« Nous ne parlons aucune langue, / nous ne sommes d’aucun pays, / notre terre c’est ce qui tangue / notre havre c’est le roulis. » (Benjamin Fondane, Le mal des fantômes)
1.
21 février 2016.- Soleil, curieuse douceur (17°C) Le temps étant au beau fixe j'ai hasardé mon museau dans les extérieurs. Bien m'en a pris puisqu'en dehors d'une belle douceur l'air était chargé de senteurs pour ainsi dire printanières. Après une courte promenade d'obédience walserienne j'ai arrosé les quelques unes de mes fleurs qui auront survécu à un hiver finalement peu rigoureux puis j'ai rouvert le journal de Maurice Garçon. L'hiver était soudain là et même en été. Il faut dire qu'en juin 1941 l'Allemagne envahit un peu la Russie et brise le sinistre pacte que vous connaissez tous. On connaît la suite, elle n'a rien de tropical. Fini l’après-midi avec Sebald et Grünewald, compagnie un peu crispée, mais bonne compagnie tout de même.
Le 18 mai, jour où la nouvelle
lui parvint, Grünewald
ne sortit plus de chez lui.
Mais il entendit le bruit des yeux
qu’encore longtemps on continua de crever
entre le lac de Constance
et la forêt de Thuringe.
Des semaines durant, en ces temps-là,
il porta un bandeau noir
sur le visage.
22 février 2016.- Averses (12°C). Le labeur me laissant très peu de temps de cerveau disponible aujourd'hui je me suis contenté de quelques fragments picorés ici ou là. Une chronique du freluquet Philippe Sollers, une autre de Bernard Frank, un texte de Philippe Jaccottet, un « poème élémentaire » de Sebald. En somme que du disparate oscillant du dispensable au conséquent. Je vous laisse deviner qui auront été les dispensables et les conséquents.
25 février 2016.- Nuages gris acier. La température baisse, les quelques velléités printanières d'il y a quelques jours auront donc été trompeuses (5°C). La désoccupation étant l'une de mes non-activités favorites, il est bien possible que je n'aie vraiment rien pour moi et encore moins pour vous . Nonobstant, lu quelques pensées de Joseph Joubert (il a beaucoup pour lui). Ce mot tout simple et définitif sur la critique : « Que de gens en littérature, ont l'oreille juste, et chantent faux ! ». Cet autre mot : « le bon jugement en littérature est une faculté très lente, et qui n'atteint que fort tard le dernier point de son accroissement ».
Voilà, ce sera tout pour aujourd'hui.
26 février 2016.- Beau temps frais (6°C). J'entame les Scènes de la vie future de Georges Duhamel. Le volume que j'avais acquis il y a quelques mois chez un bouquiniste inconscient pour la modique somme de 5 € est agrémenté de magnifiques bois originaux de Guy Dollian. L'achevé d'imprimer date de juillet 1935 (sur les presses de Louis Bellenand et Fils à Fontenay-Aux-Roses) et j’imagine cette lecture d'ores et déjà très bien. Duhamel malgré d'indéniables arpents désuets est souvent très bien. Dans scènes de la vie future il parle de l'Amérique du Nord avec les mots de son époque, ceux d'un homme un peu effrayé par le modernisme, le délire hygiéniste, d'un « Nouveau Monde » qui semble ne pas lui vouloir que du bien.
27 février 2016.- Grisaille marmoréenne (8°C). On comprend aisément pourquoi Hergé et Louis Ferdinand Céline auront puisé dans les Scènes de la vie future, s'agissant du « Nouveau monde » c'est une mine à pages ouvertes et les deux loustics n'avaient qu'a ouvrir un peu les yeux pour récolter du croquignolet voire du conséquent, ils ne s'en sont pas privés et il suffit de relire un peu Tintin en Amérique ou le Voyage pour s'en rendre compte sans trop d'effort. Pour le reste, Duhamel parle du cinéma comme s'il parlait d'une rainette gluante qui veut se faire plus grosse qu'elle n'est (ce qui a tout pour me réjouir). Il croise quelques Américaines toutes en jambes, des jambes tellement galbées qu'elles semblent avoir été faites en série. Pendant ce temps-là, un nègre crache sur une pomme puis il l’astique avec un linge de laine. La visite des abattoirs de Chicago qui vient ensuite est un peu plus tragique. Pour tout dire, elle vous donne des frissons dans le dos tout en vous piquant le creux de l’épigastre. Les bêtes sont assassinées méthodiquement, on les accroche à une chaîne, elles pendent tête-bêche et hurlent en chœur, voilà le tueur : « C'est un nègre athlétique. Il porte une salopette gluante de sang jusqu'aux aisselles. Il tient, dans sa main droite, un solide coutelas. Il est seul sur une estrade, comme un acteur. La chaîne passe devant lui et présente à bonne hauteur les cochons que leur poids rend presque inertes. Alors, d'un geste calme et sûr, le nègre leur enfonce le coutelas dans la gorge. Aucune hésitation, aucune violence. Le fer s'enfonce, sans hâte. Un ruisseau de sang jaillit qui s'unit à d'autres ruisseaux, coule dans les caniveaux du sol et tombe aux étages inférieurs où l'on en fait je ne sais quoi : des aliments, des drogues, des bijoux, des explosifs… » Ces scènes terrifiantes rendraient végétarien l'amateur de viande qui ne demandait rien si ce n'est de déguster un bon steak en paix. Presque cent ans plus tard voilà un vrai tour de force. Les « sanglants abattoirs de Chicago » derrière lui Duhamel descend jusqu'à la Nouvelle-Orléans. Là il constate la « séparation des races », elle ne le gêne pas plus que ça, mais il reste un humaniste qui se pose des questions. Évidemment cet humaniste thirties qui se pose des questions ne passe plus la rampe aujourd'hui. Il faut dire que son ton paternaliste et ses interrogations sur les anthropoïdes tout en nuque et en mandibules, ne font rien pour lui…
P.-S. Duhamel visite le Tuskegee Institute, cette université réservée aux noirs n'a pas beaucoup bougé depuis que Jules Huret l'avait visitée en 1904. Il me semble avoir déjà parlé ici de Jules Huret et ses voyages en Amérique, disons que c'est un proto Duhamel en puissance…
28 février 2016.- Des nuages, plus de lumière, un faux soleil (10°C). Journée molle, pleine de lymphatisme triomphant, avec pour seul témoin mon canapé, mon plus fidèle compagnon. Toujours dans le Journal de Maurice Garçon. On fusille quelques communistes au débotté, la guillotine fonctionne très bien et Garçon est courroucé par une justice qui n'est plus que l'ectoplasme de ce qu'elle fut.
29 février 2016.- Froideur (4°C). Marcel Schwob n'était pas le dernier des godelureaux venus. Dès l’adolescence il pratique le sanskrit, l’argot du moyen âge et un petit troupeau de langues mortes ou vivantes. Cela ne l’empêche pas de rater un tantinet ses études. Il capote le concours d'entrée à l'École normale supérieure, manque l’agrégation. Le voilà échoué sur les récifs du journalisme et de la critique littéraire avec tout ce qu’il sait le bougre, c’est bien vain ! Avec sa tête blême et presque bizarre, il fait le zig dans les journaux (il défend Stevenson et découvre Jarry), trainouille dans le monde littéraire ; on le voit chez les Goncourts, Gide lui tourne autour (et lui volera beaucoup), il fait la nouba avec Jean Lorrain et un Anglais bizarre nommé Oscar Wilde. Tout cela, la critique littéraire, la nouba, ne l’empêche pas de poursuivre en parallèle un chemin plus adhérent avec lui-même. Il publie un premier recueil Spicilège où il parle de François Villon, de la coquille et en règle générale des criminels blafards. La discrète machine littéraire est en route… Suivront deux trois choses avant les Vies Imaginaires qui devraient m’occuper (je m’égare c’est une manie) notamment un voyage dans les mers du Sud dans les traces de Stevenson et un mariage avec l’actrice Marguerite Moreno de chez Guitry vous voyez Le Roman d’un Tricheur la comtesse évaporée c’est elle.
Bon voila pour le factuel, recadrons les débats ! Les vies imaginaires, l'érudition de Schwob, le style de Schwob, les obsessions de Schwob ? S'agissant de l'érudition il est évident qu'elle n'est qu'un socle déclenchant où il puise pour mieux composer sa petite musique chimérique. Voilà donc qu’à partir d'immenses savoirs acquis (chez les grecs, Defoe et de sombres Anglo-saxons…) il monte une sauce où l’imaginaire se révèle être l’ingrédient cardinal lui permettant de contourner le vrai pour trouver la vérité de ses sujets. (Empédocle, Pocahontas, Paolo Uccello et une cohorte d’imaginés merveilleux autant d'écumeurs de routes, de bandits et d’ assassins, de jeunes filles enlaidies et de gentilshommes de fortune.) S'agissant du style on pourrait dire qu'il est clinique et au cordeau avec un petit côté scalpel ontologique. Rien de naturaliste cependant et presque rien des feux follets symbolistes de l’époque. Disons que la phrase de Schwob distille un charme tout autant obscur que sec qui n'est pas sans rapport avec la fascination tous azimuts que ce dernier éprouve pour les corps divers et variés. Et nous voilà donc du côté des obsessions…. Obsessions pour les corps vivants, encore plus pour les corps mutilés ou morts, pendus et noirs au bout d’une corde, se liquéfiant presque déjà dans un début de putréfaction… En dehors de ces réjouissances un brin mortifères on notera la prédilection bienveillante que Schwob éprouve pour les exclus et les errants, pour cette sourde famille en dehors de toute organisation sociale et de toute préoccupation matérielle. Il finira mort assez jeune en « aventurier passif » et sa descendance littéraire ne finira plus d’enfler de Borges à Pierre Michon en passant par l’azimuté Artaud et son Uccello à lui.
1 mars 2016.- Vague soleil avec pas grand-chose pour lui (8°C) Grand retour du monde. J'ai beau être désengagé des obligations politiques comme on pouvait être désengagé des obligations militaires ce gouvernement qui n'a de socialiste que le nom commence sérieusement à me courir sur le haricot. C'est bien simple depuis Guy Mollet je n'avais pas éprouvé cette rage qu'éprouve le cocufié devant le réel qui le cogne avec de petits coups pervers. Par ailleurs retour dans les Cahiers de Cioran, les pensées de Joubert, le Journal de Garçon. Nothin else.
3 mars 2016.- Fourbes giboulées neigeuses (1°C->6°C). Journée maussade et semblable à un attentat mal réussi, jusqu'à ce que j'ouvre les Petits textes poétiques de Robert Walser qui sont toujours pleins d’allégresse et de mots voltigeant dans la lumière. Walser est un très bon anxiolytique « Le ciel est au-dessus de moi. Tant que je vivrai, je ne perdrai pas l'habitude d'élever mon regard ver lui. J'ai les pieds sur la terre : elle est mon point d'appui. Les heures plaisantent avec moi, et moi avec elles, je ne saurais imaginer plus précieux commerce… »
4 mars 2016.- Bourrasques et averses (9°C) Humeur à l'image de la météo : fluctuante. Assez bon feuilleton de Chevillard dans le Monde des Livres. Il parle de Jean Zéboulon, zig dont j'ignorais tout, avec des mots que je pourrais tamponner si j'avais encore de force dans les bras : « le mot n'a pas seulement une fonction pratique évidente, il est aussi un hommage et un soin, un baptême, la marque de l'attention particulière que l'homme porte à chaque phénomène de ce monde, grâce à quoi un ordre se fait jour et même une harmonie parfois dans le chaos de l’indétermination. Il est donc périlleux, voire criminel, d'user de mots avec négligence. Qui maltraite la langue se livre à un saccage, un carnage, à bien d'autres ravages… » ou encore : « … on commence par supprimer les accents circonflexes, on nous demandera bientôt de nous raser les sourcils, bien inutiles eux aussi et qui complexifient sans raison la candide figure humaine, cette bonne bouille de crétin inexpressif… ».
