jeudi 23 mai 2019

New Order ‎– Ceremony (1981)



Je retrousse mon jean à hauteur de chevilles, laissant sournoisement apparaître une paire de chaussettes noires prolongées par d’assez peu reluisantes Doc Martens en peau retournée marron. Je porte cette petite veste cintrée bleue électrique avec des épaulettes qui laissent croire que je pratique la profession peu usitée de groom saturé post atomique dans un hôtel désaturé. Rue de la République non loin de la FNAC j’achète un paquet de Pall-Mall sans filtre. Le paquet souple et très rouge tranche superbement en dépassant nonchalamment de la poche de ma veste tellement bleue IKB. Sur cette veste facilement colorée, j’ai accroché un badge verdâtre de New Order reprenant les couleurs, la typographie de Ceremony le premier EP à s’être échappé de chez Factory Records après la mort de Ian Curtis. Plus loin, rue Mercière, au milieu des affiches lacérées, je croise G. Nous discutons un moment avec les filles de petite vertu du coin. G fume des Camel, les filles rigolent… Un peu plus tard devant la vitrine de S.. (Le nom m’échappe) au moment même où nous regardons avec convoitise un tee-shirt des Stranglers, un skinhead vient nous chercher des noises. Le pauvre garçon, une boule de haine bondissante, nous traite de pédales, de bougnoules en vestes bleues, de mods ! J’essaye de dulcifier le dialogue, mais peu finement G crache à la gueule du tondu qui bientôt sort un pistolet à eau plein d’un liquide incertain. Un peu inquiets rapport à la nature de ce liquide ( en fait de l’urine !) nous détalons derechef le débile à nos basques. Après une course peu commune qui nous voit traverser à toute berzingue la place des Terreaux, nous semons le monospore raz du tif dès les premières pentes de la Croix Rousse atteintes (il faut bien dire que le pistolero tondu est généralement peu sportif en plus de nazillon.) Pour nous remettre de nos émotions, nous achetons une commune Jeanlain chez le premier arabe du coin et redescendons vers les quais de Saône en devisant doctement sur les mérites comparés d’Echo and the Bunnymen et de Killing Joke. Plus tard le Pont Bonaparte traversé, G roule un petit joint dans une pissotière voisine de la cathédrale St Jean, petit joint que nous allons gaillardement mégoter sur le quai devant le palais de justice. Après avoir balancé deux trois cailloux sur les péniches qui passent, nous remontons dans la circulation... vers le monde... de ventrus nuages sombres trouent le bleu pâle, l’orage guette. À présent je porte des pantalons souples et marron, je me chausse de fonctionnelles baskets avec des rayures orange, sans chaussettes. Je ne fume plus rien depuis longtemps. La rue Mercière n’est plus qu’une accumulation de « bouchons » vulgaires et faussement locaux. Il n’y a plus de prostituées elles se sont déplacées plus loin derrière la patinoire, elles ne parlent plus la langue du pays, ce qui ne favorise pas les discussions. La place des Terreaux à été relookée par Jean Nouvel, il n’y a plus de pissotière et le parvis de la cathédrale Saint-Jean est envahi par une triste cohorte de « Punks à chiens ». Sur le quai devant l’ancien palais de justice il y a maintenant un parking. On a jugé Klaus Barbie, mais il y a toujours des skinheads. G la dernière fois que je l’ai vu, était quasi chauve et père de trois enfants. L’orage journalier s’annonce.


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