21 avril 2023 - Rien de vraiment printanier (18°C). Je tangue dans un vague ennui. Chez Manchette (Derrière les lignes ennemies), beau côté arrière-cuisine. Nothing else.
22 avril 2023 - On annonçait des éclaircies qui se sont fait attendre et qui ne sont pas venues (18°C). (Matin) Fini le livre de discussions de l'ami Manchette. Malgré le côté répétitif des questions (les journalistes manquent souvent d'imagination), c'est globalement très bien et en tous les cas plein d'une humanité bravache. Quelques dézinguages : les successeurs néo-polar, l'art contemporain, le cinéma post-hollywoodien, la « littérature d'art », la gauche officielle, mais chez Manchette, il n'y a jamais la trace d'une quelconque aigreur. Non, plutôt une sorte de résignation non dupée par les divers événements — intimes, politiques — qui nous le fait encore plus aimer. (Après-midi) En 1958, dans La Panoplie littéraire, Bernard Frank est déjà plein de lymphatisme goguenard, cela ne l'empêche pas de donner de larges et ouatés coups de patte dans l'establishment littéraire de son temps. Ainsi, s'il s'attaque à Sartre et à son secrétaire Cau sans donner l'impression de les toucher il laisse tout de même quelques traces de griffures derrière lui. C'est ouaté comme je le disais, plein de fausse torpeur palimpseste pour mieux masquer les méchancetés qui sont bien là. Ça tangue aussi nonchalamment, part dans des digressions qui sont autant de caresses contre le sens du poil. Bref, Bernard Frank, c'est toujours très bien.
23 avril 2023 - Météo vaguement orageuse, vaguement sinistre (18°C). Frank pense qu'en rassemblant philosophie mathématique et blagues, Queneau aura transformé la littérature en une autre technocratie. Et puis cette petite voix mièvre de vieille femme essoufflée. Que voulez-vous Queneau, rien pour lui ! Enfin, je m’égare, La Panoplie littéraire n'est pas un livre vraiment consacré à l'oulipien en chef, c'est un livre qui tourne surtout autour du pâle Drieu. Enfin, c'est plutôt un livre sur cette série d'attitudes dans lesquelles les écrivains se complaisent, ce miroir qui les avantage, ces faiblesses qui sont des charmes, ce duvet de l'intelligence. Pour voir tout ça, il faut démonter tout ça, démonter Drieu ! (Je ne suis pas très clair, je ne suis pas en forme.)
24 avril 2023 - Deux éclaircies (15°C). (Avant la sieste) Frank : dissection de l'écrivain collaborateur. Ambiguïté de Gide, joie compliquée de Sartre, sautillements de Rebatet, lucidité patibulaire de Drieu. Dissection de l'écrivain de droite, de celui de gauche. Dissection de l'antisémitisme, celui de Drieu tenant plus de la perversité que de toute autre chose, celui des autres qui est parfois un antisémitisme d'arrivisme. Frank est un grand dissecteur légiste qui ne simplifie jamais rien, qui complexifie même, qui au-delà des constats trouve des causes. Son scalpel a beau découper avec une tranquillité ronde et bonhomme, il ne laisse rien d'indemne derrière lui. (Après la sieste) L'écrivain de droite n'est qu'une tête folle, un gentil garçon, un pur esprit occupé par la beauté de ses phrases sur les tulipes ou la Perse barbare. On n'aimerait que ce soit cela, c'est plus compliqué. L'écrivain de droite est aussi un type qui fait semblant de croire qu'il faut se moquer de la politique alors que ce sont les circonstances qui l'ont contraint à le faire. Lorsque ses vraies idées sont au pouvoir, on voit le résultat. Chez Drieu, c'est terrible. Sa sincérité est de mauvaise foi.
25 avril 2023.- Belles éclaircies (15°C).(Matin) En 1958, date de parution de sa Panoplie littéraire, la grande affaire pour Bernard Frank, c'est l'engagement politique. Il faut dire que l'époque veut que les communistes phagocytent le marigot intellectuel, que la droite soit suspecte du pire et que les modérés et les vaguement désengagés n'existent pas, ou presque. Même s'il offre de merveilleuses perspectives critiques autour de la figure sacrifiée de Drieu, son livre est donc trop tendu par les interprétations politiques de son temps, oubliant que le roman est souvent ailleurs (Le Feu Follet n'a qu'un mince verni politique). Enfin, c'est ce que je pense.
Loin des rondeurs frankiennes, entamé En lisant Augustin de Miklós Szentkuthy (Chez José Corti). Tenu une page, c'est bien au-dessus de mes forces présentes. Encore un type qui dit des choses simples de façon compliquée alors qu'il faudrait toujours faire l'inverse.
(Après-midi.) Il faisait presque beau alors j'ai fait un petit tour au cimetière et j'ai visité mes morts. Dans l'élan — un élan un peu chagrin et plein de poudre de chrysanthèmes — j'ai poursuivi mon petit chemin en improvisant une courte séance de psychogéographie qui m'a emmené vers des lieux de portée limitrophe jusqu'à présent ignorés de ma personne. Ainsi, sous mes pas, j'ai découvert un point de vue donnant sur deux fleuves qui se rejoignaient — on parle de confluent — avec au loin sur l'horizon de très hautes montagnes blanches qui semblaient jouer avec de gros nuages d'altitude. Sachant que mon modeste logis est situé à moins de cinq cents mètres des lieux que je décris si mal et que j'y vis depuis plus de vingt-cinq ans, on pourra en conclure que je n'ai pas l'esprit très porté vers l'aventure. C'est en partie faux, car voyez-vous, je connais assez bien Naples, Biarritz, Cluny ou Phnom Penh. En fait, je pense que ma connaissance limitée de mon environnement le plus immédiat est probablement ficelée par un excès de xénophilie associée à une certaine crainte du prochain. Cela doit être ça. Enfin bon, cette balade était très bien, je renouvellerai l'expérience. Quant à mes morts, ils vont bien, ils n'ont pas bougé.
27 avril 2023.- Ciel à demi nuageux, hausse des températures (20°C). Je ne proteste plus, râler m'empêchait de respirer, j'ai retrouvé le souffle et je me balance sans effort et je marche et je flâne, je rôde et je cours et surtout je perds mon temps.
À ma droite, un couple de perruches, ma voisine s'est trouvé un compagnon.
Paris-Berry de Frédéric Berthet. Gueule de fond de tiroir. Cependant, des moments.
Rouvert au hasard Les Enfants Tanner de Walser. Toujours admirable.
28 avril 2023.- Quelque chose de tiède (23°C). Lever à 5h40, labeur, sieste… Réveillé par la tondeuse du voisin. Détour par les Cahiers de Cioran. Le bougre peut lire les Journaux d'écrivains, ces fragments où il y a de la vie, mais de moins en moins les maximes et les pensées, ces « formules oraculaires » qui signifient tout et rien… « Quand je songe que j'en ai écrit moi-même, je suis pris de dégoût ! Oublions ! »
Rien de plus, je suis fatigué.
29 avril 2023.- Pluie tiède (20°C). Repas familial. Entamé Un jeune homme bien élevé de Jean-Jacques Brochier. Rien d'autre.
30 avril 2023.- Quelques belles éclaircies (20°C). Vie sociale, peu de place pour la lecture. Néanmoins, une quarantaine de pages de Brochier. Le dépréciateur en chef d'Albert Camus raconte ses jeunes années et ça ressemble à du Modiano bougon.
1er mai 2023.- Averses et vent aigrelet, le soleil sera venu sur le tard (18°C). Dans son vrai faux roman, Brochier raconte son passage par l'activité clandestine, les valises qu'il portait dans les temps que l'on sait, son arrestation, son emprisonnement et l'âge adulte qui vient. Rien de foudroyant dans ce récit dont on connaît certaines clés mais rien de problématique non plus. Brochier fait preuve d’un certain ton à demi détaché et un peu ironique qui n'est jamais vraiment désagréable. Bref, ce n’est pas si mal que ça.
2 mai 2023.- Journée venteuse et ensoleillée (18°C). Morne labeur, enthousiasme modéré. Seule chose à retenir, le mot juponnard. Une invention de l'ami Léautaud que l'on retrouve dans son fameux Journal et que l'on retrouve aussi dans ses tout aussi fameux entretiens avec Robert Mallet (que je relis avec une parcimonie gourmande).
Juponnard adj. péjor. ÉROT. « qui court les femmes » - TLF, cit. Léautaud, 1906. *1925 - «[…] il /Valéry/ est devenu très juponnard.» Léautaud, Journ. Littéraire.
3 mai 2023.- Journée parfaitement printanière (20°C). Conditions lectorales toujours déplorables. Les chantiers divers et variés semblent s'agglomérer autour de ma chaise de jardin. Qu'ai-je fait pour mériter un tel châtiment ? Malgré tout, picoré dans les Cahiers de Cioran (dans lesquels je m'éternise plus que de raison). Pour l'ami Emil, l'Ulysse de Joyce est un tissu de potins, la somme du déconnage, les divagations d'une concierge universelle. C'est bien vu, je pense à peu près la même chose. Nouvelles acquisitions : Adieu et Lettres de la petite ferme de Kléber Haedens (une autobiographie romancée et un recueil de chroniques), Le Nageur de Pierre Assouline (un roman biographique).
4 mai 2023.- Quasi tiédeur (26°C). Offensive estivale à brûle-pourpoint. On recherche l'ombre en se disant que tout cela est peut-être un peu trop précoce.
Le Nageur de Pierre Assouline. Avec une telle histoire, un tel matériel romanesque, difficile de rater son affaire. Assouline ne la rate donc pas vraiment. Mieux, son livre est presque bon, réellement passionnant, informé comme il le faut et ne s'égarant jamais dans les afféteries littéraires qui n'auraient pas leur place ici. (Le livre raconte l'histoire d'Alfred Nakache nageur juif déporté, son ascension, sa technique avant-gardiste, sa rivalité avec Jacques Cartonnet, son double maléfique.)
5 mai 2023.- Tiédeur humide et morose (24°C). Petite forme, rien pour moi. Paris-Berry de Frédéric Berthet. Pas grand-chose, mais charmant. Désinvolte, certainement. Mieux, le style est là, c'est important. Encore dans les Cahiers de Cioran, il perd sa mère, sa sœur, une dévastation distanciée. Les malheurs qui se répètent portent à l'insensibilité. Fini par le Journal de Renard, l'odeur de l'encre fait mourir ses rêves, lui donne de petits épanchements de cœur…
6 mai 2023.- Beau temps chaud (26°C). Avant-hier je me félicitais du fait que Pierre Assouline ne versait pas dans la surcharge littéraire. Aujourd'hui je ne suis plus vraiment du même avis, je pense même que cet avis pourrait être une erreur. Son roman est trop sage, trop au ras du factuel et du journalisme. Il ne fait rien de Jacques Cartonnet qui n'est finalement qu'une ombre antipathique. Alors si l'histoire d'Alfred Nakache est indubitablement exemplaire, on se dit sournoisement qu'Assouline se trompe un peu de roman, qu'il aurait dû se pencher un peu plus du côté du maléfique et moins de la béatitude. Qu'il aurait dû écrire un livre sur Jacques Cartonnet, le salopard de toute cette histoire.
Mort de Philippe Sollers, comme si c'était possible ! Je l'aimais assez, j'aime assez les margoulins. J'aime Stendhal, Godard ou Debord qui en dehors de la diversité étaient eux aussi de sacrés margoulins. Les autodidactes sont souvent attirés par ce type de caractères pleins de vernis, d'esbroufe et de bricolage… et je suis autodidacte et Sollers était plein d'esbroufe… Il était aussi plein d'ironie, de distance avec ce « lui-même » qu'il portait certainement trop haut tout en n'étant jamais vraiment dupe de ce qu’il faisait. Il aura construit de multiples ponts entre la grande génération de l'entre-deux-guerres et les supposées modernités, ses romans ne valaient pas un clou, ses écrits critiques frôlaient parfois le merveilleux, c'était un passeur épatant, ses derniers livres où l'autobiographie pointait sous le drapé étaient très beaux et pleins d'une nouvelle sincérité, une sincérité de vieux, une sincérité old age. Il manquera beaucoup.
Entamé L'épreuve de Gilbert Pinfold d'Evelyn Waugh, un livre où l'autobiographie se cache sous la cape du roman.
7 mai 2023.- Il pleut (17°C). Un romancier entre deux âges prend des somnifères et boit plus que de raison. De surcroît, son existence est troublée par des inconnus. Il décide donc de fuir tout ça en faisant un grand voyage sur un paquebot de croisière. Mal lui en prend, en pleine mer il est harponné par des hallucinations de plus en plus singulières. Voilà l'intrigue de l'Épreuve de Gilbert Pinfold, un court roman où Evelyn Waugh ne cache pas l'autobiographie et ses divers problèmes de ciboulot. J'aime beaucoup Waugh, mais là ça ne prend pas. Je passe complètement à côté de cette histoire ne parvenant pas à trouver ne serait-ce qu'un infime point de contact avec elle. J'ai cru discerner quelques pointes de loufoquerie, mais pour l'essentiel le côté drolatique m'échappe totalement. Mes antennes du jour ne devaient pas être en phase. (Autre éventualité, c'est mal traduit.)
8 mai 2023.- Ciel couvert (21°C). Au-delà de l'ennui, le roman de Waugh n'a rien de vraiment comique. Il est surtout terrifiant… Terrifiant comme l'aveu d'un type qui ne va pas très bien. Commencé l'Apollinaire de Pia dans la merveilleuse collection Écrivains de toujours. Quelques activités de nature horticole. D'autre part, je me prépare pour un examen médical saumâtre.
9 mai 2023.- Pluie (16°C).
Paradis des salles de réveil
Apollinaire par Pia. Exemplaire, le didactisme comme il faut.
Sollers est toujours mort. Il manque déjà.
11 mai 2023.- Averses et vent aigrelet, rien de printanier (15°C). Pour l'ami Paul (Valéry), écrire purement en français, c’était un soin et un amusement qui récompensaient quelque peu son ennui d’écrire. Quant à la syntaxe, il la voyait comme une faculté de l'âme : « La syntaxe est un système d’habitudes à prendre qu’il est bon de raviver quelquefois et de rajuster en pleine conscience. En ces matières, comme en toutes, il faut se soumettre aux règles du jeu, mais les prendre pour ce qu’elles sont, ne point y attacher une autorité excessive. Ne point tirer vanité de se rappeler une quantité d’exceptions. Ne point oublier qu’au temps des plus grands écrivains, les libertés étaient aussi bien plus grandes. Leur langue était plus complexe, mieux construite, plus “organisée” que la nôtre ; mais je confesse qu’ils étaient assez divisés sur la concordance des temps, incertains quant aux accords, inconstants et parfois surprenants dans leur manière d’accommoder les participes. »
12 mai 2023.- Orages (15°C). Je ne travaille plus que trois jours par semaine, mais c'est toujours trop. Sinon… Maurice Martin du Gard, petit cousin de l'autre Martin du Gard, était une drôle de canaille qui, en bon révolutionnaire nationaliste, s'est frotté un peu trop aux mollets du Maréchal pendant l'occupation que l'on sait. Voilà pour le côté pas terrible et non sautillant. Du côté du terrible et du sautillant, le même Maurice Martin du Gard aura écrit Les Mémorables, une somme incontournable, un allègre pavé où il se faisait le fin mémorialiste du milieu littéraire de son temps. Pour Bernard Frank, ces plus de mille pages avaient quelque chose d'un dictionnaire des écrivains de l'entre-deux-guerres, mais un dictionnaire incomparable « animé, vivant, en cinémascope ». Pour François Nourissier, qui ne faisait pas que bourrer sa pipe tout en caressant un épagneul mouillé, le plus jeune et moins fréquentable des Martin du Gard était un « Saint-Simon miniature ». Tout étant dans tout et les choses étant bien faites, j'ai acquis les replets Mémorables en question chez un bouquiniste un peu torve. Pour l'instant, je n'ai picoré que quelques pages, elles m'ont semblé très bien, pas trop au raz de l'anecdote tout en distillant un art du portrait pas vraiment valétudinaire. J'imagine que cette lecture ne sera pas décevante.
13 mai 2023.- Temps maussade, printemps raté (16°C). Toujours un peu dans l’Apollinaire de Pia. Didactisme à l'ancienne, très bien. Parallèlement, je commence la lecture de La Cité des rêves, deuxième épisode de la nouvelle trilogie fomentée par Don Winslow. Pour résumer à gros traits : les petites histoires d'Homère, Virgile, Eschyle et Shakespeare transportées à la fin des années 80 entre mafieux de tous poils (Irlandais, Italiens, Mexicains) et officines états-uniennes en trois lettres. Très feuilletonnant dans le bon sens. Reste à savoir si c'est vraiment de la littérature ou une sorte de synopsis netflixien très réussi. En tous cas, il y a de ça.
14 mai 2023.- Éclaircies tardives (17°C). Le soleil se faufile entre deux nuages et vient réchauffer mon auguste front qui n'en demandait pas tant. Ma chaise de jardin est toujours confortable et je poursuis sans réelle anicroche mon petit chemin dans la grande affaire de Don Winslow. Il y est un peu question de Hollywood et de ses quelques rapports avec le crime organisé, de Las Vegas et de San Diego (qui m'intrigue assez cf Ken Numm). Rien à redire, tout cela est parfaitement ficelé, les personnages malgré les clichés ont quelque chose de finalement épais et Winslow est très maître de ses rouages
15 mai 2023.- Deux, trois belles soleillées, mais une journée essentiellement chapeautée par une lourde troupe de nuages (19°C). Un chantier à droite, un autre à gauche, un derrière moi, un devant moi, des bétonneuses, des ponceuses, des tondeuses, tout un enfer bruyant et machiniste. De surcroît, les incessants va-et-vient du voisinage. (Comment expliquer le fait qu'un individu normalement constitué puisse ouvrir et fermer la même porte plus de soixante fois en une matinée ?) Aujourd'hui les conditions lectorales furent donc déplorables, voire impossibles. Cependant et malgré tout, je suis un vaillant petit soldat et j'ai tout de même fini La Cité des rêves. Winslow tire le fil de son intrigue et se faisant il la découd en même temps. Nous voilà donc devant des aberrations narratives, des personnages qui débarrassent trop commodément le plancher pour mieux boucler une intrigue qui n'avance plus. Il y a de la facilité dans tout ça, quelque chose qui n'est pas trop travaillé, pour tout dire quelque chose qui n'est pas trop peaufiné, alors que le peaufiné est censé être l'une des principales qualités de Winslow. (Voilà un type d'ouvrage où il ne serait être question de critiquer un style ou une pensée, non ici il n'y a qu'une histoire ou alors un scénario, seule l'efficacité mérite d'être critiquée.) Lu la préface des Mémorables par François Nourissier (toujours très pipe/chien humide). Elle est assez chouette et très éclairante… Un constat : le vichysme supposé de Maurice Martin du Gard est tout juste chuchoté… Par courtoisie ? D'autre part et pour finir, je suis encore dans l'Apollinaire de Pia. Le volume sent un peu la noisette. La prose à l'intérieur un peu aussi, mais pas trop. Juste ce qu'il faut
16 mai 2023.- Météo abominable, pour un peu, on se croirait à Reykjavik ou Dunfermline. (Ne pas confondre Dumbarton, ville de naissance de David Byrne, et Dunfermline où il y a une grosse cathédrale entourée de ruines et une très longue rue principale avec une horloge plantée au milieu.) (14°C). On soulève Clemenceau sur des épaules inconnues, son visage est couvert de larmes, en dessous d'une marée humaine ses jambes ballottent, nous sommes le 11 novembre 1918. Un peu plus tard Georges Mandel fomente quelques fourberies, il porte de petites bottines et son visage n'est pas couvert de larmes, mais d'acné. Francis de Miomandre se fiche de tout ça, il fait tenir son monocle avec du ruban adhésif. Me voilà bien plongé dans Les Mémorables de Maurice Martin du Gard (que dorénavant je nommerais en utilisant l'acronyme MMG, ce qui est plus simple, il faut bien le dire).
18 mai 2023.- Averses (14°C) (Chambre Verte) La pluie tombe et le vent est aigrelet. Ce printemps maussade vire à l'automne au mordoré et au problématique. Ce 18 mai, jour d’Ascension, ressemble à un jour de Toussaint. Alors, on célébrera Ian Curtis sans entrain sans vrai espoir de renaissance vernale et avec un petit goût pataud qui remonte depuis l'épigastre. Que reste-t-il de Ian Curtis ? Un modeste tas d'os qui disparaît six pieds sous terre. Le souvenir d'une vie sabotée au profit d'un supposé mythe, celui du christ post-punk sacrifié sur l'autel des années 80 (du siècle dernier). Évidemment, tout est bien plus simple et compliqué à la fois. Les intermittences du cœur, l'emprise amoureuse, les violences que l'on se fait à soi-même, les petits matins blêmes et la corde à linge autour du cou… Tout cela et rien pour finir assis à la droite de Dieu. La mort est une chose idiote (remarquez la vie, aussi), la mort que l'on se donne c'est de l'idiotie au carré (on à l'air malin). Alors, on se contentera d'écouter la seconde face de Closer, elle est toujours très bien. Et puis on espérera les soleillées, elles viendront, c'est certain… (Après-midi) Jardinage, taille des haies, rempotage divers et variés.