À l'alternat, je chemine dans les Petits textes poétiques de Robert Walser, l'enchantement est là. Walser est certainement le seul écrivain dont je peux dire que j'aime toutes les idées, toutes les phrases, tous les mots, tous les points, toutes les virgules et tirets. C'est un frère.
5 mars 2016.- Ciel de mars, ciel changeant (10°C) Avant le gel, Wallander épisode 10. L'entame est molle et presque ennuyeuse. On sent que Mankell est un peu saisi par la tentation du roman-roman, qu'il oublie ses histoires criminelles boréales et s’imagine plus conséquent qu'il ne se trouve être. Après moult considérations à demi voilées sur l'âge, le temps qui passe et la filiation, le livre démarre vraiment aux alentours de la page 100. On brûle vives des bestioles qui ne demandaient rien à personne, une jeune fille disparaît. Linda Wallander mène l’enquête en sourdine, elle prend le relais d'un père qui grossissant en devient invisible.
Par ailleurs, je bois un délicieux thé indien tout en poursuivant les petits textes de l'ami Walser. Le labeur est bien loin…
6 mars 2016.- Une éclaircie miraculeuse au milieu d'une patibulaire troupe de nuages gris tragiques. En somme, rien de bien réjouissant (6°C). Dans Avant le gel Mankell semble vouloir liquider Kurt Wallander. Il n'est plus qu'une sorte de vieux morse fatigué que l'on voit passer dans le fond d'une intrigue un peu poussive. Pour tout dire, on s'ennuie.
8 mars 2016.- Flocons épars (-2/4°C). Still in Robert Walser stories. Enchantment, bouncy sentences, what more ? Per il resto dell'inverno inizia quando sarebbe finita.
11 mars 2016.- Quelques promesses de printemps montent dans l'air, nous y voilà presque (12°C) Un chapitre d'Henning Mankell , deux histoires de Robert Walser. Chèvre et choux, carpe et lapin. Entre les deux, rien de commun. Quelques flocons de neige peut-être, parfois ?
12 mars 2016.- Ciel gris-jaune, rien pour lui (11°C). Jim Jones, massacre de Guyana, roman familial Scanie et bestioles sacrifiées. Avant le gel est un « page turner » un peu mollasson dans lequel on chemine cahin-caha, sans vrai déplaisir, mais sans grand enthousiasme non plus. Pour tout dire, il donne l'impression d'avoir été écrit par un Mankell qui se piquerait de « vraie » littérature et qui oublierait ses anciennes petites histoires criminelles. Évidemment, l'erreur est fatale.
Par ailleurs toujours dans les petits textes d'un Robert Walser, toujours sautillant et ne se reniant jamais.
13 mars 2016.- Trois éclaircies, un petit vent aigrelet, rien de vraiment réjouissant (10°C). Toujours embourbé dans Avant le gel. L’intrigue avance à petits coups de suspens infinitésimaux, les fins de chapitres sont suspendues comme autant de cliffhangers mollassons. On sent que le cuistot s'ennuie un peu en cuisine.
14 mars 2016.- Beau temps (13°C). Le soleil est une étoile qui tombe de l'azur et s’arrête aux bords de mon petit intérieur pour mieux briller dans mes rideaux . À tout bien réfléchir, cela n'est pas rien et pourrait presque expliquer ma présence en ce bas monde. Le printemps bientôt là je vais donc rester frémissant tout en espérant constater la présence d'un nouveau soleil tous les jours.
15 mars 2016.- Journée pleine d’appétence printanière. Cela ne va pas durer puisque je vois d'ores et déjà quelques lourds nuages se lever sur l'horizon (13°C). Pour Cioran être objectif n'était pas être impartial, c'était traiter l'autre en objet , il en était incapable. Voilà peut-être pourquoi il n'écrivait presque jamais sur quelqu'un d'autre que lui-même : « Je traite l'autre comme si cet autre était moi-même. Dès lors, pourquoi écrire une étude ou une préface ? Pourquoi mentir ? »
17 mars 2016.- Journée ensoleillée (14°C). Lever 6H00. Soulevé soixante téléviseurs, quatre cinq lave-linges à la bonne franquette, deux trois réfrigérateurs au débotté. Voilà un labeur passionnant qui n'a rien d'extraordinaire pour le souleveur de choses manufacturées, c'est son petit train-train quotidien. Back home, sieste puis quelques Pensées de Joubert, un chapitre de Mankell (deux églises brûlées et un cadavre au cou tordu).
18 mars 2016.- Soleil (16°C). Fait mes vitres. Arrosé plantes et fleurs. Je me prépare à l’arrivée du printemps avec tout le professionnalisme requis. Encore chez Mankell, deux chapitres où Kurt Wallender réapparaît un petit peu, ce n'est pas plus mal. Toujours dans les Cahiers de Cioran : « Ma passion du raccourci m'empêche d'écrire, puisqu’écrire, c'est développer ». Je ne développerai pas.
19 mars 2016.- Ciel quasi douceur (17°C). Tel l'ours sortant d'une longue sieste hivernale, j'ai hasardé mon museau dans les extérieurs. Bien m'en a pris, l'air était doux, les oiseaux gazouillaient et j'ai pu finir la lecture d’Avant le gel (de Mankell) face au soleil. La dernière partie est mieux que les premières, plus polareuse avec davantage de suspens et moins de tentation littéraire dans le sens de la blancheur. Demain on annonce une météo moins favorable, mais j'entamerai tout de même Il est avantageux d'avoir où aller, un recueil des meilleurs articles d'Emmanuel Carrère, certains de mes informateurs m'en disent le plus grand bien.
20 mars 2016.- Brouillard et frimas, après les belles promesses d’hier cette première journée du printemps n'aura vraiment rien eu pour elle (7°C) Emmanuel Carrère n'a plus écrit de fiction depuis La classe de neige en 1995 . Je ne pense pas que cela soit un problème, qu'il soit devenu moins écrivain en abandonnant ainsi le roman-roman et ses succédanés. Dans Il est avantageux d'avoir où aller, ce recueil que j'ai entamé pas plus tard qu'aujourd’hui, il m'a tout l'air d'être encore tout à fait écrivain. Il s'agit pourtant de « reportages », de choses journalistiques, mais la patte est là. Trois faits divers terribles surplombés par un regard chrétien. Les Carpates, la maison du peuple du petit père Ceausescu, la révolution roumaine et ses suites déglinguées… Pour l'instant, que du bon.
21 mars 2016.- Soleil voilé, bise et fraîcheur (12°C) Irrésistible retour de ma voisine bricoleuse. Malgré le chambard et la symphonie concomitante engendrée par une troupe de scies et marteaux j'ai tout de même poursuivi la lecture du recueil d’Emmanuel Carrère. C'est un bon livre qui pourrait ressembler à un condensé de ce qu'il y de mieux chez lui (le terrifiant Jean Claude Romand, la campagne russe, Alan Turing et Philip K Dick, deux trois belles considérations sur Balzac et Daniel Defoe…) . Un condensé à partir de matrices, en somme… Je n'en dirais pas plus, le bruit du voisinage étant ce qu'il se trouve être, je ne peux pas me concentrer plus que ça.
22 mars 2016.- Beau temps un peu frais (13 °C) Labeur nocturne. Longue sieste réparatrice face au soleil. Dans mon presque sommeil ce sentiment toujours prégnant d'être l'un des éléments de l'univers, un élément obsolescent, mais un élément tout de même. Petit nirvana panthéiste. Malheureusement à mon réveil, plus d'univers, un Monde bien triste à la place (massacres à Bruxelles, encore trente morts, on se demande bien pourquoi?) Malgré tout il faut toujours faire aller et j'ai fait aller en retournant chez Emmanuel Carrère. En dehors de deux trois scories, une chose glutineuse sur les « femmes fontaines », son livre est formidable et quoiqu'on en dise souvent émouvant. Je pense à ce papier, aux ravages du Tsunami, aux rivages du Skri Lanka, à cette petite fille morte que l'on va incinérer, à la dignité de ses parents, à la dignité de Carrère. Autant de dignités qui pourraient faire monter quelques discrètes larmes au lecteur, ce n'est pas rien.
