vendredi 6 avril 2012

The Chameleons - Script of the bridge (1983)


Je vais rabâcher, mais c’est entre 14 et 18 ans que tout se passe. À cet âge tout se grave dans la mémoire comme dans de la cire, et cette cire durera aussi longtemps que du marbre. Ces années-là sont décisives, tellement décisives que l’on peut même y retourner pour les appréhender un peu de biais, sous un autre angle, dans l’espoir de retrouver de nouvelles « premières fois ». Le regard est un peu fané, mais le nouveau vieux qui se veut encore jeune éprouve alors un léger frisson, sa mémoire est toujours là, c’est une cire qui s’est transformée en marbre vivant. Ainsi, je n’écoute quasiment plus que des disques sortis entre 1978 et 1983, les disques que j’écoutais à l’époque, mais surtout les disques que je n’ai pas écoutés à l’époque, par manque de temps, d’argent, d’envie. Tenez par exemple, il m’a fallu remonter dans le temps pour découvrir vraiment les Chameleons. Peut-être ce nom stupide, leurs pochettes qui donnaient l’impression d’avoir été dégottés dans les poubelles de Jethro Tull. Et puis, que voulez-vous, ce groupe n’avait pas grand-chose pour lui, les musiciens ne ressemblaient à rien, ils faisaient un genre de rock héroïque tout juste assombri par de larges palanquées gothiques et manquaient de la plus élémentaire finesse. Voilà, rien pour eux, et pourtant je me suis fait à eux. Je les ai découverts vraiment, en voulant faire le point de biais, tardivement avec le regard étonné de celui qui se veut encore un peu jeune. La lourdeur des Chameleons s’est transformée en puissance, leur manque de finesse en sincérité et leur héroïsme est resté de l’héroïsme, car il faut savoir rester héroïque. Voilà, écoutez cette belle entrée en matière pleine de nerfs qu’est Monkeyland écoutez l’héroïque Second Skin, une chanson merveilleuse, une chanson pleine de force contenue, un vrai volcan, plein de sommeil d’explosion et de « mécanique interne », une chanson qui parle de chanson « I dedicate this melody to you » sans être plus post-moderne que ça. Écoutez Up the Down Escalator un tube, un vrai, le seul tube antinucléaire valable sur le marché. Écoutez Mark Burgess et ses musiciens ploucs, live là en dessous, n’écoutez pas les papistes de chez U2, n’écoutez pas Interpol. Voilà écoutez les Chameleons vous serez jeunes tout en étant vieux (ou l'inverse), et ça croyez moi c’est un vrai tour de force.



2 commentaires:

skorecki_louis@yahoo.fr a dit…

j'avais 15 ans en 1958, l'année de rio bravo et des sessions capitol de sinatra (dont je n'ai compris le génie, comme souvent, qu'avec au moins vingt ans de retard) ... j'ai plus de chance que vous, sauf que non, vu que vous êtes plus jeune au bout du compte ... à part ça je suis 100% d'accord avec vous ...

A toutes fins utiles a dit…

C'est vrai tout s'est figé et la musique raisonne derrière nous et quand son écho nous revient, bein ça fait mal. Bravo pour ce post.