mercredi 12 octobre 2005

Alors il reste le souvenir ...

J’ai arraché quelques livres à ma bibliothèque, un peu par hasard, le hasard faisant forcément bien les choses voilà …

On commence par le souvenir, celui du « Premier Amour » de Tourgueniev ,livre léger et poignant s’il en est ou l’amour derrière l’éclat et le charmant est aussi un gouffre ou l’on tombe avec une ivresse toute délicate, le genre de livre qui vous laisse le cœur en joie avec pourtant niché pas loin au creux de l’estomac un petit ruisseau d’amertume. Arthur Schnitzler dans « Une Jeunesse Viennoise » se souvient lui aussi ,- il se souvient avec un détachement souverainement dandy – de son enfance, de sa jeunesse donc, d’un monde qui tangue doucement puis sombre en pleine lumière, Schnitzler parle de ses futurs rivaux en littérature, le merveilleux Hugo Von Hofmannsthal , Felix Salten l’auteur de « Bambi » et du plus croquignolet « Histoire d’une jeune fille de Vienne racontée par elle-même » , il parle aussi du très méchant Karl Kraus qui notera joliment un jour que : « Les rues de Vienne sont pavées de culture », mais je m’égare un peu, Schnitzler en effet ne participe pas trop au bouillonnement culturel Viennois, préférant courtiser des caissières, des petites actrices … Le livre est constamment dans un détachement scintillant, si le monde est là Schnitzler semble parfois l’ignoré souverainement, n’étant par exemple pas plus effaré que cela par l’antisémitisme !!, Pourtant il sera traité de canaille juive !! Au moment de « La ronde » et ses livres seront brûlés par les Nazis, heureusement ? Il n’aura pas le temps de voir la barbarie vraiment à l’œuvre, peut-être que s’il avait vécu, devant tant de lourdeur aurait-il choisit la solution de Zweig ou de Benjamin, comment vivre dans un monde mort ? Aharon Appelfeld lui se souvient de l’antisémitisme, il a de bonnes raisons, il vient après,, après les camps, il raconte tout cela avec douceur dans « Histoire d’une vie », récit presque autobiographique, - presque parce que Appelfeld est bien au-delà – sa première enfance, la déportation, la disparition de ses parents, - sinistre tour de magie - , son évasion, son errance dans les forets d’Ukraine, enfant sauvage seul recueillis par des bandits… ensuite son départ vers la terre promise, sa découverte de l’écriture qui le sauve, tout cela serait déjà beaucoup, mais c’est bien plus, car Aharon Appelfeld plane bien au-delà du simple témoignage… Il faut lire de lui aussi « Le temps des prodiges » qui est une réponse assez étrange à Schnitzler, le roman parle de la sournoise dissémination du nazisme en Autriche, avec une magnifique sobriété et toujours cette douceur inimitable ou il n’y pas de haine, une atmosphère brumeuse et parfois fantomatique ou l’antisémitisme est vu comme une maladie insidieuse qui contamine tout de manière lente et irréversible, Aharon Appelfeld est un très grand écrivain, dans des altitudes fréquentées par Kafka, il y a des points communs, des différences, l’un des points communs c’est l’altitude vraiment. Sur Kafka d’ailleurs, il faut livre la jolie petite biographie de Max Brod qui est assez émouvante, - Max Brod c’est l’ami qui bénéficiait de la primeur de Kafka dans des lectures paraît-il rigolardes -. Vienne s’est écroulée dans la barbarie, toute l’œuvre de Evelyn Waugh parle de cela, d’un monde qui s’écroule, ce monde c’est Angleterre traditionnelle et aristocratique, celle des collèges, celle des conventions non barbares ou le peuple est vu de loin, de très très loin, Waugh est un incorrigible réactionnaire mais un écrivain tendrement admirable, qui derrière un humour et une constante ironie détachée, ne peut pas faire le deuil d’un monde qui pour lui meurt à petits feux, alors il est vachard, parfois très méchant mais derrière tout cela, il est aussi affectueusement nostalgique d’un paradis perdu, celui de l’enfance, des amours perdus … lisez « Retour à Brideshead », prodige absolu l’un des plus beau livre sur le temps qui passe, livre qui commence doucement et fini dans une tranquillité déchirante.

à suivre ...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un autre écrivain viennois majeur est Joseph Roth, qui prit la fuite après l'arrivée nazie et mourut alcoolique, totalement désespéré.