On n’est jamais trop méfiant en entrant dans les journaux d’écrivains, il y a toujours cette menace qui plane, cette intuition mauvaise, le salon des voisins, mais les voisins approximativement nus, avec de piètres préoccupations quotidiennes, des problèmes de canalisation, de la tubulure intime. Pas trop chez Kafka (c’est pourquoi son journal vol au-dessus des tuyaux) mais beaucoup chez les autres : vous voyez les voisins où la tuyauterie est souvent bouchée ? Donc il est parfois un peu trop question de choses trop intimes pour êtres honnêtes, toutes ces histoires de constipation notamment, il faut que ça sorte, comme les mots. Banalement écrire c’est se départir de choses et d’autres, se vider comme on vide ses intestins, souplement ou non. Bref pour résumer benoîtement, la littérature c’est souvent stricto sensu de la merde qui tente de déguerpir ! De la merde déployée sous les yeux d’un liseur un peu gêné qui se demande pourquoi il est là penaud dans le salon de ses voisins dénudés qui eux le regarde en déféquant de conserve (Manzoni style). Le journal de John Cowper Powys est de ce tonneau là, on y parle plus souvent lavement et ulcère que Diogène et écriture et Il faut bien avouer que l’on est un peu gêné devant la monomanie particulièrement glutineuse du bonhomme pour les lessives intimes…
Résumons une journée de John Cowper Powys: Heure du lever à la minute prés, bref aperçu météorologique. Puis sa journée : sa première promenade en compagnie de son chien « le vieux », ses prières autours des arbres, qu’il enlace… des pierres qu’il embrasse… Son premier repas suivi par un après-midi d’écriture, sa seconde promenade (extase devant les pierres à nouveaux encore les arbres…), le thé, suivi du coucher. Rythme lancinant, rythme embrumé, rythme de l’écrivain uniquement perturbé par l’administration de lavements tous les trois jours. Régularité métronomique des lavements ! Tous les trois jours vlan ! c’est lavement ! Les lecteurs pourront trouver tout cela confusément repoussant, ils auront certainement raison, mais ce rythme là cadencé par des boyaux propres et lustrés tous les trois jours à l’avantage de former un cycle quasiment musical (drôle de musique.) Pour le reste et au-delà du raz de l’intime ulcéreux, il y a dans ce journal, l’arrière plan de ce qui fait une œuvre complètement singulière par un bonhomme complètement singulier : des obsessions à la pelle… cet amour viscéral de la nature par un barde celtique tordu.. des grandes phrases pleines de méandres.. des perceptions qui partent en vrillent et électrisent le lecteur… tout cela est sinistre, parfois presque drôle, complètement torturé et tortueux… Tortueux comme l’amour cintré de John Cowper Powys pour T.T., son amour américain, celle qu’il regarde avec le filtre nympholepte d’un autre grand tordu chasseur de papillons « Suis resté à écouter la Pluie et à faire semblant d’être T.T. ! Je fais ça quand je suis d’humeur si Nympholepte que je veux jouir des jolis membres de ma petite fille dans une espèce d’Extase Absolue ! » Rassurez-vous T.T. n’est qu’une petite fille fantasmée, mais Cowper Powys lui est bien un drôle d'exogène de la norme, comme tous les écrivains ?
John Cowper Powys - Petrouchka et la danseuse (journal 1929-1939)
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3 commentaires:
Ne faut-il pas voir derrière cette obsession scatologique un rapport à la lecture de Rabelais dont parait-il Powys était très friand ?
Je vous redonne mon adresse au cas où vous l'auriez perdu, soyez le bienvenu sur mon blog si vous voulez commenter ou discuter, puisque je vous lis mainteant depuis presque deux ans, j'ai un peu l'impression de vous connaître !
http://pradoc.livejournal.com/
Oui cher Pradoc certainement pour Rabelais
http://www.powys-lannion.net/Powys/LettrePowysienne/RJCPf.pdf
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