dimanche 13 décembre 2020

Psychogeographie indoor (104)




 








« Je creuse ma tombe avec mon stylo, consciencieusement, comme un forçat qu’on siffle tous les jours pour qu’il enfonce et fasse résonner plus profondément sa pelle » (I.K)


1.


26 août 2020.- Vent tiède (28°C). Je suis né en 1966, c’est une drôle d’année. Enfin pas pour tout le monde. Tenez pour Emil Cioran c’est un peu l’année du pire. Il est en jachère, n’écrit plus rien, l’inspiration semble l’avoir quitté. Pour retrouver les mots, les phrases, il marche beaucoup, cherche dans la fatigue, dans l’épuisement physique un état un peu vibrionnant capable d’ouvrir les vannes de son inspiration. Rien ne vient vraiment. Le 14 janvier il est pris d’une soudaine crise de doute et s’il n’était qu’un raté, un fichu « déchu » ?

28 août 2020.- Pluie glacée, grande dégringolade des températures, pour un peu il ferait frisquet (17°C). Je sais pertinemment que la « rentrée littéraire » est un épiphénomène tout autant futile que dispensable, mais comme je suis pétri de paradoxes cela ne m’empêche pas d’être à demi plongé dedans tel un pêcheur à la mouche circonspect. Ainsi aujourd’hui j’ai acquis deux volumes ceinturés par un large bandeau rouge : Les Démons de Simon Libérati et Yoga d’Emmanuel Carrère. Le second m’ayant davantage titillé que le premier, je l’ai entamé sans plus attendre que ça. L’accroche un peu intrigante explique comment Carrère, qui voulait écrire un petit livre souriant sur le yoga, est tombé dans une phase de dépression mélancolique carabinée tandis qu’autour de lui toussotaient des choses aussi peu souriantes que le terrorisme djihadiste ou la crise migratoire. En somme, tout pour faire un bon livre… ou un mauvais.

29 août 2020- Temps plutôt nuageux (21°C). Je chemine chichement dans Yoga tout en me disant que les rivages de l'autofiction sont parfois plus problématiques que ravissants. Savoir que Emmanuel Carrère était éjaculateur précoce dans sa jeunesse me m'intéresse pas vraiment, quant à l'impudeur corrélative de tout ça elle ne me semble pas soulevée par un projet littéraire follement transcendant, au mieux nous sommes dans du Houellebecq vaguement amoindri (mon avis pour ce qu'il vaut est certainement assez biaisé par la grande morosité qui m'aura saisi aujourd'hui).

31 août 2020.- Nuages et soleil, ou l'inverse (23°C). Lombalgie tenace, gonalgie pérenne. Mon corps tombe en lambeaux. Qu'il tombe, qu'il s'en aille, il ne me sert à rien !

Bien au-delà de ses supposés sujets Yoga est surtout un reportage  consacré à l'entité Emmanuel Carrère. On aurait préféré que cela soit plutôt une enquête policière avec de l'investigation, des informations recoupées, des informateurs divers et variés, des preuves irréfutables.

2 septembre 2020.- Temps indéfinissable, sans saveur (24°C). Épuisement physique, morne plaine.

4 septembre 2020.- Beau temps bien inutile (32°C). Gonalgie tenace, je ne sautille plus. Remarquez, je ne suis pas le seul. Tenez par exemple prenez le vieux Morand, le 16 juillet 1968, il a tout de même 80 ans, eh bien figurez vous qu’il court 100 mètres en 1 minute 40 ! Performance guère reluisante alors qu’à 18 ans il courait 1500 mètres en 4 minutes 30. On imagine le grand désappointement de cet être entiché de célérité (bien droite la célérité… rectiligne). On apprend tout cela en plongeant le nez dans son Journal Inutile, Tome I, page 21, regardez.

Sinon le Yoga de Carrère m’est un peu tombé des mains, je le ressaisirai demain avec un soupçon d’espoir et de vagues illusions.

5 septembre 2020.- Soleil se voilant au fil de la journée (32°C). La lecture du Yoga de Carrère me laisse dans un état très oscillant. D'un côté, son impudeur, le fait de savoir qu’il a de l’herpès sur le pénis, me fatigue un peu, d’un autre côté certains passages, certaines pages, me font monter une sourde émotion qui pourrait même se transformer en larmes. C’est presque un tour de force ou alors il est peut-être possible que je sois dans le même état que Carrère, c'est-à-dire à peu près dépressif, pas très en forme pour tout vous dire.

6 septembre 2020.- Quelques passages nuageux (23°C). Si les vivants disaient tout sur eux-mêmes, le monde serait certainement invivable. Alors qu'un écrivain visiblement encore un peu vivant comme Carrère dise tout sur lui-même me semble tenir du chantage à la sincérité ou à quelque chose d'approchant. Tout cela devrait être réservé aux écrivains morts, les morts peuvent tout dire. Sinon derrière son assommante volonté de tout dire Yoga est peut-être un livre sauvé par le savoir-faire de son auteur. Il est très bien construit, on passe de la description détaillée du séjour que Carrère aura passé à Sainte-Anne, entre traitements chimiques, électrochocs qui ne disent pas leur nom et autres joyeusetés psychiatriques, à son passage par l’île de Leros où il rencontre une Américaine là pour faire le bien et quelques jeunes migrants perdus (le récit de leur périple est poignant).

8 septembre 2020.- Ciel sans nuages, disons qu'il est bleu (25°C). Chopin et l'héroïsme, une ombre, la joie pure, le sourire de Martha Argerich. Chez Carrère belle page 250. Nothing else.

9 septembre 2020.- Les voilà les nuages ! (26°C). Carrère voudrait être un homme bien, mais y a-t-il des « hommes bien » ? Comment définir un « homme bien » ? Espèce encore plus rare, y a-t-il des écrivains qui soient des « hommes bien » ? Pour Simon Leys Tchekhov était un homme qui semblait avoir « correspondu à la qualité de l'artiste », mais qui d’autre ?

10 septembre 2020.- Soleil (28°C). Chez Carrère belle évocation de Paul Otchakovsky-Laurens, dézinguage un peu facile de Renaud Camus (qui mérite certainement d'être dézingué, mais peut-être pas comme ça). Pour le reste, je ne suis pas très en forme.

12 septembre 2020.- Beau temps chaud (30°C). Fini le Yoga de Carrère qui m’aura tour à tour ennuyé, ému, agacé… Sans plus attendre que ça entamé la correspondance de Jean Patrick Manchette, Lettres du mauvais temps plus de sept cents pages à la Table Ronde. Le peu que j’en ai lu me laisse espérer du conséquent, un côté arrière cour qui ne me déplaît pas. Le Manchette intime, celui que laissaient deviner les pages de son Journal publié il y a quelques années me semble tout à fait passionnant (et jamais vraiment agaçant, lui).

Sinon, pour le reste, et en dehors des livres ce n’est pas la grande joie. Humeur maussade, grande irritabilité, gonalgie tenace, je suis sous anti-inflammatoires. Disons que la forme est paralympique.


2.

13 septembre 2020.- Chaleur tardive (31°C). Retour dans le Journal de Galey que je vais bien devoir finir. Malgré la ritournelle un peu lassante des amants de passage, c’est tout de même souvent très bien. La correspondance de Manchette est aussi très bien. Les lettres adressées à Pierre Siniac sont magnifiques. Les lisant on n’oublie pas que Siniac est mort dans une terrible solitude en 2002 (on a retrouvé son corps décomposé dans son appartement un mois après sa mort). Manchette qui était mort sept ans plus tôt en 1995 ne pouvait plus lui écrire de lettres. C’est dommage.

14 septembre 2020.- Tiédeur, encore (34°C). Quelques points communs entre Manchette (Correspondance) et Galey (Journal). L’époque, la césure 70/80 , la victoire de la « gauche », Mitterrand, le fait que pour l’essentiel les deux fassent dans l’alimentaire, les scénarios (Manchette), la critique théâtrale (Galey). Bon c’est à peu près tout, Galey est un « bourgeois débauché » qui butine un peu partout (New York, Lyon, Paris, Venise, Bourganeuf), Manchette est un « vrai marxiste » qui ne sort pas de chez lui. On sait tout de la vie intime de Galey, on ne sait presque rien de celle de Manchette.

Demain congés tardifs, je fais mes valises pour la Côte d’Azur.

23 septembre 2020.- Temps plutôt ensoleillé (26°C). I. Retour du Var et de la Côte d’Azur. Beaucoup marché sur les sentiers de bord de mer. Certes un peu trop de béton, mais quelques criques et calanques qui valent incontestablement le coup d’œil de surcroît lorsque l’arrière-saison et bien plantée et le flux touristique parti loin, bien loin. J’ai pu sortir mon slip de bain en toute quiétude et même faire un tour du côté de Saint-Tropez que je n’avais jamais visité et qui pour tout dire m’inquiétait un peu. J’avais peut-être tort de m’inquiéter c’est une petite ville certes assommée par son côté pittoresque, mais il y a tout de même un petit charme. Le cimetière marin est très bien.

