mardi 31 mars 2020

Psychogeographie indoor (98)




Quand j’organise une descente en Moi,
J’en conviens, je trouve là, attablée,
Une société un peu bien mêlée,
Et que je n'ai point vue à mes octrois.

(Jules Laforgue, Ballade)

1.

15 décembre 2019.- Étonnante douceur (16°C). Piqué du nez plus d'une fois sur le Journal de Galey. Les portraits sont formidables, mais le reste : les aventures sexuelles, les mondanités, le morne agrégat du quotidien, quel est l’intérêt de tout ça ? D'ailleurs, Galey doute de lui même, il est un peu jaloux de Huguenin, de son accident fatal et de son petit halo qui même s’il est une sorte d' abus de confiance lui aura permis d'être mythifié par Mauriac. Non rien n'y fait : « Destin dérisoire et navrant que le mien, quand j'y réfléchis. Accumuler des connaissances apprendre… apprendre… pour mourir, bientôt, sans avoir pu transmettre tout ce savoir vainement accumulé. Mes articles iront au vent. Personne ne se souviendra même de mon nom... »
J'ai il y a longtemps beaucoup aimé le cinéma, peut-être aussi et surtout parce que j'aimais Anna Karina. Elle est morte aujourd'hui. La tristesse est grande.

Rien (ou presque) :
Pour être désenchanté, il faut avoir été enchanté,
alors ne me regardez pas avec ce petit air pincé,
je les ai eus mes moments sautillants !

16 décembre 2019.- Bourrasques ! (14°C). Visité une officine suédoise consacrée aux canapés, bibliothèques et autres porte-savons. Tout cela aura occupé ma journée, je suis peu de choses.

17 décembre 2019.- Indécente douceur (17°C). Légumineux et sans envie je végète sur mon canapé, espérant une secrète fusion entre nos molécules, car voyez-vous moi aussi j'aimerai être canapé (je me limiterai aux molécules, la fusion des atomes est bien trop risquée). Otherwise, une bectée de l'épatant Connaissance de l'Est du jeune Claudel et puis Valéry (Paul), toujours : « Ce n’est rien que d’être profond, d’aller au fond. Tout le monde peut plonger ; mais les uns sont retenus et gardés à mort par leur abîme où ils se prirent dans les herbes ; les autres en sont rejetés comme trouvés trop légers par leur propre et intime profondeur. Dans l’être ou dans la mer, le plongeur utile et admirable descend vers son objet, peut travailler quelque temps loin de sa vie naturelle, à laquelle il retourne quand il faut, en un instant. »

19 décembre 2019.- Météo printanière, comme si c'était possible ! (17°C). Les « nerfs » de Cioran étaient si tendus que le mieux pour lui aurait été de rester au lit des journées entières tout en ne se souciant que de l'éternité. Dois-je avouer que je ne suis pas loin de penser la même chose ?
Perros, encore, toujours : « Réussir sa vie : Rimbaud. Réussir dans la vie : tout le monde, ou presque ! »

22 décembre 2019.- Queue de tempête et pluie fine (10°C). Hier soir « vie sociale », bu raisonnablement, mais un peu. Ce matin retour chez Matthieu Galey adepte autrement prononcé de la « vie sociale » et de ses dissimulés sortilèges. Chardonne et Jouhandeau vieillards indignes, insortables et de temps à autre dégueulasses (surtout le second). La mort d'Olivier Larronde ce nouveau Rimbaud mort chichement dans un lit aux draps sales, quelques aventures sexuelles parfois tarifées et presque un peu toujours cauteleuses. Bref, c'est le train-train du Journal de Galey. Par ailleurs et du côté des « choses cinématographiées » entamé la vision de The Irishman dernier opus de Matin Scorcese que je vais regarder en plusieurs fois (il faut dire qu'avec ses 3h30 le panettone est de prime abord un brin bourratif). Vieux monde dans le formol, ballets de momies grimaçantes, Scorcese filme ses amis qui vont bientôt mourir et c'est tout de même assez émouvant.

24 décembre 2019.- Crachin (9°C). Chez Galey on meurt beaucoup et par conséquent en enterre beaucoup. Chez Scorcese De Niro est un pantin de cire qui se contente de deux mimiques crispées (c'est son génie).
Nouvelles acquisitions : André Dhôtel - Beauté, Jean Amery - Charles Bovary médecin de campagne, Peter Fleming - Courrier de Tartarie.

26 décembre 2019.- Nuages (7°C). Langoureuse journée post agapes. Rien à en tirer. Ah si tout de même ! Roland Topor qui n'était pas le dernier des anacréontiques venu avait trouvé une bonne raison pour se suicider tout de suite : « Pour tuer un juif/ Comme tout le monde ». (C'est la quarantième raison de ses Cent bonnes raisons pour se suicider tout de suite, mince plaquette lu en rentrant du labeur) Lire Otto Wininger, Sexe et caractère.

27 décembre 2019.- Averses parcimonieuses (8°C). Quelques saumâtres effluves remontent de la piscine Deligny, voilà donc une « affaire » Matzneff ! Comme tout est dans tout j’entame Cioran et compagnie mince opuscule écrit par Roland Jaccard. Grand ami de Matzneff et habitué des vieilles piscines parisiennes, Jaccard, malgré de sourds défauts, est souvent très agréable à boulotter, c'est un bon lecteur, qui choisit judicieusement et cite souvent très bien les autres... de surcroît, il porte très bien le slip de bain.

28 décembre 2019.- Ciel gris suicide, petit crachin (4°C). « Des petits livres à l'intention d'adolescentes à frange », voilà comment Jaccard parle de son « travail »… ou plutôt de son « non-travail ». Le cœur de ce qui pourrait être un problème, si tout cela était un tant soit peu conséquent, est certainement là : Jaccard est un flemmard, mais un flemmard si conscient de sa flemmardise qu'il en fait son fonds de commerce. Ses petits livres sont donc toujours un peu feignassous, il leur arrive aussi d'être occasionnellement charmants. Ce n'est pas vraiment le cas de Cioran et compagnie qui flottille à une distance raisonnable du meilleur de son auteur. La flemmardise vire à l’apragmatisme de fond de tiroir et le goût nettement prononcé de Jaccard pour les très jeunes filles d’Extrême-Orient est un peu lassant. Restent deux trois anecdotes sur l'ami Cioran, l’évocation de quelques Viennois pure beurre, c'est toujours ça. Comme je ne suis pas du genre à rester sur un quart de satisfaction aussitôt Cioran et compagnie fini j'ai décidé de ne pas lâcher Jaccard et je commence d'ores et déjà la lecture de Sexe et sarcasmes un autre de ses cossards petits volumes. Il y est toujours question de jeunes gourgandines orientales d'autres Viennois et de Clément Rosset, pour l'instant c'est un peu meilleur, moins « second lot ».

29 décembre 2019.- Beau temps froid (3°C). Fini Sexe et sarcasmes, ce n'est pas foudroyant, la redondante fascination de Jaccard pour le suicide est un brin assommante – on a sans cesse envie de lui crier : « mais vas-y !» , néanmoins cela se laisse lire avec un certain contentement. Retour dans la correspondance de Tchekhov, nous sommes en 1901, il écrit mollement et sans aucun désir, ne mange plus et semble ne rien faire d'autre que de cracher son sang. Pour tout dire, il n'est pas au mieux, il lui reste trois ans à vivre.

30 décembre 2019.- Ciel bleu, ciel glacé (2°C). Ce qui est assez amusant dans cette « affaire Matzneff » qui commence à enfler, c'est que ledit Matzneff est aujourd’hui vaguement défendu par ceux qui l'attaquaient jadis (en gros, la droite un peu de droite), et qu'il est voué aux gémonies par les descendants de ceux avec qui il signait de glutineuses pétitions pour « l'amour libre » dans les colonnes de Libé(ration). Quant à moi je suis dubitatif.

2 janvier 2020.- Brouillard (2°C). Début d'année en fanfare, mais une fanfare tristounette et un peu déprimée. La peau du tambour est crevée, l'hélicon est percé, tout est brinquebalant et résonne de guingois. Lever 4 heures (oui 4 heures !), labeur, sieste, une chronique de Vialatte (en Bulgarie une femme de cent vingt-six ans s'est jetée dans sa cheminée à la suite d'un chagrin d'amour). Ce sera tout pour aujourd'hui.

3 janvier 2020.- Deux éclaircies (5°C). Je saisirai ma retraite à pleines mains lorsque ma pile de livres en attente atteindra le plafond de mon modeste séjour. Cela ne saurait tarder. En attendant, nouvelles acquisitions : Patrick Leigh Fermor – Roumeli, Frédéric Pajak - Manifeste incertain Tome 3, Charles Dantzig - Dictionnaire égoïste de la littérature mondiale, Julien Green - Journal intégral Tome 1, WG Sebald - Campo santo , Louis Calaferte – Dimensions.


2.

4 janvier 2020.- Ciel fluctuant (4°C). Ah oui au fait pendant que je vous tiens, il faut que vous sachiez que malgré une cinéphobie pour le moins tenace mon regard est parvenu à supporter ni plus ni moins que les 3h30 du dernier effort de Martin Scorsese. Comme il m'arrive d'être de temps à autre un peu malin tout autant que couard devant certaines longueurs, j'ai regardé tout ça en plusieurs fois, histoire de laisser passer le panettone de façon un brin homéopathique et en tous les cas moins bourrative. Bien m'en a pris puisque grâce à cet adroit subterfuge je suis parvenu à mes fins sans même m'endormir une seule fois, ce qui il faut bien l'avouer relève de l'exploit... Quant au reste, enfin le film, je n'ai pas vraiment été déçu. Pour qui aime une certaine lenteur ludique combinée aux effets basculatoires de quelques aller-retour indiciblement proustiens, le premier tiers est raisonnablement amusant. Plus qu'un monde plongé dans le formol où s’agiterait un ballet plus ou moins synchronisé de momies fardées et grimaçantes, j'y ai vu pour Scorsese un retour vers l'enfance (la sienne et celle du cinéma, peut-être ?). Un vieillard n'étant jamais très loin de ladite enfance, Scorsese filme ses vieux amis comme il aurait pu le faire s'il les avait filmés jouant aux gangsters dans une cour de récréation. De Niro se contente de deux grimaces, Pacino allie son habituelle nervosité à quelque chose de plus lourd-léger, Joe Pesci est terriblement doux. En somme, tout est pour le mieux, et voilà donc de vieux gamins s'amusant indolemment dans le décor de leur enfance, de jeunes cœurs dans des corps vieux tentant d'exploiter à des fins heureuses l'inévitable nécessité de vieillir. Le film avance tranquillement comme un petit camion dans la nuit, les panoplies sont rutilantes, l'intrigue tournicote autour des mythes américains... Pourtant imperceptiblement tout vire au plus compliqué. Les jeux de voleurs et de camionneurs n'ont qu'un temps, à partir de la « disparition » de Jimmy Hoffa/Pacino, avouons-le cette séquence est formidable et pèse de tout son poids ontologique, on ne joue plus vraiment, on constate l'avancée du temps, la présence pour le moins tangible de la mort, le film devient plus épais, plus mélancolique, plus émouvant. De Niro passe de deux grimaces à cinq (donner autant avec aussi peu relève du génie), Pesci prend des teintes bouleversantes, Pacino n'est plus là... Au-delà des artifices, du raccommodage et du maquillage, il est temps de voir la mort vraiment travailler.
Retour dans la correspondance de Tchekhov. Olga Knipper son épouse, son actriçouillette, son toutou, sa petite perche, sa brindillette, est bien malade, victime d'une mauvaise péritonite elle est loin de lui. Il lui faut donc lui écrire une lettre tous les jours, car, voyez-vous, Tchekhov est amoureux de sa femme.

