mardi 21 août 2007

Frank Sinatra – Watertown (1970)

Le disque le plus mélancolique de Sinatra sûrement pas ! Les sublimes « In The Wee Small Hours » et surtout « No one cares » baignent dans le chagrin et les larmes même pas contenues. Le plus déprimé peut-être alors ? En tous les cas un disque fatigué, un peu cassé voire soumis au goulet du temps, juste avant de passer aux moumoutes consolatrices, déjà loin des pistes d’hélico détruites à coup de marteau la rage dans le gosier. Loin de la flamboyance d’Ava des frères culbuteurs irlandais d’une jeunesse de proto idole gommeux de Sam Giancana de sa clique et de la boucherie chevaline, (Toutes ses têtes de chevaux dans les draps satinés de Vegas ça fait tache), voilà donc (on y vient) « Watertown », drôle de bidule, Watertown. Tout d’abord il faut savoir que « Watertown » est un « disque concept » Bizarre idée top moderniste pour remettre l’oiseau dans le jacuzzi... L’oiseau coule t-il dans le jacuzzi ? Enfin pas si sur, car Sinatra était déjà là dans le bain (mais sans bulles) avant tout le monde : Elvis le pelvis, les Beatles, les Doors et même Ravi Shankar... Alors quand Jim Morrison et consorts vibrionnent en Sinatra d’occasion, Frankie the voice, lui, reste dubitatif. Tous ces faux vrais hippies qui montrent leurs attributs en publique ne sont que freluquets et compagnie (le syndicat ne veille pas et Morrison sera trahie par la plomberie.) Lui Frankie (the voice donc) est capable de faire fondre n’importe qu’elle assistance et uniquement par le magnétisme interposé de sa voix et grâce à quelques imperceptibles circonvolutions d’un bassin pourtant encaustiqué par la bienséance catholique… alors les hippies ok ils sont bien rigolos trente secondes mais montrons de quoi nous somme encore capable, donc voilà : Watertown. Pour parvenir à ses fins et écraser les jeunots, Frankie recrute Bob Gaudio producteur dans l’ombre des Four Seasons et plus étonnant, Jake Holmes un chanteur folk un peu obscur qui fera office de songwriter... l’homme du romanesque en somme. Pour le concept et le coté in moderniste (enfin en 1970) « Watertown » raconte bien une histoire, celle d’un homme entre deux ages, abandonné par sa femme et ses enfants, laissé à lui-même et soliloquant dans les rues vides d’une petite ville. (Pas de Shirley MacLaine à l’horizon et s’il y a un torrent, c’est celui d’une pluie qui tombe inlassablement.) L’album est constitué d’une série de brefs instantanés lyriques, comme des lettres écrites et jamais envoyées, gardées au fond de la poche avec le poing par-dessus, et la solitude qui remonte. Introspection nécessaire d’un homme cassé. Sinatra est évidemment un interprète fabuleux et il baigne souverainement dans ce bain là , tout passe par sa voix, la peine, les brisures, l’espoir la résignation…Enfin comme d’habitude... La texture musicale (soyons doctes) est à l’avenant, d’une diversité inhabituelle, on dira pour fixer le lecteur (et potentiel futur auditeur) un genre de folk-rock subtil et idéalement arrangé… des nappes de cordes, des cuivres et flûtiaux lointains, un piano de chez bastringues plus que de chez Steinway et quelques guitares acoustiques mais néanmoins espagnoles versants parfois dans l’électricité voyez-vous ! Les ballades qui sont toutes fabuleuses, baignent dans les sanglots étouffés et il y a sur la fin un « Lady Day » , le « Lady Day » de Frankie, qui vaut bien celui de son confrère intello toxico explicite (à fourrure) de la grosse pomme. L’album sera un retentissant échec commercial et Sinatra pas masochiste (sans fourrure) se recyclera dans la contemplation de son passé et accessoirement sa collection de moumoutes, Goodbye, The Voice… http://www.simpleton.com/20021230.html

9 commentaires:

skorecki a dit…

joli texte mélancolique, raffiné, bien documenté ... sauf que tu oublies que sinatra est L'INVENTEUR au tout début des fifities, chez CAPITOL, du DISQUE CONCEPT, et en même temps du disque longue durée (LP: 25 cm, 30cm ... cd) - vertigineux quand on y pense, non?
PS. je n'avais pas réécouté ON THE ROAD AGAIN depuis ... depuis ...mes années préblues, il y a une éternité, quand j'étais gamin (merci, c'est très joli).

Philippe L a dit…

Oui je me suis pris les pieds dans le tapis « In the Wee Small Hours » tout ça évidemment… peut-être que « Watertown » se veut plus explicitement moderne ou plus conscient d’être une chose moderne, ce n’est pas si sur on est jamais sur de rien. En tous les cas merci pour le commentaire.

skorecki a dit…

non, ce n'est pas vraiment ça, c'est juste que sinatra a été le seul chanteur (et CAPITOL, le seul label) à imposer (et ils ont fait ça TOUS SEULS) le passage du single de deux titres au LP (dix, puis douze chansons), ce qui a autant changé la face de la musique populaire que la télé l'a fait, au même moment: sinatra, c'est 1954 (songs for young lovers), hitchcock c'est 1955 ...(pour le reste, je suis évidemment d'accord avec vous).

Anonyme a dit…

Philou, In The Wee Small Hours c'est le titre d'un album de Sinatra de 55, donc si elle est sur celui-ci c'est une reprise ou bien ?

Sinon effectivement Sinatra premier concept album, les premières fois c'est important, Abbey Road premier hidden track, Bob Dylan première pochette sans mention de titre ni d'auteur et premier double album studio (Blonde On Blonde).

Anonyme a dit…

Ok sur In The Wee Small Hours tu citais l'album, j'avais mal compris...

Anonyme a dit…

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Pilou72

Unknown a dit…

un peu de réconfort de voir des ptits (ou grands) êtres écouter frankie...
Il me bluffe à chaque écoute et Watertown est le summum des disques à écouter , à savourer chaque jour.. d'automne
Tu me manques frankie

Frank, des 2B3

Unknown a dit…

Ah frankie, j t'ecoute chaque soir
Tu nous manques
Ta voix me manque
Et watertown est le summum pour révasser les soirs d'automne

Frank (des 2B3)

Anonyme a dit…

cédric je ne suis pas d'accord avec toi.watertown n'est pas le summum. mais je te pardonne tu es jeune tu n'as pas encore l'oreille musicale...