II. Sa dernière Clé USB m’était un tantinet tombée des yeux, mais cela ne m’empêche pas de persister avec Jean Philippe Toussaint. Entamé Les Émotions, une suite que me semble beaucoup plus réussi. Le sujet, la prospective, les personnages, Jean Detrez, l’Europe (l’Europe est un personnage) sont toujours les même, mais il y a plus d’humour évidé, plus d’émotion en creux (quoique la fin de la Clé USB n’en était pas dépourvue). Bref, c’est mieux (ou tout du moins suis-je dans une meilleure forme, une meilleure humeur plus amène d’apprécier le « projet » de Toussaint).

24 septembre 2020.- Cieux maussades (20°C). Fatigue je n'y suis pas. Nonobstant excellent Toussaint qui parvient à écrire un vrai roman avec des bouts d'air du temps, des bouts autobiographiques qui bourgeonnent en fiction, des bouts un peu drôles, des bouts un peu tristes, des bouts quoi. Enchaîné avec Rolin et son Pont de Bezons. Les premières pages sont très bien, il y a un cimetière pour chiens, on baguenaude au bord de la seine, je ne m'inquiète pas trop.

25 septembre 2020.- Bourrasques, pluie glacée, l’automne est là (13°C). J’envisageais très bien le Pont de Bezons de Rolin et je dois dire que je ne suis pas déçu, il est tout à fait formidable. C’est une suite de reconnaissances aléatoires menées sur les berges de la seine, au fil des saisons et dans un désordre voulu. Friches de l’entre-deux, du périurbain qui n’est plus vraiment péri, restaurants Courte Paille et Buffalo Grill, McDonald oubliés et boulangeries hallal, coiffeur congolais et PMU kurdes, camps roms et camps tibétains, blocs de béton et souvenirs impressionnistes, rouille et poussière, gravas et fougères, nature qui reprend vie parce qu’en définitive « Tout vit, tout agit, tout se correspond ». Et puis les hommes, qui sont là eux aussi qui vivent eux aussi, des immigrés de fraîche ou longue date, des petits trafics, un peu de suspicion, de la pâte humaine. Rolin c’est Calet à l’heure de Google Maps.

26 septembre 2020.- Giboulées, température patibulaire (10°C). On pourrait dire de Rolin qu’il a la volonté de décrire le monde jusqu’au moindre brin d’herbe. C’est peut être une hypothèse hasardeuse, j’ai le sentiment qu’il n’aura pas assez d’une vie terrestre pour accomplir son projet, mais en tous les cas c’est l’impression que donne son Pont de Bezons, qui est très bien, je le répète, et qui a tout pour rejoindre les quelques classiques de la littérature fluviale, le Danube de Magris, les récits de Stevenson naviguant en canoë sur l’Escaut, la Somme et l’Oise, la Vie sur le Mississippi de Twain et pourquoi pas Les Aventures de Huckleberry Finn du même Twain.

Rolin, ses oiseaux et ses forêts rivulaires derrière moi je suis retourné dans le Journal de Galey qui sent certes un peu le renfermé, mais qui est tout de même assez méchant en bien.

28 septembre 2020.- Météo torve, quasi froideur (8°C). Labeur, fatigue, sieste. Quelques lettres de Manchette, son agoraphobie qui apparaît en filigrane (elle ne passera pas comme une lettre à la poste), de beaux échanges pragmatiques avec Donald Westlake. Ailleurs, chez Galey, un portrait terrible de Jack Lang en costume rose.

29 septembre 2020.- Majestueuse grisaille (17°C). Lever très matineux, labeur saumâtre suivi d'un roupillon méridien bien mérité. Utilisé deux masques anti ce que vous savez, rien lu, trop d'ivresse hydroalcoolique.

30 septembre 2020.- The sun is shining again (21°C). Picoré chez le jeune Valéry (Paul), toujours un peu foufou : « A mes mes pieds est l’avenir de l’objet que je tiens et vais lâcher. Je vois à mes pieds les fragments du vase » ou encore : « La vie se prépare continuellement ce qu’elle consume continuellement. Elle consume des dans l’ensemble, et de l’être dans le détail. La vie consume de l’être »Ce sera tout pour aujourd'hui.

1er octobre 2020.- Il pleut, c'est déjà l'automne (15°C). Voilà donc une affaire Carrère. Il aurait menti dans son tout récent Yoga ! Moi qui croyais que l'animal disait tout de lui-même sans aucune pudeur j'ai donc été trompé, il brodait, fictionnait. En somme, il concédait au romanesque ! Franchement quelle drôle d'idée pour un écrivain que de romancer ! Conclusion, Yoga est certainement meilleur que je ne le pensais.

2 octobre 2020.- Déluge, tout va bien (14°C). En 1987 Jean Patrick Manchette va mieux il s’extrait peu à peu de son agoraphobie, fait même quelques raids en ville (sans carburer à l’alcool) et compte même retrouver une vie relativement normale. C’est ce qu’on apprend en lisant une lettre adressée à Jean Echenoz l’un des rares écrivains lactescents trouvant grâce à ses yeux. (Ce 2 octobre 2020 mon agoraphobie à-moi est toujours là. De toutes les façons pourquoi sortir ? Il pleut).


3.

3 Octobre 2020.- Queue de tempête (14°C). Écrire un roman en 2020 ? Dans la molle « rentrée littéraire » qui nous occupe, quelques-uns prouvent que la chose est peut-être encore presque possible. Emmanuel Carrère fait avec lui-même, Jean Rolin fait avec la topographie et Simon Liberati fait avec une mythologie plus ou moins personnelle. J’ai déjà lu et parlé des deux premiers, aujourd’hui j’entame Les Démons du troisième. Pour l’instant et du côté de la mythologie, nous sommes assez servis, on croise Paul Morand, Marie-Laure de Noailles, Emmanuelle Arsan, Johnny Hallyday, Truman Capote, Nico, Andy Warhol, la Factory tout entière ! Liberati, qui est malin, a ajouté quelques figures fictives à l’aréopage, une belle défigurée incestueuse, son petit frère elfe homo avant l’âge légal, un dandy en costume blanc lorgnant du côté de Cocteau. Le réel fantasmé, la mythologie, et la fiction se mélangent pour l’instant assez bien, le style est raisonnablement coloré et l’ensemble me semble assez intéressant, enfin pour qui aime, les garrots très serrés, les shoots de morphine et les histoires incestueuses.

4 octobre 2020.- Du vent (14°C). Truman Capote, Tennessee Williams, Brigitte Bardot, Gunther Sachs, Andy Warhol, Edie Sedgwick, Gerard Malanga, j'en oublie. Liberati jette des noms comme des ingrédients... et cela prend, son roman existe, c'est presque étonnant.

5 octobre 2020.- Averses (14°C). Je baguenaude dans les journaux de Galey et Morand (l’inutile). Chez le plus jeune un portrait de Daniel Mesguich (théâtreux mitrandien un peu oublié) tout en méchanceté : « Mesguich. Le profil de conventionnel, type commissaire de la République, souligné par une tenue d’Incroyable, avec mi-bottes et pantalons collants. L’œil est de feu, le sourire à la fois sournois, contraint et moqueur, et une infinie prétention qui couche sans doute pas mal de doutes profonds. Très jeune, en somme. Dès qu’il parle, c’est la pythie sur son trépied. Il déconne avec un superbe brio, type Bernard-Henry Lévy, enchaînant les idées à mesure que les idées lui viennent, se perdent, sans s’arrêter à ces détails, dans les méandres de son flot de paroles, d’images, d’abstraction, pou aboutir, le plus souvent, et au petit bonheur, à une chute en contradiction avec ses prémisses. Mais comme personne n’a pu suivre son raisonnement – pas même lui-, on écoute baba... » chez le plus vieux cet amusant éloge du terrible Cohn-Bendit : « Cohn-Bendit débite en tranches le drapeau tricolore, ne gardant que le rouge. C’est génial. Il y a, chez les jeunes, une faculté d’invention prodigieuse. Qu’il soit un agent provocateur ou un révolutionnaire. Cohn-Bendit, ce déchirement d’un bout d’étoffe est original . Sans le rouge, le drapeau bleu et blanc, qui reste, a l’air idiot, l'air d’un fanion de club de golf ».

7 octobre 2020.- Pluie légère (15°C). Mai 68. Voyant quelques enragés manifester dans la rue Ionesco un peu ivre ouvre les fenêtres du Mercure de France et beugle un tonitruant: « Dans trois semaines, vous serez des notaires ! » La rue lui répond avec un pavé qui brise l’une des vitres de l’auguste maison d’édition. Tout cela est raconté dans le Journal Inutile de Morand, qui est donc un peu drôle. Tenez par exemple on peut aussi y lire ceci le 29 juillet 1968 : « Slogan pour l’Odéon, en octobre : L’avenir de la jeunesse, c’est la vieillesse ».

8 octobre 2020.- Quasi beau temps (21°C). Tour d'Italie : Superbes paysages du Basilicate, magnifique sprint d'Arnaud Démare qui gagne à Matera la ville troglodyte. Journal Inutile : Pour s'endormir, Morand compte les voitures qui lui sont passées entre les mains depuis 1922, jolie litanie : «1 Mathis, 1 Renault, 1 Voisin, 3 Citroën, 4 Ford, 1 Delage, 3 Bugatti, 2 Cadillac, 1 Aston Martin, 2 Porsche, 2 Buick, 2 Chevrolet, 1 Marmon (16 cylindres),1 Studebaker, 1 Fiat, 1 Mercedes (300 SL), 3 Volkswagen,1 Austin, 1 Mustang, etc. »

10 octobre 2020.- Temps automnal (15°C). Humeur maussade, ennui solide. De surcroît, je n’aurais pas du laissé de côté les Démons de Liberati puisque reprenant ma lecture aujourd’hui je n’y retrouve plus aucune des qualités que j’avais trouvées la semaine dernière. Tout cela est certainement lié à l’état morose que je traverse actuellement, et que j’espère passager, mais la seconde partie, la partie thaïlandaise, n’est que faussement émoustillante. On s’y ennuie beaucoup entre exotisme sudoripare et érotisme de pacotille et la « machine littéraire » de Liberati me semble tourner bien à vide. (Reste peut-être la figure de Marayat Bibidh. La fameuse Emmanuelle Arsan, celle qui n'aurait pas écrit toute seule le non moins fameux roman anacréontique Emmanuelle. Comme tout est bien fait en ce bas monde en dehors du roman de Liberati on peut aussi croiser ladite Marayat Bibidh dans une courte vidéo disponible sur YouTube. Deux minutes de pépiement radieux qui raviront l'érotomane qui sommeille en nous.)

11 octobre 2020.- Nuages (11°C). Flammarion tire le chaland Houllebecq jusqu'à la lie en ressortant ses Interventions pour la troisième fois. Cela s'appelle Interventions 2020 et il ne doit pas y avoir plus de quarante pages inédites (un entretien pas forcement foudroyant avec Frédéric Beigbeder, un autre plus intéressant avec Marin de Viry et Valérie Toranian, un éloge de Donald Trump, des considérations plus ou moins pénétrantes sur Emmanuel Carrère ou l'Affaire Vincent Lambert). Bon c'est assez inégal, mais il y a tout de même de bons moments, celui-ci par exemple : « Il y a deux belles descriptions de pot-au-feu dans la littérature française, celle de Huysmans et celle de Proust. Aucun autre plat ne peut se targuer d’un tel passé littéraire ; il n’y a pas d’équivalent pour le bourguignon ou la blanquette. »

12 octobre 2020.- Temps triste et frais (12°C). Cioran, Cahiers, le style : « C’est tout à fait à tort qu’on m’attribue ou qu’on me reconnaît du "style". Je n’ai pas de style, j’ai, comme l’a remarqué Saint-John Perse, un "rythme". Et ce rythme correspond à ma physiologie, à mon être, c’est ma cadence organique, mon halètement d’hystérique qui réussit à passer dans mes phrases. Mais cette faculté que j’ai d’y projeter mon mouvement intérieur, c’est une erreur de l’avoir assimilé à un "style" ou à un talent quelconque. Non, je n’ai ni talent ni style, j’ai un ton cadencé, qui vient, entre autres, de mon état à peu près constant d’anxiété ». Rien d'autre.

13 Octobre 2020.- Ciel gris bleu blanc, indéfinissable (12°C). J’ai été léger avec les Interventions de l'ami Houellebecq, la partie inédite est presque bien, en tous les cas elle est toujours très drôle. Très drôle aussi, le Journal Inutile du vieux Morand, comme quoi... Sinon le virus toujours là nous sommes encore masqués, c'est assez lancinant, on ne s'y fait pas.

14 Octobre 2020.- Mostly cloudy weather (11°C) Sometimes there's nothing better than Barnabooth : « DANS ce grand souffle de vent noir que nous fendons,/ Exalté, j’erre en pleurant sur le pont du yacht ». That's all for today.


To be continued.

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