vendredi 17 août 2018

Chambre Verte - Aretha Franklin




Aretha, Spooner Oldham, Dan Penn, Chips Moman, Peter Guralnick, Sweet soul music...

« Spooner Oldham, le gringalet qui jouait des claviers, connu pour ne jamais jouer les mêmes lignes musicales et pour être peu enclin aux superlatifs, ne tarit pas lui non plus d'éloges sur cette session. "J'avais été engagé pour jouer du clavier. Elle se tenait devant le micro et chantait. Elle nous montrait cette chanson, alors que Wexler était en train de monter les quelques marches qui menaient à la salle de contrôle, elle a joué cet accord magique au piano, et je suis resté paralysé. J'ai dit à Wexler : ' Écoutez je ne cherche pas à me défiler, je sais que j'ai été engagé pour jouer du piano, mais j'aimerais que vous la laissiez en jouer, et je pourrais me trouver un orgue électrique.' C'est comme ça que ça s'est passé. C'était un geste honnête, bon, et sans doute une des meilleures choses que j'aie jamais faite – et j'en ai fait, des choses.. " C'est alors, selon Dan Penn, que Spooner inventa "ce petit bourdonnement tout bête joué avec trois doigts" sur son épinette Hammond. Ils travaillaient sur une chanson qu'avait apportée Aretha, I Never Loved a Man (The Way I Love You ) œuvre d'un songwriter excentrique de Detroit nommé Ronnie Shannon. Elle n'avait à sa disposition qu’une démo de Shannon en train de chanter en s'accompagnant au piano, sans mètre ni mélodie discernable. Aretha était apparemment la seule personne dans la salle à savoir où elle voulait aller avec cette chanson, car, d'après Spooner, "personne, moi y compris, ne pouvait la jouer. On s'est vraiment pris la tête dessus. Finalement j'ai trouvé un petit riff au piano électrique.l Chips a tout de suite compris qu'on touchait au but. Il s'est écrié : 'Il a trouvé, il a trouvé !' Et à partir de là, il n'a fallu que quelques prises pour que le morceau devienne cohérent."
(…) C'était l'un des morceaux les plus importants de l’histoire du rhythm & blues, et en fait de toute l'histoire de la musique vernaculaire américaine. Sous tous ses aspects, de la délicate introduction au piano électrique de Spooner et des éclats acérés de la batterie au sourd et omniprésent contrepoint de la basse et enfin à l'apparition du piano gospel d'Aretha, martelé par vagues sonores, cette chanson était un chef-d'œuvre, tant dans sa conception que dans les sentiments exprimés : elle employait les modulations dynamiques les plus subtiles pour suggérer des élans spontanés et abrupts, faisait se dresser l'un contre l'autre un chant d'une pureté et d'un transcendance absolues et un texte qui disait : "You're no good heartbreaker, / You're a liar and you're a cheat / I don't know why I let you do these things to me "... »

(Peter Guralnick, Sweet soul music : Rhythm & Blues et rêve sudiste de liberté)


Aucun commentaire: