dimanche 8 avril 2007

Journal d’Alexandrie (1)

Je viens de terminer le premier volume « Justine » et je reste enchanté voire ébloui le livre encore entre les mains un début de sourire extatique au coin des lèvres… je vais banaliser, mais il me semble que c’est ce que l’on peu appeler un roman maîtrisé et visant haut très haut... Notamment dans ses structures parfaitement limpides et huilées avec cette succession de récits enchâssés l’un dans l’autre, ce jeu subtil sur différentes couches narratives, sur le « je » du narrateur et le « il » des autres (roman dans le roman, roman épistolier, commentaire sur le roman in vivo) jeu fluide sur la temporalité avec parfois plusieurs micros décalages dans le même paragraphe ! le tout sans heurts, sans aucune brusquerie horlogère. Même si les teintes sont communes Durrell affirme ne pas avoir été inspiré par la lecture de Proust, le temps et les souvenirs ne sont pas ouverts chez lui par les sens, mais par le texte lui-même, par une nostalgie du texte, matière même du roman et substance sensuelle... sensualité pérenne du texte ! La construction dégage un sentiment impressionniste indéniablement concordant avec le fond, la trame et une langue souveraine et impressionniste elle aussi. Alexandrie n’est pas vue comme une ville Égyptienne elle semble même parfois pluvieuse brumeuse et un peu indistincte. Plus qu’un décor : un personnage - avec sa psychologie - protagoniste comme les autres faisant partie de la ronde des sentiments qui semble former un monde différent en constant décalage face à une réalité supposée palpable. Il ne faut pas oublier qu’Alexandrie fut un temps un exemple de cosmopolitisme civilisé (quelques clichés colonisateurs) éphémère miracle éclot à la faveur de l’essor commercial maritime de l’Égypte… Ce délicat mélange de langues, religions et cultures diverses s’enrichissant bienheureusement l’une par l’autre sera progressivement éparpillé aux quatre coins du monde avec l’arrivée au pouvoir des nationalistes et de Nasser, en 1952. Alexandrie chez Durrell est donc une ville juive et grecque, Copte et musulmane, Méditerranéenne avec des morceaux anglo-saxons, sorte d’idéal Mitteleuropéen transposé au milieu des odeurs d’épices, du musc et du vent de sable… voire même de curieux embruns, d’un crachin pour ainsi dire irlandais, mais plausible en bord de méditerranée. Au milieu de ce formidable empilement se déploient des personnages tous plus ou moins enchâssés entre eux dans une ronde à goût viennois comme chez ce cher Schnitzler … Les couples se font et se défont « comme des chaînes et des constellations »… Vision d’une sexualité peu entravée pour les personnages masculins, plus problématique pour les féminins à travers les figures de Justine, nymphomane de prime abord (avec des raisons pour l’être) papillon qui finira par se consumer dans la spiritualité … et Melissa, souillée abandonnée amour de substitution et doublure infinie d’une Justine insaisissable, Melissa petite danseuse bouleversante livrée à une mort certaine.. Derrière le débordement des sens Durrell découvre le flottement, la constante hésitation des intuitions, le coûteux et patient décalage où chacun est amoureux du reflet de son propre sentiment pour un ou une autre inaccessible, amour en miroir où Narcisse ne se reconnaît pas, grand livre !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

A vraie dire c'est une invitation pour participer ou projet Roman public.. Plus d'info sur
www.le-roman.blogspot.com
bien ce que tu écris..Plus de commentaire la prochaine visite..
Mes salutations