Je ne parlerai pas ici d’un chanteur américain qui s’est tué en se plantant un couteau dans le cœur, je ne parlerai pas ici d’un autre chanteur américain, bricoleur et expérimentateur en chef. Je ne parlerai pas d’eux, car s’ils sont un peu là dans le fond du nouveau disque de Pokett (ce Stéphane Garry barbu et sautillant que vous devriez tous connaître), ils n’y sont qu’à l’état de couleur, de teinte ; rien de plus, rien de moins. De toutes les façons vous qui êtes malins savez tous très bien ces histoires de teinte et de couleur, vous savez aussi que les chansons ne tombent pas toutes seules quelles viennent toujours de quelque part, des autres sûrement, de soi, un peu quand même. On ne refera pas ici la longue histoire de la « soupe initiale » nécessaire à toute œuvre, cette maturation, ce mûrissement d’influences avec lequel tout artiste un peu altruiste (et futé) cuisine tout en étant lui-même. Donc si Stéphane Garry (qui est futé) cuisine très bien avec les chanteurs américains qu’il a écoutés, avec les « groupes à guitares » qu’il a aimés, il construit aussi très bien avec sa vie ; elle passe au-dessus et on la retrouve dans ses chansons… Il n’y a donc rien de bien étonnant à se retrouver dans ce troisième disque comme à l’intérieur d’un beau cheval de Troie ; un cheval de Troie sentimental, un peu mélancolique, légèrement ironique (un peu là oui) avec pour compagnon une petite troupe de musiciens habiles.
Bref, vous m’aurez compris, il y a beaucoup de plaisir à prendre dans ce Pokett-là (dans les autres aussi) c’est un disque franc du collier, un disque où Stéphane Garry ne pas fait pas son intéressant ou son mystérieux, il n’y a aucun effet de production, pas l’ombre d’un quelconque « travail prononcé sur le son » — autant de caches misères bien pratiques — il n’y que des chansons et un beau savoir-faire au service de celle-ci. Ces belles fantaisies powerpop que sont Someone You know ou The Way Down avec leurs remarquables guitares batailleuses leur belle batterie non ostentatoire ont par exemple tout pour réjouir l’auditeur. Il y aussi ces accommodements délicats, centristes pour tout dire, qui sont ce qu’il y a de presque mieux à écouter ces temps-ci : A Sinking Island, Life a Knike, Livin in Here ou Happy The One des chansons qui expriment quelque chose du bonheur avec la simplicité, le savoir-faire, de l’artisan. On n’oubliera pas non plus les mots, les lyrics de Stephane Garry, des mots où l’anglophone moyen trouvera son compte, de l’humour avec ces trois notes en plus, de l’émotion à peine voilée, cette jeunesse qui pense que les choses sont toujours trop lentes à venir… Et puis le reste, le reste est important, je vous laisse deviner le reste… c’est un peu une histoire de cœur. Stéphane Garry est bien là, sautillant, tendre et mélancolique, avec cette petite pointe dans la voix, on l’aime beaucoup.
À Frédérique
5 commentaires:
C'est joli ce que vous écrivez, et écoutez. Il y a un côté Nick Drake dans cette musique et sa fausse douceur, ou je me trompe docteur Watson ?
c'est joli, oui, byrdsien, oui
ta dédicace me donne envie de pleurer, sérieusement.
Oui je sais, moi aussi...
...
Enregistrer un commentaire