25 mars 2016.- Ciel changeant (13°C). Mort de Johan Cruyff, héros d'enfance et premier footballeur moderne (le seul?). Tristesse.
Ce journal de lecture étant un échec je pense écrire un Journal de non lecture que je commencerai en évoquant l'être et le néant de qui vous savez.
Sempre in piccoli testi poetici di Robert Walser. Splendida leggerezza
26 mars 2016.- Soleil et douceur, journée printanière (19°C). En dehors de leur inventeur Bernard Frank qui se trouve être l'un de mes bienheureux amis, je me suis longtemps méfié des « hussards ». À tort ou à raison, je ne sais pas. En tous les cas, je dois dire que les romans de Blondin ne m’ont jamais réussi (j'aime un peu ses chroniques sportives) que Nimier ne m'a jamais enthousiasmé (je lui ai toujours trouvé un côté amidonné caché sous la désinvolture) et qu'en dehors de quelques chroniques (et de Caroline) je n'ai presque rien lu de Jacques Laurent. Reste Michel Déon que j'ai toujours regardé de loin, et non de haut, le pensant plutôt réservé aux lecteurs du Figaro Magazine qu'à moi-même. C'était certainement une erreur, Déon est peut-être le hussard avec lequel j'ai potentiellement le plus de points d'accroches possible (hédonisme, désinvolture non amidonnée, amour des îles…). C'est ce que m'a confirmé Emmanuel Carrère, qui dans Il est avantageux d'avoir où aller fait un bel éloge de Déon, racontant son « amour fluctuant », mais toujours présent, pour un écrivain qui l'accompagne depuis bientôt quarante ans. Comme il m'arrive d'être prompt sur mes envies de lecture, j'ai d'ores et déjà fait l'acquisition de deux Déon ( Les poneys sauvages et Je vous écris d'Italie), j'espère ne pas être déçu.
Par ailleurs, et en dehors de Déon et des hussards, dans ses chroniques Carrère se balade encore beaucoup en Russie (celle des longues jeunes filles blondes et des oligarques post-soviétiques), il raconte le Forum de Davos (Christophe de Margerie passe dans le fond), envoie une lettre d'amoureux déçu à Renaud Camus, interview très mal Catherine Deneuve… Il y « La vie de Julie » un long article consacré au travail de la photographe Darcy Padilla (une « artiste » qui n'oublie pas son modèle). Dignité, sobriété, empathie… Beau papier qui se fiche de savoir s'il est de la littérature ou pas. L'émotion est là, elle ne redescend pas si facilement que ça.
P.-S. S'agissant des hussards j'ai peut être oublié le parfois excellent Kléber Haedens qui est limitrophe et afférant, j'ai aussi oublié le Pluche de Dutourd, c'est un tord…
27 mars 2016.- Pluie et fraîcheur , quelques belles éclaircies en fin d'après-midi (12°C) L'Homme-dé de Luke Rhinehart est dans ma pile de livres à lire depuis bientôt deux ans. Deux ans c'est beaucoup, je me méfie toujours des « lires cultes » et celui-ci en est indubitablement un. Peut-être que Carrère aura eu raison de ma méfiance. Dans son spicilège que j'ai fini cet après-midi, il fait un bel éloge de l'Homme-dé. Il rencontre même son auteur, le palpable George Cockcroft, l'inventeur du cultissime Luke Rhinehart, un bon gars pas plus compliqué que ça. L'article est très bien, de la critique littéraire en immersion, comme si c'était possible.
Pour rester dans la non-fiction, j'entame Les Années anglaises de Canetti, un fond de tiroir qui me semble d'ores et déjà épatant.
To be continued
To be continued
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