mercredi 22 février 2006

Et une comète une !



« Je rêvais moins de conquérir le monde que de me donner à lui avec violence. Régner sur les foules, sur un pays, m’exaltait moins que de régner sur moi. Le seul empire que j’aie jamais voulu posséder, c’est l’empire sur moi-même. »

Et une comète une ! Jean René Huguenin a traversé le paysage littéraire français avec une fulgurance et un degré d’intensité assez exceptionnels, né en 1936 il débute à l’age de vingt ans par quelques articles dans l’hebdomadaire ARTS et fonde avec quelques amis qui ont pour noms Philippe Sollers et Jean Edern Hallier la revue TEL QUEL, il publie en 1960 son premier roman La Côte Sauvage et quelques articles et essais plus tard il meurt dans un accident de voiture en 1962, la même année que Roger Nimier histoire de devenir un peu mythique mais de manière encore plus souterraine ! Bon derrière la petite légende en marche que reste t-il de lui ? Un roman La Cote Sauvage vraiment magnifique, subtil émouvant et sensuel, un roman solaire sur les sentiments d’un frère pour sa sœur sur encore l’enfance qui s’enfuit, un roman qui fini mal mais de manière très douce et presque sereine, reste aussi et surtout le Journal de Huguenin soit les états d’âme d’un jeune homme au milieu du vingtième siècle, il y a une éternité ? Comme l’écrira le grand F. Mauriac c’est l’œuvre d’un jeune homme qui avait pris la mesure de sa dépouille ! C’est un livre hanté par la prescience d’une mort précoce et certaine, où domine une sorte de métaphysique rimbaldienne, pas loin de Léon Bloy ou Bernanos avec une franchise absolue parfois à la limite du gênant, le Journal D’Huguenin est aussi un précieux recueil de « portraits littéraires » foudroyants et concis, de Montherlant, dont les Carnets présentent une souffrance creuse, à Sollers lisse et lumineux qui a le sacrifice en horreur en passant par Edern Hallier véritable démon dont la haine n’est pas une haine d’homme mais celle des puissances maléfiques, ou de Julien Gracq encore, troublant du mystère dont il a parfaitement su entourer sa vie et son oeuvre, à Michel Butor, myope sournois...

« Qui suis-je ? Qui étais-je ? Je ne trouverai jamais ma nuit. C’est moi que je prie, c’est moi qui m’exauce. Dieu dans sa haine nous a tous laissés libres. Mais il nous a donné la soif pour que nous l’aimions. Je ne puis lui pardonner la soif. Mon cœur est vierge, rien de ce que je conquiers ne me possède ! On ne connaîtra jamais de moi-même que ma soif délirante de connaître. Je ne suis que curieux. Je scrute. J’explore. La curiosité c’est la haine. Une haine plus pure, plus désintéressée que toute science et qui presse les autres de plus de soins que l’amour - qui les détaille, les décompose. Me suis-je donc tant appliqué à te connaître, Anne, ai-je passé tant de nuits à te rêver, placé tant d’espoir à percer ton secret indéchiffrable, et poussé jusqu’à cette nuit tant de soupirs, subi tant de peines, pour découvrir que mon étrange amour n’était qu’une façon d’approcher la mort ? »(La Côte sauvage, 146-147)

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