Ni le feu ni le fer ne pourront abolir, ni l’usure du temps.
Le jour de ma mort, qui n’aura prise que sur mon corps,
Pourra mettre à son gré un terme à l’incertaine durée de ma vie ;
Le meilleur de moi sera transporté, inaltérable,
Très haut par-delà les étoiles et mon nom ne s’effacera pas.
Aussi loin que s’étend sur les terres soumises la puissance romaine
Je serai lu par tous, reconnu à travers les siècles
Et si les pressentiments des poètes se réalisent, je vivrai.
(Ovide - Les métamorphoses)
3 mai 2022.- Nuages (20°C). Liberty de Simon Liberati. Vie mondaine, petits matins gris et vomi séché au coin des lèvres. On se passerai de tout ça, de ce côté pot de chambre sur le palier. Reste un certain goût, des citations un peu finaudes. Est-ce suffisant pour faire un livre ?
5 mai 2022.- Temps orageux (15°C). Grosse fatigue (le labeur). Liberati, trois pages épuisantes. Quel est l'intérêt de tout ça ? Par ailleurs, un inédit de Perec, un autre de Céline. Ce sont peut-être les deux plus grosses sorties littéraires depuis le dernier Houellebecq. Quatre pages sur le second dans Libé(ration). Quatre pages qui expliquent les aventures d'un manuscrit que l'on croyait perdu. Guerre, c'est le titre de cette courte affaire qui prendrait place entre le Voyage et Mort à crédit. Lindon ne trouve pas ça foudroyant. Nous verrons bien.
8 mai 2022.- Temps nuageux (22°C). Hier soir, social life, drink a little too much. Cet après-midi fini le Liberty de Liberati. Lecture un peu vaporeuse, ton sur ton avec les quelques embruns alcoolisés remontants de la veille. De Liberati on pourrait dire qu'il a un « univers », qu'il pourrait devenir un Modiano des « années Palace » et de la fracture 70/80. C'est certainement un peu vrai. Beaucoup moins dans Liberty. Deux cents pages retrouvées dans un fond de tiroir, un Journal qui se voudrait inutile comme celui de Morand, mais qui l'est vraiment… inutile. Le Liberati intime ballote ses ingrédients avec une ferveur un peu molle, il y 'a de l'alcool, des « tunnels de drogue » et du sexe au débotté. Des soirées jet-set et du name dropping à foison. On s'ennuie solidement, pire on est très agacé par un type difficilement aimable, car terriblement futile. Oh ! pas d'une futilité légère mais d’ une futilité lourde et épaisse, presque germanique, comme si c'était possible ! Liberati se rattrape un peu lorsqu'il évoque ses lectures, bien plus intéressantes que sa vie de patachon, il aurait dû se contenter de ça.
Je refais mes valises. Demain départ pour Sète, Montpellier et un coin de France où j'essayerais d'éviter les plages nudistes.
12 mai 2022.- Ciel couvert le matin, dégagé l'après-midi (21°C). Au cimetière Marin de Sète juste devant la tombe de Paul Valéry il y a un petit banc. Ce matin, il était largement occupé par une jeune femme en pleine conversation téléphonique. Pour vos chastes oreilles je ne retranscrirai pas la totalité de son « dialogue », sachez simplement qu'il était question d'une certaine Marion avec qui elle avait « cassé », et du fait qu'elle allait se « taper des mecs parce qu'ils sont moins compliqués que les meufs ». Vous avouerez que tout cela nous éloigne assez de la poésie et de l'ami Valéry (Paul). Ne voulant pas passer pour un sombre rétrograde, j'ai poursuivi mon chemin en toussotant discrètement. Je m'assiérai sur le petit banc une autre fois.