5 janvier 2020.- Ciel dégagé, froideur (3°C). Tchekhov est à Yalta loin de son épouse, son petit cœur , son petit cheval. Il écrivouille un petit quelque chose (La Cerisaie), mange assez à sa faim, mais la maladie qui finira par l'emporter le saisit de plus en plus fermement.
Otherwise : « L'affaire Matzneff » enfle, beau ballet de Tartuffes. Comme tout est dans tout ledit Matzneff est aussi dans le Journal de Galey : « Matzneff, Léon Bloy de poche, dilettante et polémiste de droite, armé de latin et d'autosatisfaction, c'est un modèle qu'on ne suit plus en littérature. Soldé, il va passer directement du fond du tiroir chez l'antiquaire. Sa seule chance de survie : c'est le rossignol qui se mue le mieux en objet d'art ».

7 janvier 2020.- Conditions météorologiques quelque peu ennuagées (9°C). Le labeur me laissant dans des états pour ainsi dire végétatifs, je ne suis presque plus rien : une fougère. Cependant chez Cioran : « La seule chose qui me fasse absolument du bien est le travail manuel. Rien d’autre ne saurait me rendre heureux, car rien d’autre ne suspend agréablement le tourbillon des interrogations sans réponse ».

8 janvier 2020.- Temps globalement nuageux (10°C). Lever 3 heures (oui 3 heures), labeur (saumâtre), sieste (confusément empêchée par la tondeuse d'un voisin mélomane). Voilà pour cette journée (la nuit s'annonce torride).
Rien (ou presque) : La peur la plus sérieuse d'Emil Cioran ? Devenir un saint !

10 décembre 2020.- Il fait beau ? Il ne fait pas beau ? Des nuages ? Du brouillard ? Une pluie légère ? Je ne sais pas ! Marcel Proust s'étant jadis rendu coupable de moult vilenies envers quelques pauvres rats qui ne lui avaient rien demandé, je me permets de signaler aux établissements Gallimard qu'ils seraient bien avisés de faire pilonner séance tenante les volumes de l'olibrius susnommé restant en leur possession : « Proust en train de transpercer d’épingles à chapeaux les rats enfermés dans leur cage, tout nu (son corps mou et blanc de malade) ou simplement déculotté (ses yeux globuleux, sa moustache en crocs, son impeccable raie médiane, ses coques défaites et pendantes) secoué par les assauts de l’"apache" qu’il a choisi : "Vous en avez un gros pétard ! " dit amoureusement Jupien à Charlus avec une admiration mêlée de respect. » (Claude Simon - Le Jardin des Plantes).

11 janvier 2020.- Ciel gris turpide assez caractéristique de la saison (7°C). Fini Vivre des mes rêves, la correspondance d’Anton Tchekhov dans la collection Bouquins. La dernière lettre qu'il écrit à sa sœur Macha le 28 juin 1904 est triste et factuelle. Il y est question d'un costume de flanelle blanche, d'un hypothétique voyage vers le Lac de Côme, de Trieste et d'Odessa. Tchekhov ne se fait plus guère d’illusions, son appareil digestif irrémédiablement endommagé, pour guérir il ne lui faudrait plus rien manger, son seul remède contre l’essoufflement… ne plus bouger. À titre indicatif je dois vous dire que j'ai lu cette dernière lettre avec un début de larme au coin de l’œil droit, on ne quitte pas un volume aussi conséquent, mille pages et un an de lecture, comme ça… sans émotion.
En parlant d'émotion et de « choses qui pincent », il y a les derniers mots de Tchekhov rapportés par Olga Knipper, son épouse, son actriçouillette : « Peu après minuit, il se réveille et fait appeler un médecin pour la première fois de sa vie.Le docteur étant arrivé, il demande un verre de champagne. Anton Pavlovitch se lève et dit solennellement en allemand au médecin qui était à son chevet (il connaissait seulement très peu d’allemand) : « Ich sterbe… » ("je meurs…") puis il prend le verre, se tourne vers moi et dit : "cela fait longtemps que je n’ai plus bu du champagne… ", ayant bu son verre tranquillement, il se couche sur le côté gauche et se tait à jamais. »
Quittant le finalement assez slave Tchekhov je retourne dans les Florides un peu suisses du plus Helvético-levantin Cingria. C'est toujours aussi bien chantourné et cela ne nous laisse jamais à l'abri d'une merveille : « Longtemps je me demande ce que c'est que la timidité et si elle n'est pas justifiable : si par elle, des valeurs d'un prix inestimable à quoi la raison n'a aucune attention ne sont sont pas souvent sauvegardées ».


3.

12 janvier 2020.- Brumes matinales, brumes vespérales, au milieu un beau temps un peu frisquet (7°C). Soyons clair ce qui éveille notre intérêt dans le Journal de Mathieu Galey, ce ne sont pas ses coucheries, ses galipettes contrites et ses circonvolutions autour de jeunes ouvriers un peu idiots, mais qui s'assument, non ce qui éveille notre intérêt ce sont surtout et avant tout les potins, les croassements qui montent du marigot littéraire, ces méchancetés et ces maussaderies et puis cet art du portrait :
« Conversations avec Modiano :
- Comment allez-vous ?
- Je, oui, je…
- Vous travaillez ? - Oui, je, je…
- Ce livre, ça marche ?
- Je, je, oui…"
Au bout d'un quart d'heure, il prononce des verbes. Au bout d'une demi-heure, des compléments. Ainsi, sans doute, devient-on écrivain. »

13 janvier 2020.- Ciel dégagé (7°C). Je fluctue.

14 janvier 2020.- Beau temps assez doux (12°C). Pas trop frais,  dormi deux heures la nuit dernière (le labeur)... Feuilleté Les Violettes de l'avenue Foch de Simon Liberati (c'est un spicilège), un peu poseur, pas vraiment mauvais. Voilà, rien d'autre, je vais me coucher.

16 janvier 2020.- Beau temps trop doux pour ne pas laisser poindre un début d'inquiétude chez le quidam vivant en zone tempérée (14°C). Je travaille et je dors, tout du moins je tente de dormir, voilà une bien curieuse façon d'exister. « Affaire Matzneff » toujours... Dans Le Point bon papier de Michka Assayas. Il fut lui « victime » d'une « prédatrice » à l'âge de 14 ans. Son avis est nuancé, démoralisateur et pour tout dire un peu intelligent (si cela veut encore dire quelque chose) : « Dans nos sociétés qui fustigent tout ce qui est immoral, l'amour demeure une valeur positive dont chacun n'est censé penser que du bien alors qu'il provoque des ravages effrayants. Si j'ai lu avec une certaine fascination maladive Gabriel Matzneff, c'est parce qu'il a placé l'obsession amoureuse, dans son cas, pathologique, au cœur de ses écrits avec un accent de vérité qui ne trompait pas. Il m'a enseigné, avant que je vive moi-même des passions, quel être au mieux ridicule, au pire destructeur, celles-ci peuvent faire de vous.
L'emprise d'un adulte sur un adolescent ou une adolescente est sans doute une chose bien trouble à laquelle, heureusement, la loi fixe des limites. Quant à moi, qui ne suis ni juge ni justicier, et encore moins confesseur, je ne suis jamais arrivé, question sans doute de caractère, à me mettre dans la position de "pardonner" ou "ne pas pardonner". »

18 janvier 2020.- Des nuages, un peu de soleil et une température en baisse (7°C). Le bouquin de Liberati. est snobinard, très poseur on réprime quelques bâillements, les visites à Carla Sarkozy n'ont rien pour elles, Eva Ionesco déboule à tout bout de champ, mais curieusement l'ensemble n'est pas si mauvais que ça. Les « mythologies » de l'auteur – les dérélictions fin de siècle, le Palace de la « grande époque » ou Keneth Anger – tout cela est très amusant et puis, surtout, il y a un certain goût et le goût c'est parfois beaucoup.
Autrement chez Galey. Mars 1970 la chevelure de Robbe-Grillet pousse, drue, crépue. Il ressemble à une George Sand moustachue. Sept mois plus tard en octobre : « c'est une femme à barbe ».

19 janvier 2020.- Ciel dégagé, vent glacial (5°C). Mon voisin du dessus a remis ça. Il a ressorti sa guitare sommaire, et de surcroît, à présent  il chante à tue-tête ! L'hiver là, mes fenêtres adroitement fermées, ses sourdes mélopées sont encore supportables, mais qu'en sera-t-il au retour des beaux jours ?
Fini le recueil de Libérati, parfois croquignolet (une rencontre avec Jean Pierre Léaud), parfois presque émouvant (le portrait d'Edwige Belmore, le souvenir de quelques morts), souvent distrayant (je ne sais pas si c'est une vraie qualité).

21 janvier 2020.- Froideur (3°C). Le labeur m’asséchant le cogito mes déploiements syntaxiques sont de plus en plus saisis par un vide qui s'il n'est pas encore vraiment pélagique vise tout de même l'abîme. Plus malin que moi Paul Valéry tournicotant autour de la politique : « Pamphlétaires, orateurs, violents, forcenés qui vociférez, dites, ne sentez-vous jamais que tout homme qui crie est sur le point de faire semblant de crier ?».

23 janvier 2020.- Ciel bleu, mais gelé (1°C). Toujours dans le Journal de Galey (oui je sais, c'est lassant). En avril 1970, il visite les États-Unis, New York, Tallahassee, Atlanta, Chicago… A San Francisco, ville à collines comme Rome ou Lisbonne, il est ravi par la topographie et l'architecture. Ces faux cottages anglais accrochés sur des pentes vertigineuses, un « décor de scenic railway », mais il est horripilé par la population : « un horrible mélange de Jaunes, de Noirs, d'Hawaïens ; de Blancs, de Philippins, etc. ». Des hippies, barbe et moustache, fier de leur saleté et apôtres de la paix font peur la nuit tombée : « plus hébétés que méditatifs.(Et) ils vous disent bonjour avec les doigts en V ». Bref Galey à San Francisco c'est un peu Morand (enfin le pire en bien de Morand, celui qui hait le mélange, le non rectiligne, le sybarite vaguement crasseux).

24 janvier 2020.- Brume et pluie légère (7°C). Preuve que tout est décidément dans tout, le Journal de Julien Green est aussi dans le Journal de Mathieu Galey : « Lu le Journal de Green. Quand on connaît un peu les clés, les noms des gens, on s'aperçoit que c'est tout simplement une petite société de tantes distinguées, et rien de plus. (Même Gide, Cocteau, Breitbach, Bérard, Tchelichev, etc. tous "en sont ") »

25 janvier 2020.- Nuages, me semble-t-il (11°C). Bonne pioche, contre un modeste pécule, deux euros, acquis La Poule pond, courte oeuvre posthume de Michel Ohl. C'est capricant, plein d'acrobaties lexicales, de courts récits pataphysiques noyés dans la vodka et d’aphorismes tourneboulés. Michel Ohl est plus qu'un « fou littéraire », un « tiré à part » destiné à l'heureux petit nombre : : « On sabrait des bouteilles, mais il en jaillissait du sang d'enfant décapité en plein viol... » ou encore : « l'époux ricane, l'amant paie/ les pourris canent, l'âme en paix ».
Dans le Journal de Galey ce ne sont que cols du fémur cassés, corps gris et vieilli, trépas divers et variés… Les années 70 commencent, tout est de plus en plus saumâtre et ce ne sont pas les affaires sexuelles de l'auteur ou la combinazione autour des prix littéraires qui nous feront sautiller plus que ça (mon nous est un nous de majesté déchue).

27 janvier 2020.- Pluie (10°C). Grosse fatigue. Chez Michel Ohl : « Plus on a envie de se suicider, plus on aime le flan au caramel ». Nothing else.

28 janvier 2020.- Petite brise, pluie légère (4°C). Le prudent chez Valéry : « … Allonger une patte, une branche, un tentacule, pédoncule, hasarder un œil, puis tout le regard. Oser un mot, une allusion, puis le tout.
Se mouvoir de sorte que le mouvement soit longtemps niable. »
Rien (ou presque) : Qui n’a pas envie de mourir au moins trois fois par jour ne mérite pas vraiment de vivre.

30 janvier 2020.- Averses (8°C). Chez Galey Blondin se fracture le crâne. Une mauvaise chute consécutive à une ivresse non passagère, un coup de rouleaux à pâtisserie sur la cafetière asséné par son irascible épouse ? Les débats sont ouverts...
Je ne dirai rien sur la nouvelle affaire Polanski, les risques sont trop grands.


To be continued.


Aucun commentaire: