«
Je ne suis rien. Je ne serai jamais rien. Je ne peux vouloir être
rien. A part ça, je porte en moi tous les rêves du monde. »
(Fernando Pessoa, Bureau
de tabac)
1.
27
août 2015. Tiédeur, du vent (32°C). « On ne dit rien
de neuf. On ne pense rien de neuf. Les mêmes conversations
reviennent toujours. On sait déjà ce qu'on va répondre. Je me
déplais à moi-même en voyant le petit cercle de pensées dans
lequel je tourne. C'est de quoi se prendre en guignon, et je conçois
qu'on peut former la résolution de ne plus proférer une parole. »
(Charles-Joseph de Ligne)
28
août 2015.- Tuante tiédeur d’août (32°C). Les mots ne se
détachent plus de moi, ils me tournent à l'intérieur comme
tournerait un mauvais vinaigre, pesante situation. Vu un film :
Mission Impossible- Rogue Nation. Le scientologue est
sautillant, la fille est bien, la scène de l'opéra aussi. Je me
suis un peu endormi. Alec Baldwin ressemble un peu au Georges
Pompidou finissant (c'est un compliment). Christine Angot et Toni
Morrison au menu du Monde des Livres, je me suis encore
endormi pour me réveiller un peu devant la chronique de Chevillard
qui commence plutôt bien : « Passé 40 ans, l'homme
éprouve le besoin de rassurer sa libido inquiète en séduisant des
femmes beaucoup plus jeunes que lui, qui pourraient être ses filles,
comme on dit, à cette différence près qu'il ne déteste pas les
voir mettre un peu de désordre dans leur chambre… »
29
août 2015.- Grande chaleur (35°C). L'été finit mal. On a
trucidé une femme à grands coups de couteaux devant l'une des
portes de mon labeur. Drame conjugal, un mari jaloux, les histoires
d'amour finissent parfois ainsi. Trop accaparé par les tâches
ménagères, le jardinage et le sport à la télévision, je lis de
moins en moins. Aujourd'hui une cinquantaine de pages de Max Blecher,
l'écrivain des chaises cassées empilées en fond de remise, des
lampes de poche sous les draps, de la boue suintante entre les
doigts. Son « héros », son aventurier de l'irréalité
immédiate voudrait en finir, mettre fin à tout, laisser derrière
lui un monde trempé et laid où il pleut doucement. Tout cela n'est
pas très réjouissant, il faut bien l'avouer.
30
août 2015.- Tiédeur, ciel KB (33°C). Journée molle et
indécise : narcolepsie tenace. Fini les Aventures dans
l'irréalité immédiate de Max Blecher, belle découverte que
j'approfondirais en lisant Cœurs cicatrisés l'autre roman de
ce Roumain malaisé : « Seuls les timides on
besoin de courage pour accomplir leurs actions, les hommes normaux,
les forts, n'ont ni courage ni lâcheté, ils ouvrent les portes
simplement, comme ça… »
Entamé les Grandes largeurs de Calet. Ballade parisienne. Fargue et Giraudoux sont morts, Calet est assez désenchanté, il regarde le passé de biais, la tête joliment inclinée la mélancolie monte toujours un peu mieux : « À partir de l'Alma, il semble que l'on accède à une autre ville : les autos sont plus brillantes que chez nous. Les bâtisses sont plus belles, les femmes aussi (on ferait bien une prisonnière) ».
Entamé les Grandes largeurs de Calet. Ballade parisienne. Fargue et Giraudoux sont morts, Calet est assez désenchanté, il regarde le passé de biais, la tête joliment inclinée la mélancolie monte toujours un peu mieux : « À partir de l'Alma, il semble que l'on accède à une autre ville : les autos sont plus brillantes que chez nous. Les bâtisses sont plus belles, les femmes aussi (on ferait bien une prisonnière) ».
31
août 2015.- Moiteur indécente (34°C). Mon carrelage est sale,
le petit personnel s’est suicidé. Je rêve « à la suisse »
tout en regardant le plafond. Cet été torride fut lassant comme un
feu d'artifice qui s’éternise. Or chacun sait qu'à
l’émerveillement succède souvent la lassitude. Je n'ai rien lu
aujourd’hui.
1
septembre 2015.- Queue d'orage, baisse sensible des températures
(21°C). Lu quelques articles et interviews au débotté, en dehors
de Martin Amis (sur Auschwitz) dans le Magazine Litteraire,
rien de bien notable.
3
septembre 2015.- Nuages, nuages, nuages… (23°C) Humeur
maussade et teintes automnales. On nous aura assommé la conscience
toute la journée avec la photographie d'un gamin syrien noyé sur
une plage turque. Rien lu, ou presque.
4
septembre 2015.- Ciel changeant (22°C). Retour dans les Grandes
largeurs d'Henri Calet. Pittoresque du Paris du premier vingtième
siècle, une ville qui n'existe plus vraiment. Malice émerveillée
de Calet devant une infime somme de détails tout à fait
réjouissants … Demain j'entamerai certainement le livre de Simon
Liberati, avec un peu de méfiance, je dois bien l'avouer.
5
septembre 2015.- Temps maussade, fraîcheur (18°C) Eva de
Simon Liberati. Quelques facilités d'homme amoureux, mais quelques
belles volutes tout de même. Des souvenirs venimeux qui remontent :
le Palace, Edwige Belmore, Alain Pacadis ou Yves Adrien. Folklore de
la drogue, du sexe plus ou moins déviant, folklore d'une époque qui
nous importe assez (la « fracture » 70/80), Littérature
aussi : Nerval sans lampadaire, Baudelaire sans albatros, Breton
dans le sens de Nadja, fétichisme dandy à tous les étages. Pour
l'instant c'est presque un bon livre.
6
septembre 2015.- Nuages et soleillées (22°C). L'enfance d'Eva
Ionesco, petite poupée vivante drôle et sublime aux jambes
écartées, photographiée puis livrée à de curieux amateurs par un
mère artiste par erreur. La drogue, les mœurs des années
soixante-dix finissantes, les petites annonces de Libération,
Facade et Pacadis, le jeune Louboutin et le punk qui monte en
sourdine. Dans sa seconde partie Eva (le livre) devient plus
biographique qu'autobiographique, Liberati s'oublie amoureux pour
mieux se retrouver avec l'histoire de son sujet. On perd certes un
peu en sentiments mais on gagne un peu en information : « …il
fallut la libéralité sans lendemain des mœurs des années 1970,
les paradoxes anti-œdipiens et fouriéristes du second féminisme,
l’expérience du vice acquise à Pigalle quand Irina Ionesco fut
danseuse nue au Tabarin, l’influence sadienne de la dernière
exposition surréaliste et les avancées techniques des Japonais en
matière de boîtier Reflex pour que ce phénomène unique qui eut
pour nom Eva se produise et soit célébré. Il fallait aussi le
génie d’un être, ou plutôt de deux êtres, car si l’impulsion,
le désordre vint d’Irina, il est sûr à mes yeux que
l’inspiration venait d’Eva ; vieille inspiration, vieux
charme nymphique remontant à l’Antiquité païenne, à Pannychis,
à Myrto, à Callirhoé, à Drusilla, dont Toulet dans La Jeune Fille
verte et Nabokov dans Lolita ont eu l’intuition et dont Irina
Ionesco fut le révélateur, en bonne photographe, c’est-à-dire en
bon esprit négatif »
7
septembre 2015.- Du vent, ciel dégagé (22°C). Fini Eva.
Assez aimé. Encore quelques doutes sur Liberati mais il a su ne pas
trahir son sujet tout en nourrissant mon appétit pour une époque
qui m'importe : la fracture 70/80, ma prime jeunesse. (On notera deux
trois belles pages sur quelques zones Parisiennes un poil délaissées,
Montparnasse et la gare Nord, ces premières périphéries où
cheminent pervers, ivrognes et punks à chiens sous le regard
« d'improbables gros touristes naïfs »)
2.
11
septembre 2015.- Vague tiédeur humide (25°C). Retour dans les
Grandes largeurs de Calet. Aux alentours du Trocadéro règne
une atmosphère de fête de vacances. On pourrait se croire dans une
station balnéaire, l'air est doux, balsamique comme si cela était
possible en un tel lieu. Calet est presque heureux, il sautille.
Moins sautillant : Cioran, dans ses cahiers : « Je
vis dans la désolation même quand je n'en ai aucun
motif : quand j'en ai un, Seigneur ! ». Pour ce
qui est de mes futures lectures, je pense entamer un spicilège
d'Édouard Launet, journaliste tout autant scientifique que
sautillant, habitué des moins mauvaises pages de ce qu'est devenu
Libération.
12
septembre 2015.- Pluie continue, baisse des températures (18°C).
Les Grandes largeurs. On a démoli le Luna-Park où Calet s’
égayait bien dans son adolescence, c'est regrettable. Pourquoi
vouloir ainsi détruire nos souvenirs à coup de pioche ? Les
Scenic railways des jeunes années de Calet ne sont plus que du
grain, de la poudre… finalement joli livre. Chez Édouard Launet
(Viande froide, cornichons), on trépasse de toutes les façons
possibles et imaginables : on se jette par les fenêtres,
l'homme mûr se suicide à la perceuse, le plus jeune s'électrocute
ou s'asphyxie volontairement en plein accès autoérotique. Certains
se découpent eux-mêmes à la tronçonneuse d'autres se trucident en
se plantant une multitude de petits coups de couteau à même le
thorax. Au Texas, pays des hydrocarbures, le taux de suicide par arme
à feu est bien élevé. Le Texan dépressif utilise généralement
un revolver qu'il pointe sans trembler vers sa propre tempe, plus
occasionnellement il utilise un fusil qu'il gobe un peu avant de se
tirer une balle dans la bouche : « ceux qui ont
essayé de se foutre une balle de fusil dans la tempe comprendront
pourquoi. ». Bref, tout cela est horriblement drôle et le
livre de Launet est vraiment très bien.
13
septembre 2015.- Nuages et vent (23°C). Viande froide,
cornichons de Launet : litanie tragique qui se transforme
petit à petit en féerie morose. On se tue beaucoup en ce bas monde
et les façons de le faire ne manque pas de croquignolet. Retour dans
L’homme qui a vu l'ours de Jean Rolin. Afrique du Sud et
communisme, ANC et SCALP, les murs tombent en Europe ils vont bientôt
tomber en Afrique australe.
14
septembre 2015.- Fraîcheur et teintes automnales (18°C). Je
suis trouble ces temps-ci, très peu clair et manquant de la plus
élémentaire limpidité. Pour tout dire me voilà embrouillé, d'une
confusion qui oublie ma propre cervelle, comique sans le vouloir,
ridicule surtout. Nonobstant j'ai fait l'acquisition de quelques
volumes de Pierre Bayard. J'apprécie assez son vrai faux sérieux
scientifique au service de bidules et de machins sautillant autour de
la chose littéraire.
16
septembre 2015.- Curieuse tiédeur, vent violent (28°C). Mort de
Guy Béart, hilarité générale sur les « réseaux
sociaux ». Je me fichais un peu de lui, le trouvant très boy
scout et feu de camp, mais il ne méritait certainement pas un tel
tombereau de ricanements. Commencer chez le moins écrivain des
frères Canetti tout en chantant André Hardellet n'est certainement
pas donné à tout le monde…
17
septembre 2015.- Restes tempétueux (20°C). Une queue d'ouragan
tropicale nous est passée au dessus de la tête : il n'y a plus
de saison, il n'y plus de géographie non plus. On me demande
quelques titres de films français des années 70/80 du siècle
dernier. Je sèche un peu, ma cinéphilie est si lointaine. En me
concentrant je me souviens vaguement de Chris Marker et de Sans
Soleil, des sautillements de Luc Moullet, de la Chambre verte
de Truffaut, de la Sale histoire d'Eustache, du Plein de
super de Cavalier. Pour le reste, rien lu ; trop d'humidité,
trop de labeur.
18
septembre 2015.- Belles solleilées (20 °C). Cet après-midi
j'ai dû subir les assauts sonores de l'une de mes voisines
bricoleuse, je ne comprendrais jamais ce besoin non vital qui pousse
quelques sombres loustics à vouloir taper, scier et découper à
tout va alors imaginez quel peut être mon désarrois lorsque le
brouhaha bricoleur se révèle être d'une origine tout à fait
féminine, je suis alors prêt de penser qu'il y a là comme comme
une forme d'abus, que des puissances obscures m'en veulent. Le
bricolage ne devrait être réservé qu'aux seuls hommes; au moins,
eux font quelques poses entre deux coups de disqueuse, ce qui n'est
pas le cas des femmes, croyez-moi!
C'est donc au milieu d'un abominable brouhaha bricoleur féministe que j'ai tenté d'entamer Vie Rêvée la petite somme diariste de Thadée Klossowski (fils de Balthus qui lui aimait les femmes très jeunes et moyennement bricoleuses). Mal m'en a pris puisque je n'ai pas pu lire plus de trois lignes… J'en suis là, deux boules Quies dans les oreilles, mon casque audio par dessus, le volume sonore dans le rouge j'écoute en boucle Chickenshit du fou furieux gallois John Cale. La vie est rude parfois.
C'est donc au milieu d'un abominable brouhaha bricoleur féministe que j'ai tenté d'entamer Vie Rêvée la petite somme diariste de Thadée Klossowski (fils de Balthus qui lui aimait les femmes très jeunes et moyennement bricoleuses). Mal m'en a pris puisque je n'ai pas pu lire plus de trois lignes… J'en suis là, deux boules Quies dans les oreilles, mon casque audio par dessus, le volume sonore dans le rouge j'écoute en boucle Chickenshit du fou furieux gallois John Cale. La vie est rude parfois.
19
septembre 2015.-Temps maussade et frais (17°C). Je lis Vie
rêvée le Journal de Thadée Klossowski. Très potin Proust,
plus gotha que ghetto, globalement germanopratin. On croise un peu
tout le monde : Jacques Chazot et Pierre Bergé, Yves (Saint
Laurent) et Andy (Warhol), Loulou (de la Falaise) et les Beatles, des
filles bien jeunes et de vieux messieurs… La fin des années 60 et
le début des années 70 sont là pas encore les nuits chaudes du
Palace qui viendront plus tard. À l'alternat je lis aussi Fêtes
sanglantes et mauvais goût de Lester Bangs. Comme d'habitude
avec Lester des phrases nauséeuses à l'emporte-pièce, la vie du
bonhomme qui passe, de l'émotion surtout.
21
septembre 2015.- Beau temps dans le genre été tardif (23°C).
Soucis « d'ordre personnel ». Le Journal du fils Balthus
m’ennui terriblement. Je n'y suis pas. Nothing else.
22
septembre 2015.- Temps automnal (17°C). Et voilà que ma voisine
bricoleuse remet le couvert. Impossible de lire quoique ce soit dans
de telles conditions. Bruit invivable, murs qui vibrent, cogito en
berne, je frôle l'hallali.
25
septembre 2015.- Fraicheur matinale, un peu de tiédeur modérée
par la suite (9 °C→ 21 °C). Sortant de lourds tracas,
que je n'évoquerai pas ici, mon appétence lectorale n'est pas
vraiment à son zénith. Cependant lu une petite chose de Roberto
Balzen (Trieste), dix-sept pages de bon aloi consacrées au flou
triestin agrémentées de quelques belles illustrations. D'autre
part, feuilleté les Inrockuptibles que j'ai pour ainsi dire
volé. Cette lourde feuille de chou n'est décidément plus faite
pour moi, ma barbe n'est pas assez longue, je n'utilise pas de
trottinette et je suis globalement allergique au style ampoulé
poétoc concerné politique. Également feuilleté le Magazine
Littéraire, que j'ai presque aussi volé, couverture
abominable : Badiou, Houellebecq, Finkielkraut, Todd, Onfray…
Il est question de la « déchirure française », quelle
déchirure ?
3.
26
septembre 2015.- Ciel changeant, fraîcheur (16°C). Névralgie
cervico-brachiale oblige me voilà bien raide tel un Éric Von
Stroheim au rabais. Malgré cela le mauvais goût de Lester Bangs me
sied tout à fait, il fait l'éloge de quelques chanteuses middle of
the road, raconte Dylan et la mafia (papier très instructif), trouve
que les bienheureuses Shaggs ressemblent à trois nones chantantes
ayant reniflé de l'essence à briquet, que David Byrne est un gentil
fêlé qu'on a bien voulu laissé sortir de la cage à dingue avec
une dose de thorazine toute fraîche. Bref nous voilà en territoire
sautillant et nous sautillons tout en ne cessant pas d'être étonnés
par la capacité de Bangs à théoriser sur tout ce qui lui passe à
portée de plume (la moustache de Patti Smith, les crachats de Jello
Biafra, le cœur en pleine tachycardie de Wire).
27
septembre 2015.- Beau temps gâché, trop frais (18°C).
Cervicales toujours bloquées, de l’électricité dans les épaules
me voilà avec des airs mauvais, la bouche en coin. Alone with Lester
Bangs, Rolling Stones seventies, déclin de type romain et début du
cirque de tout ce barnum qui perdure encore quarante ans plus tard.
Miles Davis seventies même combat ou presque… Bangs raconte les
deux (Stones et Davis) dans de belles arabesques qui ne se mordent
jamais la queue. Le voilà ensuite en plein désert de Mojave, dans
la caravane où vit Captain Beefheart (c'est un ami). On parle
beaucoup plus de l'oreille découpée de Van Gogh que d'autre chose.
29
septembre 2015.- Ciel bleu, soleil trop bas, infâme saison
(19°C) Cervicalgie again. Still with Bangs (Lester). Entamé Notre
alpin quotidien, livre d'entretien entre Emmanuel Burdeau, Jean
Narboni et Luc Moullet. Les questions un peu Daney amoindri valent ce
qu'elles valent, les réponses sont par contre très bien. Il faut
dire que Moullet est un magnifique répondeur, nageur, cycliste et
tout ce que vous voulez.
1
octobre 2015.- Ciel changeant, matinée trop fraîche (6°C->
21°C). Dorsalgie ou cervicalgie ? J'hésite encore et je
sautille de douleur, il y a de meilleurs moments à passer. De
surcroît, mon intérieur prend des airs de grotte humide, pas plus
de 18°C, l'automne est là et j'attends mon chauffagiste avec un
espoir un peu las… Notre Alpin quotidien, Moullet et les pré
alpes du Sud, Moullet et Antonioni (en couleur), Moullet et le vélo,
Moullet et la folie… très bien.
2
octobre 2015.- Pluie légère, appétence automnal (18°C).
Dorsalgie, toujours. Arnica, Voltaren, Valium, Tramadol et noyaux de
cerise chauds, voilà la recette du fameux cocktail Von
Stroheim.
Dernières acquisitions : La Mesure de l'amour (Maître Eckhart), Œuvres (Guillaume Dustan), La sagesse du nomade (Bruce Chatwin), Les saisons indisciplinées (Henri Roorda), Cavale (Nathalie Quintane), Je suis parfois cet homme (Stanislas Rodanski). J'entame par Rodanski, Soleil noir, dernier surréaliste, vrai fou et lyonnais comme moi. De lui je préfère d'ores et déjà la prose aux vers : « Les mots m’ont toujours mené loin dans la vie, trop loin pour que j’y renonce jamais, car je les emploie désormais strictement dans le sens où ils m’échappent, où leur portée cesse d’être consciemment perçue alors que j’écris les yeux dans le vague et que mes regards se coulent dans le devenir ».
Dernières acquisitions : La Mesure de l'amour (Maître Eckhart), Œuvres (Guillaume Dustan), La sagesse du nomade (Bruce Chatwin), Les saisons indisciplinées (Henri Roorda), Cavale (Nathalie Quintane), Je suis parfois cet homme (Stanislas Rodanski). J'entame par Rodanski, Soleil noir, dernier surréaliste, vrai fou et lyonnais comme moi. De lui je préfère d'ores et déjà la prose aux vers : « Les mots m’ont toujours mené loin dans la vie, trop loin pour que j’y renonce jamais, car je les emploie désormais strictement dans le sens où ils m’échappent, où leur portée cesse d’être consciemment perçue alors que j’écris les yeux dans le vague et que mes regards se coulent dans le devenir ».
3
octobre 2015.- Pluie continuelle, ciel chagrin (15°C). Dorsalgie
aiguë, rien pou moi et pas plus d'inspiration que ça. Rodanski,
très surréaliste tardif, écriture automatique et chamanisme
électrocuté, quelques magnifiques éclairs. Bangs again, Lou Reed
et les bisexuels peroxydés, Morrison petite teigne poétoc, Black
Sabbath, lente lourdeur plombée plombante. Le tout enrobé par
l'habituel halo narcoleptique de l'ami Bangs.
4
octobre 2015.- Lendemain de déluge, humidité stagnante (15°C).
Inondations sur la Cote d'azur. Les caniches flottent sur la
Promenade des Anglais. Le portier du Negresco est chafouin. Lester
Bangs en Jamaïque. Il rencontre Bob Marley sous de gros cumulus
canabisés, étonnant dialogue, étonnant rastafarians, étonnant
pays. Lester Bangs et les Variations ce groupe pop-rock simili
marocain, Lester Bangs et Paris : « Paris serait une
cité super si on pouvait se débarrasser des gens, qui sont l'amas
de bonnets de nuit, le plus mort, glacé et pleurnichard que j'aie
jamais vu de ma vie en un seul endroit ». D'autre part chez
Rodanski : « il neige à la troisième personne du
verbe être/ les deux autres sont inconnues… »
6
octobre 2015.- Orages (18°C). Cervicalgie, dorsalgie, Tramadol
et cortisone, lire cent quatre-vingts pages de Lester Bangs avec un
tel cocktail dans le sang peut laisser quiconque un brin nauséeux.
Voilà donc en surcouche du nauséeux sur du nauséeux, du mauvais
nauséeux chez moi, du nauséeux en bien chez Bang. Il évoque
longuement Sid Vicious et le petit couple sympathique (et nauséeux ?)
qu'il formait avec l'assez délurée Nancy Spungen. Rien de vraiment
scandaleux, aucune poubelle ouverte et fouillée avec l'esprit retors
d'un charognard sous captagon, non une simple et sincère mansuétude,
de l’empathie et au-delà du folklore, du cirque punk, et des
facilités gonzo, la preuve que Bangs était avant tout un humaniste
et peut être un vrai écrivain : «Je sucerais les
brins emmêlés de ton nombril dénoué jusqu'à ce que les
sandwiches au thon de mardi dernier sortent en ruisselant de tes
tripes saignantes par un trou large comme ta chatte en même temps
que des Percodans à demi-digéré et j'avale toute cette gadoue
aussi, et ensuite vers le bas vers le bas, avec une obsession
monomaniaque parce que j'entends réellement dévorer tes ongles de
pieds jusqu'à leur vernis platine Cherie.»
8
octobre 2015.- Météo indistincte (16°C) Still sick. Entamé
Comment améliorer les oeuvres ratées de Pierre Bayard . Plus
souvent fatiguant qu'amusant je l'ai laissé un peu choir et me suis
replié dans un polar de James Lee Burke, Prisonniers du ciel
deuxième volume des « aventures » de Dave Robicheaux.
Intrigue filandreuse, mais belle description de la Louisiane.
9
octobre 2015.- Beau temps (6°C->18°C). Nuit épique.
Cervicalgie oblige réveille à 2h40. À 5h00, alerté par les cris
un peu stridents de sa femme impotente j'ai dû porté secours à
l'un de mes lointains voisins octogénaire qui avait pris la drôle
d'idée de « faire un malaise » tout autant matinal
qu’inopiné. Devant l’étendue des dégâts, appel des pompiers,
attente des pompiers puis questions des pompiers m'interrogeant sur
un quidam que je ne connais pas plus que ça en dehors de six
bonjours/bonsoirs par an. Imaginez mon embarras ! Le bougre s'en
est sorti, rien de bien grave, et je suis parti me recoucher sur le
coup de 6h20 du matin. Évidemment impossible de trouver un semblant
de sommeil après tout ça.
Journée maussade. Radiographie du rachis cervical. Ma cervicalgie se révèle être une uncarthrose en c6-c7 avec réduction du calibre du trou de conjugaison correspondant. Allons bon !
Du côté des livres encore dans les Prisonniers du ciel de James Lee Burke. Il utilise le mot nègre toutes les trois pages. Je pense qu'il ne cite pas le grand Charles de Gaulle. En outre, Bayard m’ennuie un peu et Rodanski est plein électricité. Voilà pour le train-train, le petit attelage cahotant de la vie.
Journée maussade. Radiographie du rachis cervical. Ma cervicalgie se révèle être une uncarthrose en c6-c7 avec réduction du calibre du trou de conjugaison correspondant. Allons bon !
Du côté des livres encore dans les Prisonniers du ciel de James Lee Burke. Il utilise le mot nègre toutes les trois pages. Je pense qu'il ne cite pas le grand Charles de Gaulle. En outre, Bayard m’ennuie un peu et Rodanski est plein électricité. Voilà pour le train-train, le petit attelage cahotant de la vie.
10
octobre 2015.- Nuages (16°C) Prisonniers du Ciel de James
Lee Burke. Intrigue improbable, style assez lourd, scènes de sexe
frôlant le ridicule, mais la Louisiane est là, sa tiédeur fleurie,
son bayou qui point, ses poissons et autres bestioles aquatiques qui
ne semblent exister que pour mieux finir en beignet dans l’assiette
sale d'un quelconque boui-boui tenu par un nègre pittoresque.
11
octobre 2015.- Ciel fluctuant, dans le genre automnal (16°C).
Fini le le roman policier de James Lee Burke qui aura eu l'immense
avantage de me distraire un peu des névralgies cervico-brachiales
qui me tenaillent nuque et bras depuis bientôt 15 jours. Feuilleté
le volume de Cahiers de L'Herne consacré à Émile Cioran. Parmi une
foule de choses hautement recommandables, un beau témoignage de
Louis Nucéra (sceptique cycliste) et une anecdote croquignolette
rapportée par Clément Rosset que je recopie ici sans aucun gène : «
L’enterrement de Cioran, qui eut lieu au cimetière Montparnasse en
1995, fut peut-être, pour moi qui y assistais un peu de loin, son
chef-d’œuvre absolu quoique involontaire. Madame Ionesco avait
réussi à convaincre Simone, assez réticente, d’accorder à
Cioran les honneurs funèbres prévus par le rite orthodoxe de
Roumanie : messe ponctuée par le sermon d’un pope suppliant Dieu
de pardonner à Cioran ses abominables écrits, enterrement au
cimetière selon les rites stricts de l’Église roumaine qui
prévoit, autour de la fosse encore vide, une théorie de bouteilles
(remplies du fameux saint-émilion dont j’ai déjà parlé), ainsi
qu’un certain gâteau des morts dont tous les assistants devaient
manger un morceau arrosé d’un demi verre de vin. Or, avant que le
convoi funèbre ne soit parvenu au cimetière, les fossoyeurs, qui
avaient remarqué la présence de victuailles déposées au bord de
la fosse et les avaient prises pour une sorte de pourboire à eux
destiné, en avaient consommé la moitié avant de mettre l’autre
moitié à l’abri de leur cabanon, voyant l’assistance qui
approchait. Interrogés, les fossoyeurs se contentent de remercier du
cadeau, avant qu’on leur explique leur méprise. Des négociations
commencent alors à la porte du cabanon, qui butent sur un compromis
dont les fossoyeurs en pleine révolte qui, sous l’emprise d’un
meneur de choc, considèrent que le reste du butin leur appartient,
ne veulent pas en démordre : ils rendront bien, si on l’exige, les
bouteilles encore pleines et la moitié du gâteau ; mais cette
brimade et ce « manque à gagner » aura pour contrepartie une autre
brimade : ils n’enterreront pas Cioran. Grève illimitée du
personnel du cimetière de Montparnasse. Un accord fut long à
trouver et je pus croire un moment que Cioran, qui en avait tant
besoin, serait à jamais privé de repos éternel.»
L'Herne et Émile Cioran derrière moi retour dans le Je suis parfois cet homme de Stanislas Rodanski. Trois lignes, un drôle d'écho de plus : « Naître ou ne pas être/ N'être que néant ou n'être que né/ Naître point ou n'être point »
L'Herne et Émile Cioran derrière moi retour dans le Je suis parfois cet homme de Stanislas Rodanski. Trois lignes, un drôle d'écho de plus : « Naître ou ne pas être/ N'être que néant ou n'être que né/ Naître point ou n'être point »
To
be continued
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