14 mai 2022.- Soleil, vague tiédeur (25°C). Il suffit de se baguenauder dans le centre-ville de Montpellier un samedi après-midi pour entrapercevoir à demi-yeux la « grande fracture française ». Sur la Place de la Comédie des antivax en blouses blanches sont posés devant un faux centre de dépistage, sur le bord de ce petit théâtre brechtien trois gilets jaunes tatoués et persistants hurlent contre la « Macronie ». En face d'eux, devant l'opéra, une petite armée de mutins agite de grands drapeaux joliment chamarrés et pleins de couleurs NPA, communistes libertaires, féministes ou révolutionnaires lesbiennes (on avouera qu'en terme de convergence des luttes, ce chromatisme coloré en mouvement est assez bellot à observer). Aux quatre coins de la place de minces grappes missionnées par la France Insoumise distribuent quelques larges tracts avec l'appétence du vendeur de casseroles en goguette. Circulant sur cette même place des jeunes issus de l'immigration maghrébine et subsaharienne se déplacent pédestrement avec des sacs Zara, Célio ou Snipes à bout de bras, d'autres plus adeptes des mobilités légères son juchés sur des trottinettes électriques (leurs sacs Zara, Célio ou Snipes sont accrochés sur le guidon c'est assez malin), tandis que les rares touristes britanniques se demandent où ils pourront bien jeter le tract de la France Insoumise qu'ils tiennent au creux de la main gauche. Dans les rues adjacentes, le « vieux Montpellier », des bourgeois bohèmes brocantent sans descendre de leur vélocipède à assistance électrique, les terrasses de Cafés sont remplies par la jeunesse estudiantine de la ville. Filles à moustaches et garçons en jupes, boivent de grands bocks de bière tout en poussant de grands cris contre-productifs. Tout ce beau monde semble vivre chacun de son côté, aucun groupe ne rentre en interaction avec un autre, ce ne sont que des cercles et lignes qui ne se croisent pas, il n’est même plus question de minimum commun, il n'est question que de tribus.
15 mai 2022.- Premières chaleurs (29°C). Retour de Montpellier et Sète. Lu Guerre, l'inédit de Céline. Ce qui rentre et ce qui sort : le métal, les balles ; le pue de la plaie, la bile, la merde, la pisse, le foutre et les larmes. Ce qui rentre et ne sort pas : des bruits dans la tête, le fracas, un large capharnaüm. (Littérature organique, littérature de médecin).
16 mai 2022.- Beau temps chaud (29°C). A/ Céline, Guerre. Pour un fond de tiroir, un premier jet non retravaillé c'est tout de même formidable, beau comme une esquisse, un désastre de Goya plein d'humanité suintante (le but de Céline faire suinter ; les mots, l'humanité. On en revient au fluide… à la médecine).
B/ Entamé Croquis de Voyage de Joseph Roth, recueil de récits écrits entre 1923 et 1931. C'est la première vie de Roth, une vie de journaliste. Italie, Allemagne, Russie, Pologne, Albanie, il visite aux mêmes dates les mêmes pays que visitait Henri Béraud (Cf Version Reporter et ma livraison précédente). Sera-t-il son négatif ?
C/ Sinatra en pleine crise de délirium trémens, Lana Turner « broutée » par une petite amie, Otto Preminger amateur de bois d'ébène et sous le charme d'une séductrice sépia (Dorothy Dandridge), John Wayne quasi drag queen en robe longue taille 52, Johnny Weissmuller fornicateur forcené, Duke Elligton priapique, Burt Lancaster sadique et propriétaire d'une chambre de torture aménagée dans une baraque de West Hollywood, Fritz Lang filmant les séances de tortures de Burt Lancaster, June Christy nymphomane à fond, Alferd Hitchcock voyeur, Natalie Wood actrice précoce en pleine hésitation sexuelle, James Dean et Marlon Brando, Alan Ladd et son micropénis, Art Pepper et les pom pom girls, JFK et Ingrid Bergman, JFK et Marilyn, JFK et ses deux minutes chrono, JFK et son armoire à pharmacie. Voilà Panique Générale la dernière chose de James Ellroy. Une fiction tournant autour de Fred Otash l'homme qui faisait les poubelles d'Hollywood. C'est amusant, un peu fatigant et ça ferait passer Kenneth Anger pour un prince du bon goût.
17 mai 2022.- Température trop élevée pour être honnête (30°C). Dos bloqué et chaleur, pas une bonne journée. Panique Générale, jubilatoire et nauséeux. Jubilatoire parce que Ellroy s'amuse visiblement beaucoup avec des mots qui valdinguent comme de petits diablotins ; nauséeux parce que ce qu'il raconte est assez gratiné dans le pire (le tout est apparemment assez bien traduit). Croquis de voyages, Roth croise des primo nazis, nous sommes en 1924, il comprend déjà tout. Rien d'autre.
18 mai 2022.- Chaleur indécente (32°C). Il fait trop chaud et j'ai mal au dos. Ma voisine téléphone depuis deux heures tandis qu'une mouche tourne autour de ma chaise de jardin. Je vais manger une cuisse de poulet avec des pommes de terre rôties puis je ferai semblant de faire la sieste en écoutant Closer de Joy Division. Ce sera mon « hommage », ma petite contribution mémorielle. Ian Curtis est mort il y' a 42 ans. Ces 42 ans sont passés bien vite. Ce soir il faudra que j'arrose mes géraniums.
James Ellroy ne doit pas trop aimer Nicholas Ray. Dans Panique Générale il apparaît comme un azimuté total, un type qui se déguise en nazi pour mieux faire des choses avec James Dean, Natalie Wood ou Sal Mineo. Un quasi-meurtrier aussi, ce qui n'est pas rien. Quant à La Fureur de vivre, convenons-en, c'est un navet pour ados. Évidemment pour le très peu progressiste Ellroy Nicholas Ray c'est un peu un repoussoir, s'en est presque gênant, mais c'est tout de même très amusant. Le reste de Panique Générale est aussi très amusant et finalement plus intéressant qu'il n'y paraissait de prime abord. Disons que c'est une excroissance toquée bourgeonnant sur la grande œuvre d'Ellroy, sa comédie humaine balzacienne extirpée des bas fonds de Los Angeles, ses deux quatuors…
19 mai 2022.- L'orage gronde nous tourne autour, mais la pluie ne tombe pas (32°C). Comme j'aime faire de grands écarts je passe sans sourciller de James Ellroy à Paul Valéry en entamant la petite somme que Benoît Peeters lui a consacré (en l'occurrence, mon grand écart est un gouffre et je m'y sens très bien, presque au frais). Pas une vraie biographie, pour la vraie biographie il faudra se rapporter à la somme de Michel Jarrety et ses mille quatre cents pages, mais plutôt une balade thématique autour de l’enterré du cimetière marin de Séte. Les débuts du jeune Valéry, son amitié avec Pierre Louÿs (qui le découvre) et Gide, son amour pour Rimbaud et Huysmans, ses rencontres fondatrices avec Mallarmé, son abandon progressif de la poésie, du tendre, pour quelque chose de bigrement cérébral. Benoît Peeters raconte et explique tout cela sans effets de manches, avec une limpidité et une simplicité bienvenue. J'ai lu cent pages, rien à redire, c'est presque passionnant. (Conditions lectorales déplorables. Contre-mesures : Iguana-The Winds of Alamar, Fleetwood Mac-Tusk).
20 mai 2022.- Ciel plombé, vent torride (32°C). En définitive, Valéry (Paul) était un drôle d'olibrius. Voilà un type qui fumait plus de soixante cigarettes par jour qui buvait presque autant de tasses de café, qui se levait avant cinq heures pour mieux écrire jusqu'à huit ce qui lui donnait le droit d'être « bête jusqu'au soir ». Dans les froufoutantes années 20 il subviendra à ses besoins, et aux besoins de sa famille, en étant le secrétaire particulier d'Édouard Lebey, riche administrateur de l'agence Havas. Il faudra que ce dernier meure tout à fait pour qu'il se remette à publier vraiment. Oh pas grand-chose à vrai dire. Quelques notes, La Jeune Parque, deux trois poèmes dont l'un vantant les mérites d'un cimetière marin assurément méditéranéen, ses écrits de jeunesse qu'il fera réimprimer dans des éditions luxueuses et fort rémunératrices, ajoutant ici un dédicace, là une citation ou une introduction nouvelle pour mieux attirer le chaland. Son œuvre entre 1891 et 1927 aurait pu tenir dans deux volumes, il en tirera des Œuvres complètes, plus de cent éditions différentes, une technique de margoulin. Pour rester dans le margoulin il ira même jusqu'à réécrire de faux manuscrits qu'il vendra à prix d'or. A partir de 1918, sortant d'un silence qui aurait pu faire de lui un nouveau Rimbaud, il fréquentera tous les salons parisiens, se faisant rémunérer pour la qualité de sa discussion. On est loin de l'écrivain hiératique tout à son œuvre et perché dans sa tour d'ivoire. Enfin, on est loin, pas tout à fait, cet écrivain il est là entre 5h et 8h du matin, cet écrivain c'est l'olibrius courbé sur ses Cahiers, son laboratoire scientifique qui n'était pas destiné à la publication, le cœur de son œuvre.
Dans ses Croquis de Voyage Joseph Roth visite le cœur de l’Allemagne industrielle, un monde assommé par la technique, un monde où il perçoit se sombre résonances prémonitoires : « Oui, c’est ainsi. La terre est la terre, partout je me sens chez moi, car l’étranger, pour moi, c’est le monde de la technique. J’ai vu les gigantesques cheminées d’usine s’avancer, en demi-cercle, à la rencontre des morts et des vivants, des cimetières et des fermes ; elles s’approchaient de plus en plus, crachant la fumée qui devait bientôt tout empester à la ronde. C’était de leur part une offensive générale, leur demi-cercle se mit à se refermer, leur terrible étau à se resserrer. Et j’étais là, conscient comme peut l’être un humain et impuissant comme peut l’être un bovidé qui beugle ; et j’ai alors compris que nous étions solidaires, lui et moi. Compagnons d’infortune jusque dans la mort. »
21 mai 2022. - Ciel blanc, tiédeur patibulaire (31°C). Le charme chevalin de Catherine Pozzi, Jeanne Voilier et Renée Vautier, Paul Valéry et les femmes c'est toute une histoire. L'histoire d'un hypra cérébral rattrapé par son cœur. Un cœur d'artichaut, forcément. Peeters explique parfaitement les chocs brusques et les ruptures de l'âme qui entraînent Valéry loin de son personnage hiératique tout à son œuvre. Le Valéry amoureux se retrouve tout nigaud assez au-delà de sa gangue d'intelligence, presque comme un adolescent avec le cœur ballant, cela ne l'empêche pas d'écrire des merveilles, sa correspondance avec Catherine Pozzi qui partira en partie en fumée, ses lettres à Jeanne Voilier (une sacrée cocotte). Ici c'est le ressenti qui prime, et même si le cogito met en forme, façonne, c'est le cœur, le tendre, qui parle.
(Conditions lectorales quasi impossibles. Contre-mesures : Boules Quies)
22 mai 2022.- Temps chaud et nuageux, en attendant les orages (29°C). Quatre conversations téléphoniques se mélangent, une à gauche, une à droite, une au dessus de moi et de mes oreilles qui ne demandaient rien, une plus lointaine et indistincte, mais tout de même pénible. Les opérateurs téléphoniques sont les fournisseurs sournois des langues, cordes vocales et bouches fatigantes qui empêchent nos velléités de lecture. Les fabricants de fenêtres, aussi. Ils devraient inventer un système obligeant les bavards à ne pas ouvrir leurs grandes ou petites lucarnes par temps chaud. Tout ça pour vous dire que ce matin les conditions lectorales étaient globalement invraisemblables. Or j’avais prévu d’entamer un volume compilant quelques Variétés du père Valéry (Paul). Imaginez mon tracas, la lecture du docte Sétois demande tout de même un minium de concentration et là en l’occurrence dans un tel enfer engendré par la coalescence sournoise du tumulte téléphonique, du réchauffement climatique et des fenêtres ouvertes inconsidérément, ce minimum de concentration était difficilement atteignable pour le lecteur non encore tout à fait sourd que je me révèle être. Je ne suis pas sans savoir qu’il ne faut pas lire en écoutant de la musique, mais le brouhaha était si prééminent que pour m'en protéger je n'avais pas d'autre issu que de céder à des mesures drastiques : c'était soit la musique soit les boules Quies. Les boules Quies ayant le défaut de nous faire entendre les bruits de notre propre intérieur ce qui ne favorise pas vraiment la concentration j’ai choisi de transgresser l’une des règles que je me suis fixées en écoutant tout de même ce que l’on peut considérer comme de la musique. Pour accompagner mes pérégrinations valéryennes j’ai ressorti l’album LP5 du groupe Autechre. Choix qui s’est assez vite révélé fort juste tant le côté cérébral de ce blues d’atomiste fait de blips brinquebalants et d’ impulsions électroniques semblait fait pour s’accorder avec les syntagmes et lexies qui se déroulaient devant mes yeux. Lire Valéry c’est voir la machine de l’esprit rendu visible, c’est voir l’architecture même de l’intelligence presque entièrement dessinée. Le lire en écoutant Autechre, c’est être ton sur ton.
23 mai 2022.- Orages (28°C->20°C). Entre 1897 et 1917, Paul Valéry ne publie plus rien. Il n'existe plus en tant qu'écrivain et l'on pourrait même penser que ce qu'il a laissé entrevoir de lui-même avant cette période de jachère, ces textes assez mythiques que sont l'Introduction à la méthode de Léonard de Vinci ou La Soirée avec monsieur Teste pourraient ressembler à l’œuvre d'un être fictif, un Rimbaud chimérique, une invention borgésienne. Comme il y a des auteurs potentiellement inventé, il doit bien y avoir aussi des lecteurs inventés. Dans le volume de Variétés que j'ai acquis chez l'un des bouquinistes du Village du livre de Cuisery (le village de France comptant le plus grand nombre de bouquinistes au mètre carré, c'est en Saône et Loire ) il y a une multitude de notes prises au crayon, notes souvent illisibles, mais qui pour le peu qu'elles laissent deviner, donnent une belle lumière sur la pensée de Valéry. Qui pouvait bien être ce lecteur doublé d'un annotateur éclairé ? Mystère ! Peut-être une invention borgésienne de plus ? Allez savoir ? En attendant une ou deux réponses, voilà quelques notes déchiffrées avec une peine digne de Champollion. Si l’auteur des lignes qui suivent est encore vivant qu’il se fasse connaître :
Tout point de vue est faux, car on ne peut penser qu'en abstrayant. On ne peut pas faire une synthèse de tous les points de vue, car seul le tout est vrai.
L’homme s’est retiré des autres espèces animales. L’homme est le seul qui produit ses actions à partir de ses pensées.
L’homme est plutôt du côté de l’imagination que du côté du réel.
Quelle vanité que la peinture, car elle nous donne à admirer des choses dont nous ne garderions [illisible] les originaux.
C’est surtout la représentation romantique de Pascal qui est atteinte dans la maïeutique de Valéry.
Valéry dévalorise les bas de notre être sans toutefois valoriser le haut qu’il trouve désert. Le divin est placé dans le haut, l’homme dans le bas.
Pascal a exagéré la distance entre le salut et le savoir.
L’esprit propre de Valéry, significatif d’un esprit qui n’a pas voulu se spécialiser, mais a voulu tisser des régulations entre les domaines les plus éloignés. Un sentiment vif de la différence des choses et un sens de l’universalité.
L’autre méthode s’installe d’emblée dans le mécanisme de création lui-même. Méthode de [illisible] intellectuelle de l’art→ L’art est du présent au passé. L’analyse littéraire est discrète sur la genèse de l’œuvre (oubli singulier de la formation des œuvres). Cela s’explique par des réticences à aller chercher les balbutiements d’une grande œuvre (sur la Méthode de Léonard de Vinci).
24 mai 2022.- Baisse sensible de la température extérieure (21°C). Labeur, épuisé, rien lu.
25 mai 2022.- Ciel changeant, température agréable (23°C). J'ai l'impression que l'ami Mozart usurpe un peu sa réputation de scatologue en chef. Dans les cinq mille pages de sa correspondance il est certes question de flatulences et de pets, mais finalement pas tant que ça. Par exemple le 26 janvier 1770 à l'opéra de Milan Mozart voit un danseur grotesque qui lâche un pet à chaque saut. Le 31 janvier 1778, il écrit une belle lettre à sa mère dans laquelle il explique qu'il est en visite chez des gens qui ont la crotte au vent et qui, la nuit venue, craquent des pets que sentent le miel. Le 23 décembre c'est une autre belle, et fameuse lettre adressée à sa cousine la truculente Maria Anna Thekla. Mozart parle de laisser résonner un pet solide avec son fusil postérieur, c'est très joli, harmonieux, presque mélodique. Le 5 février Mozart se souvient d'un petit pet pendant le souper. Mon travail est certes un peu empirique, survolant et manquant de vrais outils scientifiques, mais il ne me semble pas y avoir guère plus d'occurrences du mot pet dans le Großglockner épistolier du freluquet de Salzbourg. Là où tout se complique et infirme largement ma thèse sur la scatologie mesurée de Mozart c'est que lorsque dans mes fines recherches je subroge le mot crotte au mot pet c'est tout d'un coup une sorte d'explosion, des crottes en veux-tu en voilà, de la matière à triturer comme s'il en pleuvait. Finalement, je dois bien être dans l'erreur, Mozart est bien un scatologue en chef : « ah ! mon cul me brûle comme du feu ! Que signifie donc cela ? – Peut-être une crotte veut-elle sortir ? – Oui, oui, crotte, je te connais, je te vois, je te sens – et – qu’est-ce ? – Est-ce possible ! – Dieux ! – Oreille, ne me trompes-tu pas ? – Non, c’est bien ça – quel son, long et triste ! »
26 mai 2022.- Parfaite équanimité entre nuages et soleil (23]C). Toujours un peu dans les Croquis de Voyage de Joseph Roth que je le lis par petite lampée. Il n'est plus question d'Allemagne, mais de Villes blanches, ces villes que le Roth petit garçon aura rêvé et que le Roth de trente ans commence à arpenter, ces villes qui sont l'opposé du gris de son enfance, du gris et rouge de sa jeunesse dans une ville de garnison où il n'y avait rien de plus qu'une caserne et un hôpital militaire. Où les trouve-t-on ces Villes blanches ? En France… elles commencent à Lyon, ce territoire frontière situé entre le gris et le blanc, elles descendent jusqu'à Marseille en suivant le court du Rhône, c'est Vienne, Tournon, Avignon, Les Baux-de-Provence, Nîmes et Arles, Tarascon et Beaucaire : « Toute la ville lave son linge dans le Rhône. C’est comme si les humains se débarrassaient de leurs immondices, comme si ces femmes étaient ici, toute la journée, pour maintenir propres les âmes des habitants. C’est pourquoi je pense qu’une ville située au confluent de deux cours d’eau est habitée par une population honnête. L’eau est un élément sacré. »
Par ailleurs, je poursuis à grand-peine la retranscription des notes scribouillées par mon valéryen anonyme. En voici quelques-unes :
L'abstraction est dominée comme une forme de l'oubli. L'espace ouvre des simultanéités, le temps ouvre des successions.
La fermeture est la philosophie de Valéry.
La différence provient des moyens mis en oeuvre pour se représenter la nature (Science : faits. Art : images. Philo : mots). C'est la prévalence du langage qui fait toute la valeur de la philosophie, et aussi ses limites.
Valéry reproche à la philosophie sa prétention d'être scientifique. (En philo chose personnelle se referme à l'être.)
Selon la manière dont la pensée se comporte en face de la nature, on peut parler de philosophie ou d'art… que Valéry va opposer.
To be continued.
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