19 mai 2023.- L'humidité ne démord pas (19°C). J'entame Amazonia le septième tome du projet Abracadabra. Rappelons la nature de ce toutim fomenté par Patrick Deville. Ni plus ni moins que l'histoire du monde depuis 1860. Pour ce faire deux tours du globe, le premier d'ouest en est, le second d'est en ouest. Deux tours du globe, des pays traversés, de l'histoire, de la géographie, du personnel et de l'intime qui flotte. Dans Amazonia, on passe de l’Atlantique au Pacifique en remontant l’Amazone ; on traverse le Brésil (Belém, Santarem, Manaus), le Pérou (Iquitos, Guayaquil), le Venezuela, la Bolivie pour finir mieux aux Galapagos ; on croise Carlos Fermín Fitzcarrald, Lope de Aguirre ou Werner Herzog… Pour l'intime et le personnel, Deville est accompagné par son fils, ce qui nous donne à lire quelques pages émues sur les questions de filiation et de transmission. Je n'ai lu qu'un tiers de tout ça. Pour l'instant, je ne suis pas vraiment déçu.
À l'alternat chez MMG, Fort et Valéry, l'assassinat de Jaurès, pages parfaitement senties.
20 mai 2023.- Il pleut, encore, toujours. Fichu anticyclone ! (19°C). Maussade comme le temps. Des tracas domestiques, un problème d'ordinateur, la vaisselle à faire, ce genre de désagréments… Amazonia, Deville… Rêverie historique, rêverie géographique… Histoire des conquêtes, du colonialisme et des autochtones tués au débotté. Histoires de filiation… Et puis Klaus Kinski essoufflé au début de Fitzcarraldo, son costume blanc et ses mains ensanglantées… Cendrars descendant l'Amazone, voguant sur le plus ancien fleuve du globe, « la matrice du monde, le paradis de la vie terrestre, le sanctuaire de la nature ». On dira que Patrick Deville est très intéressant et mieux que la pluie qui tombe, là, derrière les rideaux. Dans Libé(ration) Michel Crépu bâtit un petit autel à Phillipe Sollers. : « … ces cavernes secrètes où il (Sollers) déposait ses trésors tel l’adolescent qui ne veut pas être dérangé. » Mort d’Ari Boulogne, fils de la gutturale Nico et de qui vous savez. Belle ombre fantomale…
21 mai 2023.- Ciel couvert, hausse des températures, une éclaircie tardive (21°C). Quelques effluves de marijuana me montent dans les narines. J'en déduis que l'un de mes satanés voisins doit être adepte des toxicomanies légères. Moins léger, plus toqué l'Amazonia de Patrick Deville. Des histoires de père et de fils. Raymond et Edgard Maufrais. Le premier, le fils, aventurier à l'ancienne, explorateur prétendu, veut traverser l'Amazonie de la Guyane au Brésil. Il part avec son chien, entame sa petite aventure sans provisions, emprunte des pirogues, pense chasser et pécher ce qu'il trouvera sous la main. Évidemment, les bestioles ne se laissent pas attraper aussi facilement que ça et son voyage n'est qu'une longue agonie tourmentée par la faim. Il tue son chien, le dépèce et le mange, note tout ce qu'il fait dans un vague journal, puis disparaît corps et bien. Un chef indien retrouvera son sac et son journal. Edgar le père part à sa recherche, pas loin de vingt expéditions. Le fils reste introuvable, peut-être a-t-il été dévoré par quelque bestiole ? Un livre est publié puis le père rentre mourir chez lui. Plus ancien, plus toqué encore, Aguirre et ses excès. Conquistador fou qui finira découpé en petits morceaux bien symétriques. Une main par ci, une autre par là, la tête placée sur un pilori dans une cage en fer. Comme tout ce boucle dans le bouquin de Deville voilà Werner Herzog, assez toqué lui aussi. Les tournages d'Aguirre et de Fitzcarraldo… Kinski et Mick Jagger, la violence, la mort… Le tout en milieu très humide et très chaud.
23 mai 2023.- Couverture nuageuse prononcée. Toujours rien de printanier (18°C). Tragédies matinales : la biscotte qui se casse, le pot de confiture qui ne s'ouvre pas, le sachet de thé percé. Après-midi moins périlleux, jardinage, rempotage. Presque fini l'Amazonia de Deville. L'Amazonie en dehors du Brésil : la Bolivie, le Pérou, l'Équateur, la Colombie et le Venezuela. Santarém, Manaus, et Iquitos… Humboldt, Cendrars et Michaux… Les questions de filiation. Le patchwork est bien cousu.
To be continued.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire