémillant Johnny Rao). Les titres sont presque tous fougueux et pleins de charme et pour un peu on les écouterait en sautillant. I Can' t Forget Tomorrow vous titille le creux de l’hypogastre avec son petit mur du son, Teardrops ressemble à du Springsteen ultra light et sans débardeur quant à Formidable c’est bien simple c’est une chanson formidable. Un disque qui rend heureux.


samedi 12 avril 2014

Tom Verlaine – Words From TheFront (1982)



« Falling silent again. Silent agent. It turns like a key. Turns like a key in a lock. Turning at last, Turning »

La discographie solo de Tom Verlaine n’a rien de négligeable. Ses deux premiers albums, tout en overdubs cristallins et en mur de guitares, sont vraiment très bien. Ce Words forme The Front qui vient juste après est quasiment meilleur et vaut que l’on y jette ses deux oreilles sans aucune crainte. Postcard From Waterloo est une « ballade napoléonienne » lumineuse avec un refrain poignant (maintenant, nous devons dire adieu/je vais envoyer une carte postale de Waterloo), Lene Lovitch la pythie transylvanienne hulule dans le fond et tout est pour le mieux. Words From The Front, la chanson-titre frôle l’épique pour mieux tomber dedans quant à Days On The Mountain c’est certainement le titre le plus bizarre dans toute la production de Tom Verlaine. Un battement de tambour binaire, un synthétiseur primaire, le saxophone de Lene Lovitch en rafale, un drôle d’écho, une guitare qui à la longue devient transparente et puis cette voix qui s’élève, qui ne cesse de s’élever. Belle ascension, belle émotion.


vendredi 11 avril 2014

Alex Chilton - Dusted in Memphis (1980)



Dans la discographie un brin erratique d’Alex Chilton ce bootleg est censé combler le fossé entre Bach's Bottom (1975) et Like Flies on Sherbert (1979). On y retrouve les traces de quelques démos enregistrées en 1976 pour Elektra ((Like Window's Motel, She Might Look My Way) et des enregistrements « privées » bidouillés entre Memphis, Wallingford et New York. En dehors d’une reprise des Seeds qui tient à peu près toute seule (Can't Seem To Make You Mine), il faut bien avouer que l’ensemble est assez rude et semble avoir été remonté du puits sans fond dans lequel Chilton a passé la majeure partie des seventies finissantes. Chuintements et crachotements, squelettes de chansons, morbidité latente et invention par la bande du toutim lo-fi (She Might Look My Way sonne comme un petit bidule d’Ariel Pink, mais en en beaucoup mieux). Les deux premiers titres sont les meilleurs, deux symphonies asthéniques par une âme malade. J’imagine que les habitués du confortable éviteront tout ça.



mercredi 9 avril 2014

Howard Vokes - Songs of Tragedy and Disaster (1963)


Howard Vokes cowboy renfrogné venu de Pennsylvanie n’est certainement qu’un petit maitre country, mais cela ne l’a pas empêché d’enregistrer pendant presque cinquante ans une somme de singles assez conséquente sur une quantité de labels plus obscurs les uns que les autres. Cette compilation parue au milieu des années 60 résume assez bien le toutim. Elle réjouira les âmes maussades et les fans de hillbilly tragique. Il n’y est question que de désastres divers et variés. Le Titanic coule pendant des heures et les histoires d’amour finissent très mal pendant que d’incessants cyclones tourbillonnent un peu partout. Évidemment, on frôle le sous Jimmie Rodgers, le Roy Acuff amoindrie et le Grand Ole Opry au rabais, mais avec un inlassable sens de la catastrophe qui réjouirait Paul Virilio s’il lui prenait l’idée de porter Stetson.




mardi 8 avril 2014

Mark Eric - A Midsummer's Day Dream (1968)


Beau, blond, bronzé, avec de grandes dents, une voix de fausset et une petite science de la pop douce et ensoleillé Mark Eric avait presque tout pour lui. Il n’en fera pourtant quasiment rien abandonnant une « carrière musicale » légèrement prometteuse pour se recycler piteusement dans cette sale chose qu’est le cinéma (une rainette gluante vaguement art global qui se veut plus grosse qu’un bœuf). C’est assez dommage car son seul et unique effort discographique, ce A Midsummer's Day Dream dont il est ici question, est vraiment bien. Un peu planté en 1965 quand nous sommes en 1968 mais ce n’est pas très grave, les arrangements de cordes qui rappellent les meilleures productions de Curt Boettcher sont bien plus révolutionnaires que nombres de pavés lancés au petit bonheur la chance. On passera sur le falsetto un brin aléatoire de Mark Eric - celui de Brian Wilson l’est presque tout autant - et on sautillera doucement tout en l’écoutant gazouiller un peu de travers ses histoires de surfeur mélancolique. Pour vous faire une courte idée écoutez Take Me With You, orchestration luxuriante, joli vibraphone et cœur fragile, de la sur-variété comme on en fait plus.



lundi 7 avril 2014

Biff Rose - The Thorn In Mrs Rose's Side (1968)


Regardez cette pochette, une fausse marinière, une vraie moustache, un sourire ultra brite et des airs de beauf estourbi. Biff Rose n’a vraiment rien pour lui. Il n’est pas plus swag qu’un congrès de proctologues en goguette et on se demande pour quelle raison burlesque David Bowie a bien pu le reprendre sur Hunky Dory. Peut-être un amour immodéré pour les pianos démodés et les chansonnettes brinquebalantes de chez Tin Pan Alley, allez savoir ? Vous aurez compris que j’exorcise tel un diacre tatillon, car comme Bowie j’aime beaucoup Biff Rose et sa musique qui ressemble à un petit Broadway portatif. Dans The Thorn In Mrs Rose's Side, son premier disque il chante déjà comme un Harry Nilsson qui aurait avalé Mickey Mouse de travers. Les chansons sont formidables avec un charme béguin, des refrains qui vous chatouillent le cœur à petit coup de casseroles rouillées et un art de l’arrangement fluet que l’on pourrait trouver admirable si on le regardait de près. Si à tout cela on ajoute  des mots ironiques — dans Buzz the Fuzz un flic rookie tombe amoureux d’une Alice hippie —, il y a tout lieu de trouver ce disque foutrement sautillant, d’ailleurs j’ai sautillé en l’écoutant, c’est vous dire.

N.B. Children Of Light Le deuxième album de Biff Rose est presque mieux, Van Dyke Parks y joue du synthétiseur Moog c’est qui est très swag avant l’heure, il faut bien le dire.


dimanche 6 avril 2014

Splinter - The Place I Love (1974)


Ce disque sorti sur Dark Horse Records le label de Georges Harrison vaut que l’on y jette une oreille. En dehors de la section rythmique l’ex Beatles y tiens quasiment tous les instruments sous divers noms d’emprunt (il était encore signé chez EMI à l'époque). Les guitares 12 cordes carillonnent en overdubs et les deux chanteurs Bill Elliott et Bob Purvis harmonisent merveilleusement dans un territoire plus beatlesien que mon coude gauche. Avec un peu d’outrecuidance, l’auditeur attentif pourrait affirmer doctement que tout cela ressemble à quelque chose comme du Plastic Ono Band réussi. Pas de détresse, aucun envol sombre, laissons cela aux pendus de Badfinger, mais une petite chose agréable à écouter en semi-sourdine, la fenêtre ouverte et le visage orienté vers un soleil qui commence à poindre.




samedi 5 avril 2014

The Nightingales - Pigs on Purpose (1982)


J’ai mis du temps à le retrouver, mais c’est fait, il est là posé devant moi avec sa petite tête de vestige empoussiéré. Oh certes pas un grand disque, plutôt un épiphénomène sympathique, mais bon il y a parfois du plaisir à prendre à vouloir écouter des épiphénomènes sympathiques. Résumons à gros traits, les Nightingales (in french : les Rossignols) venaient de Birmingham et ils faisaient dans le post-punk bancal. Par commodité je dirai de leur premier album qu’il ressemble à du The Fall amoindri. Même anémie mélodique ankylosée de raideur bienvenue, même humour dédaigneux frôlant la litanie sarcastique. L’ombre luxée de Mark E. Smith rôde et il est même question d’un Irlandais qui aurait ouvert un restaurant tandoori c’est vous dire s’il on pouffe plus qu’à son tour. Le disque n’est pas grandiose — épiphénomènement sympathique disais-je –, mais dans ses meilleurs moments il a quelque chose de la punaise rouillée qui vous picoterait le fond des Converses, c’est déjà ça.

N.B. Le 15 mars 1981 Joe Crow l’un des ex Nightingales avait enregistré une chanson qui restera comme l’une des plus belles merveilles de l’électro minimale early eighties, je veux évidemment parler de Compulsion .  




vendredi 4 avril 2014

Eyeless in Gaza - Drumming the Beating Heart (1982)



Ciel ocre et drôle d’humidité, j’écoute Drumming the Beating Heart d’Eyeless in Gaza. Pas le meilleur album du duo de Nuneaton, pas le pire non plus. Le précédent Pale Hands I Loved So Well était un parfait exemple d’improvisation brinquebalante, le suivant Rust Red September sera presque impeccable dans un genre quasi pop. Celui-ci est entre les deux, pas vraiment parfait dans l’approche bricolo avant-gardiste mais avec des structures frôlant le classique et cette impression d’avoir à faire à de courts croquis de chansons. Jolis croquis, percussions en « cliquetis », guitare étouffée, minimalisme de bon aloi et puis cette voix que voulez-vous…