Le paresseux est un mammifère d'Amérique tropicale. Un drôle de xénarthre qui, fruit étrange et velu, vit à l'envers, suspendu dans les arbres. Il faut savoir, chose importante, que notre ami xénarthre se déplace avec une extrême lenteur. Il faut également savoir qu’il possède des griffes ahurissantes, mais affecte en permanence un air doux et serein. Néanmoins, le paresseux est souvent agacé par la présence sournoise de moult prédateurs plus prompts que lui : le jaguar, l'ocelot, l'aigle harpie... bestioles sportives, cruelles et rapides. Alors que notre ami poilu somnole au bout d'une branche, cette sinistre cohorte de ravageurs de xénarthres semble motivée par une efficacité toute libérale : mieux chasser pour être mieux rassasié, c’est la loi des tropiques encore un peu boisées. Saloperie d’efficacité.Vous le savez déjà, le paresseux n’est pas qu’un mammifère édenté (à deux griffes et six vertèbres), c’est aussi un mot, avec de bienheureux synonymes : mou, souple, cotonneux, doux et tendre… Rien pour l’efficacité libérale, tout pour le lymphatisme triomphant. D’ailleurs, face au rendement généralisé, il faut savoir grimper dans les arbres ; c’est la seule attitude valable. Là, à l’envers, tête-bêche, le sang reflue et le quidam, à l’instar du xénarthre, oublie tout : l’ocelot qui guette, le labeur rémunéré à qui mieux mieux, la morne productivité, le monde… et même, voyez-vous, la gravité.Ah ! Oui, le paresseux, c’est aussi souvent un type qui, en voulant parler d’une chose, n’en parle pas vraiment, la paresse et le manque d’inspiration offrant alors un étrange mélange, un cocktail sucré et indolent, rohypnol palimpseste (flunitrazépam), le narcotique préféré du violeur de consciences. Alors, imaginez ces phrases comme du rohypnol, regardez-les bien en face. Vous êtes encore là ? Non ? Alors, voilà, me voilà et voilà un disque… c’est un disque formidable, un vrai disque de songwriter, avec des chansons et des mots paresseux, des mots doux et lents (procurez-vous les lyrics). Un disque merveilleux avec une chanson adhérente à l’âge d’or du bonze Léonard Cohen, « Song for Gala », un cocasse mambo bancal qui dandine en plein air. Il y en a d’autres, des chansons, toutes très belles, laid-back, douces et aussi faciles à vivre que celles de Kevin Ayers.Lazy, soft and slow... Lazy, soft and slow... Ouvrez les yeux, ouvrez les yeux et imaginez ce drôle de zèbre qui est là, tête en bas, accroché dans les arbres, ce drôle de zèbre, c’est moi. Oui, ce drôle de zèbre, amoureux de lui-même, c’est bien moi, doux, lent et très paresseux.
1 commentaire:
cet album est en effet magique, un peu comme un trésor caché qu'on redécouvre à chaque fois.
autant je passe devant l'House of Love sans m'arrêter, autant je reviens vers celui-ci, doucement mais surement...
Enregistrer un commentaire