mercredi 15 février 2006

Ravel, Echenoz et l’ambiance


J’ai lu Ravel en écoutant Satie ! Sacrilège ultime ! Il y a toujours beaucoup de perversité lasse à lire en discernant confusément une musique que l’on oublie peu à peu. Ces deux activités ne peuvent, ne doivent pas cohabiter, elles s’adressent à une zone peut-être trop voisine de notre sensibilité, la lecture prenant assurément le pas reléguant la musique dans un halo vaguement flottant et confus. Lire en écoutant, c’est prendre un ascenseur musical. Ce qui compte c’est l’Ascension ou l’ambiance ? Et si ce n’était pas si simple ? Donc Satie, M Eno, Ravel, Echenoz et l’ambiance … On pourrait considérer Ravel, le livre, comme un précis de littérature ambiant, d’ailleurs l’œuvre d’Echenoz tournicote autour de cela depuis le début : Prose sans graisse, absence d’adverbes et de synonymes mordorés, intrigues faussement réduites vers l’épure qui semblent toujours retenir quelque chose avec ruse. Là où tout s’imbrique, dans Ravel le livre, et pour reprendre la vieille histoire de la forme et du fond, c’est que le sujet Ravel est dans tout cela : Un « horloger suisse » pour Stravinsky, « une musique sans sauce » pour Jean Cocteau … Donc livre sec et sans sauce, bio pas bio, pas de psychologie et de moraline mais toujours cette ironie qui s’échappe avec beaucoup de malice. Très mince le livre qu’on le croirait destiné à la bobo quinquagénaire pressée et abonnée à ELLE, avec le coté je suis svelte sans gras (on y revient), je suis blanc, immaculé, je suis chez Minuit quoi ! Bon Ravel c’est le sujet : Dandysme, mauvaise humeur, traversée guillerette de l’atlantique, en paquebot délicieusement thirties. Tournée fulgurante en amérique. Retour en France, accélération du temps. Création du Boléro vielle scie pleine de sauce elle. Et bientôt la déchéance, lente, insidieuse. Le concerto pour main gauche pas respecté (le frangin Wittgenstein.)Une contrainte pas respectée grande histoire ! Et sournoisement, de l’inquiétude, l’aphasie. Une opération du cerveau que l’on croirait prise à un film de Jean Painlevé racontée par Franju… Et la fin presque mélancolique, touchante mais toujours factuelle, «Il se rendort, il meurt dix jours après, on revêt son corps d'un habit noir, gilet blanc, col dur à coins cassés, noeud papillon blanc, gants clairs, il ne laisse pas de testament, aucune image filmée, pas le moindre enregistrement de sa voix.» En dehors du petit éclat médiatique trop présent sur Echenoz, le livre existe et il est beau.

Aucun commentaire: