« L’essentiel c’est une mauvaise santé, aussi bien morale que physique, une paresse traversée de sursauts et de remords... En effet, lorsqu’on se trouve enfoncé jusqu’à un certain degré dans une incapacité qui permet tout juste de survivre, on a tôt fait de traverser la zone des sentiments que l’on continue parfois à utiliser pour faire plaisir à son entourage. Il ne reste de vrai pour-soi qu’une solitude expiatoire, et (si l’on veut bien éliminer les dernières formules de mélancolie) bientôt pleine d’un charme étrangement harmonieux et peut-être très cruel. » (André Dhôtel, La littérature et le hasard)
1.
29 septembre 2016.- Indian summer, néanmoins le soleil, trop bas, n'éclaire pas mon petit intérieur (26°C). J'entame Aux Couleurs de Rome de Valery Larbaud. Ce massif moyennement replet a tout pour me plaire ; Rome me plaît assez, quant à Larbaud… Par ailleurs, j'entame un autre massif bien plus conséquent : le Zibaldone de Léopardi, plus de 3000 pages qui je l'espère n'auront rien de vraiment étouffe-chrétien. Le début est déjà très bien : « En littérature, on passe du néant à la médiocrité, puis de la médiocrité au vrai, et de là au raffinement… »
30 septembre 2016.- Belle journée puis quelques nuages tardifs et inquiétants (25°C). Vertèbres cervicales, hanches, genoux et chevilles, mes jointures sont en berne. Pour le reste, tout va bien de travers, ou presque. Trois pages zibaldonesques du primesautier Léopardi : La laideur doit ; comme le reste, avoir sa place quelque part. Un texte italien de Valery Larbaud où il est question des floralies, d'une Flora – sage, belle et retenue – et du Toscan cette langue qui ne se parle pas, mais qui se pleure.
1 octobre 2016.- Averses glutineuses (18°C). Aux Couleurs de Rome est un spicilège larbaudien en diable. On y tourne délicatement autour des petites filles quand on y tourne pas spirituellement autour des nonnettes. Les paysages de Ligurie sont célébrés à leur juste hauteur. Plus loin et plus bas on se perd un peu dans les Pouilles tout en attendant un autorail qui semble ne jamais vouloir venir. Loin de l'Italie, dans cette France centrale qui est aussi celle de Larbaud on est émue par les abeilles : « Ce sentiment d'une secrète solidarité entre les abeilles et les hommes est sans doute ce qui a inspiré aux Anciens l'idée de leur origine mythique : Est illis quaedam cum genere humano societas. Chez nous, et sans doute aussi en Berry et peut-être en Auvergne, ce sentiment s'exprime surtout par la coutume qui veut que, lorsque le chef de la famille meurt, on place sur chaque ruche un petit drapeau fait d'un bâtonnet et d'un bout de crêpe, et qu'on l'y laisse un an et un jour. On dit que si on oubliait ou négligeait cette pratique, les abeilles s'en iraient. Et c'est ainsi que dans celles de nos pensées qui se rapportent à nos parents défunts, ou à notre propre fin, apparaissent quelquefois, aux confins des deux mondes, des petits fanions noirs flottant sur une rangée de ruches. »
2 octobre 2016.- Temps maussade (18°C). Dans Aux Couleurs de Rome Larbaud fait un curieux éloge d'Henry Bataille. Il voit le dramaturge chanci et plus vieillot qu'une armoire auvergnate, mais il voit aussi le poète conséquent celui qui pourrait avoir quelques teintes communes avec le merveilleux J.M Levet, il a bien raison de voir tout ça :
La dame veuve, l'enfant poitrinaire et le poète anglais
Chaque année se rencontrent sur la terrasse de l'hôtel.
Ils se balancent dans leurs fauteuils paillassons, et leurs plaids
Foncés - Tous les jours ils font le tour habituel
Sur le chemin du Belvedère à l'église protestante.
Ils marchent dans la lumière pâle des ombrelles…
Terrasses terrasses d'où l'on a la vue cicatrisante
La vue, coin d'infini sur n'importe où, où se balance
L'éternel géranium rose sur fond bleu…
Ils sont venus voir, -tout est là. Alors s’ils sont heureux.
4 octobre 2016.- Frimas matinaux, soleil bas et vague douceur par la suite (6°C→ 18°C). Je supporterais mes contemporains lorsqu'ils ne m'ennuieront plus, lorsqu'ils étonneront à nouveau. En attendant, je suis loin du compte et ma morosité ne fait qu'enfler, enfler jusqu'à en exploser ?
Trois pages de Léopardi pour qui tout écrivain doit imiter les Anciens. Ce n'est pas faux les Anciens sont souvent étonnant et – malgré les apparences et le verni du temps – ne sont jamais vraiment ennuyeux.
Rien (ou presque) : N'ayant pas les capacités pour, je renonce d'ores et déjà à la postérité.
6 octobre 2016.- Frimas en amorce (2°C→ 15°C). L'ouragan nous guette, il est déjà en Amérique, en Caroline du Nord que l'on évacue. En attendant, je picore telle une poule étêtée dans les Cahiers de Cioran. La phrase qui suit aura fait ma journée : « L'enthousiasme étant un état morbide, quoi d'étonnant si on le trouve à l'origine des grands malheurs publics ou privés ? »
7 octobre 2016.- Labeur. Soleil gâché (15°C). Étant d'une humeur un peu fluctuante j'hésite grandement à célébrer la « journée mondiale du sourire ». Quoi qu'il en soit, cela ne m'empêche pas d'être avec Valery Larbaud.
2.
8 octobre 2016.- Temps maussade, automnal pour tout dire (15°C). Poli comme je suis j'ai tenu la porte de la Brasserie Georges (69002 Lyon) pour que Pierre Tchernia puisse y entrer avec toute la majesté requise. Il m'avait remercié avec un petit sourire… il est mort aujourd’hui, je l'aimais beaucoup.
J’entame l’Homme Inquiet d'Henning Mankell. C'est le dernier volume consacré aux enquêtes de Kurt Wallander. Vague déprime, petit ton tristounet. Wallander achète un maison isolée et un chien indréssable. Il perd aussi un peu la tête, oublie aussi son revolver en route, c'est un problème. Sa fille lui offre un petit fils et un gendre. Le père du gendre disparaît inopportunément. Il est question de sous-marins et de guerre froide, j'en suis là.
Par ailleurs, ce matin fini la petite affaire de l'ami Larbaud. Je ne devais pas être en condition optimale, car je m'y suis un peu ennuyé, or je ne m'ennuie jamais chez Larbaud. Certainement l’automne et cette lumière grise dans mes rideaux.
9 octobre 2016.- Ciel bleu blanc, fraîcheur (13°C). Narcolepsie sur canapé, beaucoup de mal à vouloir émerger, je suis légumineux. L'homme inquiet est, lui aussi, plus légumineux qu'autre chose, on s'y ennuie un peu tout en restant attaché au personnage de Wallander. Finalement, c'est plus un livre sur sa vieillesse et son « devenir barbon » qu'autre chose.
10 octobre 2016.- Ciel globalement nuageux (11°C). Malade. L'avantage de la maladie c'est qu'elle permet la lecture bien plus que la non-maladie (je parle évidemment de maladie non immédiatement létale). Ainsi aujourd’hui j'ai raisonnablement avancé dans l’Homme Inquiet de Mankell. Baltique sous-marin et guerre froide. Une fille oubliée aveugle sans bras et sans vraie colonne vertébrale, mais blonde, nous sommes en Scandinavie. Du sursignifiant autour de la vieillesse en marche, de gros sabots suédois (des Crocs?) parfois…
11 octobre 2016.- Still sick. Nothing else.
13 octobre 2016.- Quasi déluge (10°C). Fatigue, trop de labeur, rien lu. Dylan Nobel de littérature, comme si cela était possible
15 octobre 2016.- Quasi beau temps (20°C). Travaillé nuitamment. Dormi pas plus de deux courtes heures. À mon réveil un mal de dos si escagassant qu'il me fait craindre une lombalgie aiguë assez peu passagère. Néanmoins, continué la lecture de l’Homme inquiet de Mankell. La mélancolie y est très languissante et Wallander n'en finit plus de finir. Il retourne en Lettonie, à Riga, où l'on enterre Baiba son « âme sœur » oubliée. La ville a bien changé (cf Les chiens de Riga), elle semble presque riche, la séquence est émouvante : il y a des larmes et de la vodka, de l'irrémédiable un peu partout…
16 octobre 2016.- Ciel globalement nuageux (17°C) Cervicalgie et lombalgie couple improbable, couple incommodant… Curieuse journée, étrange halo narcoleptique, certainement les effets mélangés du tramadol et du paracétamol, autre couple improbable (je me demande si tous ces couples improbables ne mériteraient pas une « manif pour tous »). Lu plus de cent pages d'Henning Mankell tout en piquant du nez toutes les trois lignes, quatre heures de lecture pointilliste et ce simple constat : entre mollesse diabétique et espionnage vaporeux on s’ennui beaucoup dans ce dernier Wallander.
17 octobre 2016.- Pluie légère (18°C). Mankell, un chapitre -> Joubert, trois pensées -> Nothing else : « Hérodote coule sans bruit.»
18 octobre 2016.- Beau temps (18°C). Le 9 décembre 1963, Cioran relit quelques poèmes d'Emily Dickinson. Il est ému jusqu'aux larmes. Il faut dire que tout ce qui émane d'elle a la propriété de le bouleverser. Le 10 décembre, de son lit, il voit passer un grand oiseau noir. Le 11 décembre il fait un rêve étonnant : Jacqueline Kennedy lui donne un coup de fil puis il se promène avec elle dans le bois de Sénart. Le même 11 décembre on retrouve trois squelettes dans la région de Lascaux, l'un d'eux a le crâne fracassé… (Cioran, Cahiers)
En dehors de Cioran cette – longue – pensée de Joubert qui tournicote autour des Anciens et qui me semble très bien :« Platon, Xénophon et les autres écrivains de l’école de Socrate, ont les évolutions du vol des oiseaux ; ils font de longs circuits ; ils embrassent beaucoup d’espace ; ils tournent longtemps autour du point où ils veulent se poser, et qu’ils ont toujours en perspective ; puis enfin ils s’y abattent. En imaginant le sillage que trace en l’air le vol de ces oiseaux, qui s’amusent à monter et à descendre, à planer et à tournoyer, on aurait une idée de ce que j’ai nommé les évolutions de leur esprit et de leur style. Ce sont eux qui bâtissent des labyrinthes, mais des labyrinthes en l’air. Au lieu de mots figurés ou colorés, ils choisissent des paroles simples et communes, parce que l’idée qu’ils les emploient à tracer, est elle-même une grande et longue figure.»
20 octobre 2016.- Ciel bleu pâle, fraîcheur (14°C). Un poème d'Yves Bonnefoy. Rouvert l’Histoire de la littérature française de Kleber Haedens, suis tombé sur ces quelques lignes consacrées au vicomte de Chateaubriand ; rien de décevant, que du bonheur : « Lorsque Chateaubriand renonce à inventer, car il n'a pas d'imagination, lorsqu'il abandonne le genre sentimental où il ne réussit point, lorsqu'il substitue au plaisir de faire des phrases, celui d'être spontané et sincère, il devient un redoutable enchanteur. Son style prend du nerf, de la liberté, de la vie. On découvre, alors, un esprit gai pénétrant et moqueur. Des personnages pittoresques parcourent la lande bretonne, des écrivains sont ressuscités en quatre mots, et, complices d'un voyageur qui se réjouit du luxe des transatlantiques et de l'abolition des distances… Les Mémoires d'outre-tombe et l'Itinéraire de Paris à Jérusalem ont gardé la jeunesse des chefs-d’œuvre. Le mot n'y écrase pas les sentiments ou l'idée et la rencontre heureuse des longues et brèves, l'agencement mélodieux des consonnes et voyelles ne s'y désignent plus comme la seule fin de l'art… »
21 octobre 2016.- Pluie gâchée, crachin (14°C). Encore un chapitre du dernier Wallander (je sais tout cela est très languissant).
On me dit le plus grand bien de Marc Bernard et de sa littérature prolétarienne. Demain j’entamerai son Vacances et je pourrais me faire une petite idée par moi même. Un bref survol scrutateur ne me laisse présager que du bon : « Si mon élan pour les vacances est tel, c’est que j’ai mal débuté dans la vie; quand j’étais enfant, les miennes furent tristes, sans mer, ni montagne, avec les seules vallées des rues, les prairies des places, les rivières des ruisseaux, les tunnels des couloirs, des passages. Pour voyager, je transformais une chaise en diligence. Il est vrai que j’ai connu de bien beaux pays ainsi. Et il est vrai aussi que j’ai été tôt, dégoûté de la richesse quand j’ai vu un de mes petits voisins, nourri de gâteaux et de bonbons, pleurer constamment. »
Dernières acquisitions : Deszo Kosztolanyi - Alouette, Claudio Magris - Loin d'où, Alain Jaubert - La moustache d'Adolf Hitler et autres essais, Stefan Zweig - Grandes biographies…
3.
22 octobre 2016.- Beau temps, fraîcheur (11°C). L'automne et ses premiers frimas ont beau avancer cela ne m’empêche pas de constater que Marc Bernard était de la trempe des vrais, et bons, écrivains. Dans Vacances, il raconte quelques épisodes de sa jeunesse avec une appétence un peu maladive qui pourrait rappeler Raymond Guérin. On passe du fin fond d'une pâtisserie, où apprenti il se gave de gâteaux à en vomir, à Lyon cette ville sinistre avec ses façades noirâtres et ses femmes faciles qui vomissent de longs flots de liquides violets. On se retrouve ensuite coincé en Silésie pendant deux longues années, c'est le « service » avec sa cohorte de troufions pas embarrassé par la morale. Des bals qui finissent mal, des bagarres qui virent à l'homicide et à la table d'autopsie. Reste une fille au corps de jeune adolescent, de l'amour, un peu…
23 octobre 2016.- Nuages (16°C). De « grands blonds teutoniques » courent dans la France à pas de géants. Les villes et villages tombent comme des pommes. Voilà le temps du rutabaga et de la méditation. C'est la « drôle de guerre » de Marc Bernard.
24 octobre 2016.- Nuages, tiédeur incongrue (23°C) Dans Une Jeunnesse viennoise je crois me souvenir que le père Schnitzler regarde son jeune « lui-même » avec un détachement dandy assez éloigné de l'aplomb scrutateur du vieil écrivain remémorant. Voilà un livre que je devrais relire. En attendant, je perds mon temps dans un travail qui s'il me nourrit au propre ne le fait jamais au figuré. C'est un problème, car mon temps est précieux et compté.
25 octobre 2016.- Humidité, très grande humidité ! (16°C) Labeur décérébrant et cervicalgie escagassante, rien pour moi. Ces mots de Gregor Von Rezzori auront néanmoins fait ma journée : « Notre enfance s’est écoulée parmi des hommes socialement dérangés de leur position originelle, dans une époque historiquement dérangée, et elle a été remplie de désordres de toutes sortes ; et le désordre conduit à la souffrance, et la souffrance à la plainte muette là fleurit la poésie.»
27 octobre 2016.- Soleil voilé (14°C) « Il est impossible d’ouvrir la bouche sans provoquer les plus incurables confusions… Tout ce que l’on exprime est indécent. Le simple fait d’exprimer quelque chose est indécent. » (Hugo von Hofmannsthal, L’Homme difficile).
Nothing else…
28 octobre 2016.- Beau temps (ou presque) (15°C). Étant plus las que là ma petite entreprise diaristique périclite. Est-ce un problème ?
Lu un chapitre de Marc Bernard, une histoire de yachting sur la Côte d'Azur, de l'ennui un peu quand même.
29 octobre 2016.- Brume et crachin (8°C). Toujours en Vacances avec Marc Bernard. Bel éloge des villégiatures campagnardes de la Haute-Vienne et des vaches qui la peuple un peu partout . Voilà une bestiole admirable pour qui sait la regarder avec l’œil de l’esthète : « Je l’aime aussi quand elle monte une prairie, avec fierté, avec noblesse, dans les courbes d’azur dont elle laisse un reflet dans la blancheur de son lait, quand elle monte vers les nuages, si haut qu’on finit par ne plus apercevoir qu’un grain blond… puis plus rien. Le ciel a mangé la vache. » À dix kilomètres de là on massacre à Oradour sur Glane. Plus tard et plus loin ce sont des vacances plus extraterritoriales et exotiques, c'est le Maroc, Marrakech et sa place Jemaa-el-Fna, des calottes noires, des babouches et de jeunes gens et jeunes filles habillées à l'européenne, mais avec un goût villageois voyez vous. Encore plus tard, mais moins loin c'est la Suisse. Marc Bernard aime beaucoup cette contrée confortable où tout est parfaitement aligné, où, entre les doubles fenêtres, des fleurs paraissent avoir été mises là pour la joie du passant…
Dernières acquisitions : Jacques Perret - Rôle de plaisance, Max Ophuls - Souvenirs, Thomas Bernhard - Au But, Sylvain Tesson - Sur les chemins noirs, Deszo Kosztolanyi – Alouette.
31 octobre 2016.- Bruine et quasi froideur, le reste du territoire semblant plongé dans une douce torpeur printanière, il est bien possible qu'une sorte d'injustice météo rôde (10°C). Un peu malade – as usual – l'âge ? Yesteday social life, more drunk than read. Aujourd’hui un poème de Philippe Jaccottet, un autre d'Yves Bonnefoy, les deux cold and boring.
1 novembre 2016.- Soleil, mais trop bas (17°C). Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson. Victime de l'accident que l'on sait Tesson (fils) se retrouve avec le crâne un peu défoncé et le sang d'un autre dans les veines, si l'on ajoute quelques petits clous dans la colonne vertébrale et des poumons largement en charpie on imagine aisément que le moral ne soit pas au beau fixe. Histoire de rééduquer ce corps qui n'est plus qu'un vague sac d'os, de se réhabituer à vivre, Tesson prend la drôle d'idée de vouloir traverser la France du Mercantour au Cotentin tout en empruntant les chemins que l’ Institut géographique national et ses cartes voudront bien lui indiquer. Le voilà bientôt cheminent à son rythme, qui n'est pas celui du ragtime, loin des grands axes, de l’ aménagement du territoire , des ronds-points et du « monde moderne » pour tout dire. L’excursion se révèle être le plus souvent formidable, il faut dire que les lieux traversés sont toujours formidables : le Mercantour, la Provence et le Ventoux, les Cévennes… Au fil des kilomètres, des pages, Tesson se déverrouille, tant au physique qu'au moral, il se permet quelques petites haltes hédonistes : « En cette année du XXIe siècle, cela me semblait bon de pouvoir passer une heure sans rien faire, comme le petit personnage d’un tableau pastoral du XVIIIe siècle », se retrouve dans des paysages dignes de Füssli ou de Kubin, croise des types bizarres, des errants, des romanos, des « mecs encore un peu sauvages », il examine surtout la modernité de loin avec cet aplomb bourru (trop?) qui pourrait rappeler (de loin) celui d'un Nicolás Gómez Dávila : « Le pur réactionnaire n’est pas un nostalgique qui rêve de passés abolis, mais le traqueur des ombres sacrées sur les collines éternelles ».
2 novembre 2016.- Semi-labeur. Ciel bleu-blanc, beau temps gâche (15°C). Une fois le Massif Central derrière lui, Tesson accélère la cadence de son pas. Il semble retrouver un peu son corps, ce qui ne l’empêche pas de toujours décrire très bien. Il passe par Ussel, tourne autour de Tours, se retrouve sur les coteaux de Vouvray, la Mayenne est bientôt là le Cotentin pas loin, le livre est déjà fini. De Tesson je n'ai lu que deux livres - Bérézina et celui-ci - qui me semble meilleur.
Pour la suite de mes pérégrinations lectorales, j'ai longuement hésité entre le premier volume de l'autobiographie de Mark Twain et la biographie de Joseph Fouché par Stefan Zweig, j'ai finalement choisi Zweig.
3 novembre 2016.- Semi-labeur. Beau temps frais, nuit précoce (12°). Travaillé nuitamment, fatigue corrélative. Fouché de Zweig. Limpidité formidable, un modèle de biographie. J'ignorais presque tout du passage de la girouette révolutionnaire Fouché à Lyon, des mitraillades bien plus rapides que la machine du bon Docteur Guillotin, de tous ces cadavres jetés dans le Rhône, des simulacres athées et de la « résistance » lyonnaise face à l’hydre révolutionnaire ; me voilà informé.
5 novembre 2016.- Averses (11°C). Le Fouché de Zweig est formidable. Célérité, limpidité. La terreur, le directoire et le coup d'État du petit caporal Napoléon en moins de cent cinquante pages haletantes et resserrées. Au milieu de tout cela Fouché, girouette méphistophélique en chef, type improbable, mais génie politique.
7 novembre 2016.- Passages nuageux, quasi froideur (8°C). Yesterday social life, drank a little too much. Un peu de psychogéographie outdoor, une poignée de kilomètres sur les quais, un détour par les bouquinistes, pêche frugale, un seul volume : Usage du temps de Jean Follain dans la collection poésie de chez Gallimard. Follain parle de la Mélancolie des travailleurs manuels, c'est déjà un bon signe. Today ma psychogéographie ne se sera pas aventurée plus loin que le douillet de l'indoor. Pas quitté mon canapé d'une semelle et poursuivi le Fouché de Zweig. Les cent jours, la chute de l'empereur, des relations qui virent à la pièce de boulevard. Grande finesse psychologique de Zweig, grande finesse tout court.
8 novembre 2016.- Froideur, nous y voila! (6°C). Quelle drôle d'idée que de s'évertuer à vouloir faire des trous dans la chaussée ?! Ainsi ce matin j'ai, une nouvelle fois, été réveillé par une kyrielle de machines bruyantes à moins de trois mètres de mes fenêtres. C'est la troisième fois en moins d'un an que l'on creuse ainsi, je me demande bien pourquoi ? En attendant le bruit concomitant aura été là toute la journée et moi qui me faisait une joie d’entamer le premier volume de l’Autobiographie de Mark Twain, je me retrouve le bec dans la farine avec l'air contrit du petit vieux vitupèrent contre les diverses sources de nuisances sonores. Malgré tout cela j'ai tout de même entamé le livre que j'envisageai d'entamer. Pour l'instant il est plus plein de pleins que de trous et même si les préliminaires semblent s'éterniser plus que de raison on sent déjà poindre le grand écrivain (un buste du Général Grant, la mort qui rôde, de sombres histoires de contrats).
To be continued
3 commentaires:
Je ne sais plus quels Mankell j'ai lus (deux) mais je me souviens d'un flic terne sobre et pas vicieux, donc profondément emmerdant, pour ne pas dire mort.
Wallander ? Non, il vaut mieux Sunderson, définitivement.
A part ça le plaisir que j'ai à lire votre âme maussade et sautillante lisant est toujours intact, aussi je vous remercie !
Par ailleurs je suis ravi que vous appréciez le Fouché de Zweig, ma mégalomanie me fait même imaginer que si vous avez voulu le lire c'est un peu grâce à tout le bien que j'en ai dit sur un site où je ne suis plus, enfin peut-être pas ...
Cher Labeuche, merci...
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