samedi 11 août 2012

Psychogeographie indoor (31)



1.

« Voilà que pour pleurer, je dois penser à ce qui m’est indifférent, à ce qui ne souffrira pas : à des linges effilochés, au vernis des pieds de table, qui brûlent d’un feu sans lueur ; à un petit couteau que j’ai perdu dans un champ où il y avait une mare, des barrières, des ombres, des poiriers, et que je devine si rouillé, si désorienté entre le gravier et les herbes, que c’est mon Dieu, à désespérer. » (Jean Giraudoux, Provinciales)

12 décembre.- Pluie en matinée. Beau temps frais par la suite.
Lectures obsolètes : les « faits divers » de Fénéon, le Glossaire symboliste de Paul Adam, le Petit bottin des lettres et des arts par les deux réunis (Fénéon et Adam). Le Petit bottin commence très bien : « Adam (Paul) : Repris de justice. Se distingue de ses confrères de la cour d’assises par des costumes d’une pureté géométrique, une allure compassée de plénipotentiaire, de très longs cols où se posent les vingt-trois ans d’une tête immobile que rompt une bouche de joueur de whist. Jusqu’au jour où, à la requête d’un bas agent des mœurs nommé Sarcey, intervinrent les tribunaux, il vécut de la prostitution de Chair Molle dont il rédigeait le block-note en un style neuf, elliptique, impressionniste et filigrané. Il fut, en 1885, le rédacteur en chef du Carcan (2 numéros), où il se révéla partisan d’une politique théocratique et battit une tonnante réclame à la Papauté. En 1886, il paraphrase les Évangiles et publie Soi. » Quant aux faits divers chez Fénéon celui-ci me semble terrible, mais parfaitement drôle : « M. Jules Kerzerho présidait une société de gymnastique, et pourtant il s’est fait écraser en sautant dans un tramway, à Rueil. » Cet autre qui n’est pas un fait divers, est presque aussi beau qu’une carte postale de J.M Levet : « Elles partent, les danseuses laotiennes qui ornaient l’exposition de Marseille, elles partent aujourd’hui par le Polynésien. ».

Lire, Ludwig Hohl (Ascension), Hans Henny Jahnn (Navires de bois), Patrick Leigh Fermor (Entre fleuve et forêt)…

13 décembre.- Ciel plat, gris, morne.Mood non iridescent, pas d’inclination.
Nouvelles en trois lignes (Fénéon), Petit glossaire symboliste (Adam), Bulletin des Arts et lettres (Adam, Fénéon). Un peu dans les trois, chichement, mais sans déplaisir.

14 décembre.- Douceur relative. Du vent et du froid pour demain.
Qualité suisse : Walser, Cingria, Ramuz, Hohl. Le dernier vivant dans sa cave, ce qui est très bien. « Naturellement il faut chercher des issues – mais pas de fausses issues. Car au bout d’un chemin trompeur, la sortie n’est qu’un gouffre, plus profond que le premier. (Lorsque l’on tombe dans une crevasse, il faut commencer à réfléchir calmement). »

15 décembre.- Demi-froideur.
Aujourd’hui j’ai été globalement plus flapi que semi-flapi. Donc par grand-chose de lu, pas plus de deux trois « brèves » de l’ami Fénéon, celle-ci me semble parfaitement drôle : « Mordu par son cheval, à Joinville, le cocher Colignon s’évanouit ; alors, sa voiture lui broya les jambes. » Voilà.

16 décembre.- Tempête !
Trop à dire, mais trop de paresse pour le dire. C’est pourquoi je ne vous dis rien tout en vous disant que je ne vous dirai rien.
Mort de Rolland Dubillard. Hémiplégique depuis plus de vingt ans il vivait sans corps, avec des rivières de mots dans la tête (comme le Valery Larbaud « terminal »). C’était l’un des derniers représentants d’un comique qui ne se « fait » plus…

17 décembre.- Première froideur. Lendemain de tempête : branches perdues et mortes, quelques bouts de façades arrachés, des tuiles volantes et écrasées, des pots de fleurs suicidaires. En dehors du végétal et de la poterie : pas de morts.
Ratissé large, puis picoré ce que j’ai ratissé. Achevé les, deux, Fin de L’histoire de Philippe Muray. Les roues « festives » de l’an 2000, ces roues que cette autre tempête, celle de fin 1999, n’aura pas fait tomber (malgré sa puissance et ses morts en dehors du végétal). Pour finir Muray critique ceux qui tentent de le critiquer : Viviant, Scarpetta, Marcelle… Il n’est finalement pas si acrimonieux que ça, pas tellement sanglant non plus, on sent seulement le règlement de comptes roder ; il y a pire, il y a mieux chez Muray. Poursuivi les Nouvelles en trois lignes de Fénéon, je les achèverai demain. Rouvert la Pseudodoxia Epidemica de Thomas Browne : l’éléphant cet animal sans jointures, le cheval cette bête sans fiel.

18 décembre.- Un peu de neige fondue. Pas plus de 2 °. Nous y sommes.
« Un paralogisme inacceptable, un sophisme qui ne réside pas dans un nuage et qui n’a pas besoin du soleil pour disparaitre ».
Il faut savoir que d’une manière générale les excréments d’oiseaux possèdent plus de sel que ceux des autres animaux. C’est d’ailleurs pourquoi lors de la famine en Samarie les hommes se servirent de fiente de pigeon en guise de sel. Que les plus délicats d’entre vous se rassurent, il n’y a rien de sale dans ce substitut-là, il suffit de gouter une fiente de pigeon pour s’en convaincre.
Glossaire symboliste (Adam), Bottin des arts et lettres (Adam, Fénéon). Fini les nouvelles en trois lignes de Fénéon. Tiens en lisant Thomas Browne on songe souvent à Borges : « Nombre de personnes affirment et, me semble-t-il, peu de gens nient qu’il existe des Griffons dans la nature, que ce sont des animaux mixtes et équivoques dont la partie antérieure ressemble à un Aigle tandis que la partie postérieure à la forme d’un lion ; l’animal aurait des oreilles érigées, quatre pattes et une longue queue… ».

19 décembre.- Neige en matinée. Pas plus de 2 °.
Hémorragie nasale, l’intérêt de la chose m’échappe ?
Bref retour dans l’Obermann de Senancour. Toujours aussi « drôle » : « J’ai des moments où je désespérerais de contenir l’inquiétude qui m’agite. Tout m’entraîne alors et m’enlève avec une force immodérée : de cette hauteur, je retombe avec épouvante, et je me perds dans l’abîme qu’elle a creusé. Si j’étais absolument seul, ces moments-là seraient intolérables ; mais j’écris, et il semble que le soin de vous exprimer ce que j’éprouve soit une distraction qui en adoucisse le sentiment. À qui m’ouvrirais-je ainsi ? Quel autre supporterait le fatigant bavardage d’une manie sombre, d’une sensibilité si vaine ? »


2.





20 décembre.- Neige en matinée. Pluie glaciale ensuite. Pas plus de 3 °.
« France (Hector) : Se délecte aux dessous moites des petites filles de Londres et de Tunis, se passionne pour le commerce des religieuses nymphomaniaques et des pénards de presbytère. » J’ignorais tout de cet autre France qui n’a rien d’Anatole. Le Petit bulletin de la vie artistique de Fénéon et Adam est parvenu à ouvrir ma curiosité. En cherchant un tout petit peu j’ai appris que ce France-là avait mené une vie plus mouvementée que moins. Anarchiste, communard exilé en Algérie. Écrivain dénonciateur des premières « pacifications ». Accessoirement, amateur de chair très fraiche. Je pense que le côté terriblement nympholepte sera ce qui m’intéressera le plus chez lui. Il y a un livre à lire : Sous le burnous ; sang, musc et haschich, tout un programme.
Lire le très obsolète Gustav Kahn.

22 décembre.- Moins d’humidité, plus de douceur. 8 °.
Pas dans le mood, plus confit que confiant. Assez las pour tout dire. Guère lu. Stendhal un peu : « J’ai un grand principe de malheur, des désirs contradictoires. Je hais la bashfulness, et cependant pour satisfaire ma passion principale il me faut des ennuyés. » (Journal) « Rien n’éloigne davantage des deux grands vices anglais, le cant et le bashfulness » (De l’amour) On notera les deux anglicismes qui « ouvrent » un drôle d’écho chez le très ignoré Paul Hartenberg : « C’est la race anglo-saxonne qui m’a paru la moins timide. Je ne comprends pas comment Stendhal a pu faire de la timidité “un des deux grands vices anglais : le cant et la bashfulness (hypocrisie de moralité et timidité orgueilleuse et souffrante)” La majorité des Anglais au contraire qu’il m’a été donné de voir et de connaître, ne présentaient rien de cette contrainte et de cette inhibition émotives qui traduisent l’excès de la sensibilité intérieure » (Paul Hartenberg , Les timides et la timidité). Paul Hartenberg, était un médécin édité chez Alcan, je vais le lire un peu. Il faut aussi que je lise Francis Poictevin : « Il ne sait quoi d’informe, de mal ramassé, de pas calé, quelque chose entre une machine et un être vivant, essayant de se remuer, dans ses membres, principalement dans sa langue, et parvenant horriblement mal à se dégourdir, en plus fagoté dans un étoffement blanc, il aperçoit ainsi son premier moi. » Tout cela me semble diablement moderne en bien.

23 décembre.- Semi-douceur vaguement incongrue. Rien ou presque. Si, Poictevin par Gourmont : « “Gardons-nous d’écrire trop bien” : ce pernicieux conseil, un samedi des années passées, chuchoté par M. Anatole France à Charles Morice, l’auteur des Songes ne l’eût pas compris non plus. Écrire trop bien, c’est à quoi M. Poictevin passe la moitié de sa vie, l’autre étant réservée à presque vivre les impressions qu’il notera en des phrases d’une musicalité unique d’orgue byzantin. Phrases moins que vibrations, et vibrations si spéciales que peu d’âmes s’y trouvent d’accord. Musique de plain-chant grégorien, tel qu’on l’écoute en une somptueuse église flamande, avec de soudaines fugues de prière exaltée qui planent sur les lignes hautes, se jettent vers les voûtes peintes, avivent les vieux vitraux, illuminent d’amour les chemins de la Croix assombris. Le moine mystique, le vrai moine, le Fra Angelico et un peu le Bonaventure, revit davantage le long des pages de ce Presque, de chatoyante spiritualité, qu’en toute la littérature pseudomonastique de notre temps. Plairait-elle pas, mieux que de protectrices et fructifères déductions, à l’auteur du Recordare sanctæ crucis, cette oraison : “Le Christ apparaît ici-bas la plus resplendissante, la plus aimante, la plus absorbée figure de l’éternelle substance, elle embaume de toutes les vertus ; elle a les bleus dulcifiants, les jaunes brûlés et clairs de la topaze ou du chrysanthème, les ensanglantements des gloires futures. Et malgré et contre mes rechutes de chaque jour, je m’efforce, selon la parole de Jésus à la Samaritaine, à l’adoration en esprit et en vérité.” M. Poictevin est entré dans le “jardin de toutes les floraisons” que chanta saint Bonaventure, (Crux deliciarum hortusIn quo florent omnia) et à genoux il a baisé le cœur des roses dont la roseur est faite de sang – le sang du grand Supplice. Pendant que le Matin, jeune homme aux cheveux blonds, livre aux femmes folles sa moite adolescence, il va, vers une paix “ecclésiale”, à des messes de solitude, et l’une des grâces recueillies c’est l’imprégnement de son âme par la “lumière intérieure, claritas caritas.” R. G. »

24 décembre.- Vague froideur. Du vent.
Poictevin, Songes. De prime abord décevant, mais finalement pas tant que ça. Livre tout en « touche ». Délicat avec et du blanc mallarméen entre les pointillés. Si j’osai, je dirai que quelque chose de l’impressionnisme rode aussi, enfin je dois être le seul à voir roder cette chose-là, je ne sais pas si je vais oser vous dire ce que vois roder. Pour le reste, deux parties, deux enfances, deux jeunesses. Puis une troisième partie formée par le point de contact et la coalescence heureuse entre les deux premières parties (enfance, jeunesse, coalescence…) De cette troisième partie Edmond de Goncourt disait qu’elle était trop en « paysage », qu’elle manquait un peu de la toute nouvelle psychologie nécessairement formée par la soudure de deux corps distincts (j’extrapole un peu). En tous les cas, grande victoire de la prose sur l’invisible et l’impalpable… le poitecvin est une belle langue singulière (on comprend l’intérêt des surréalistes).

 « Ce matin, le pauvre Francis Poictevin tombe chez moi, plus exalté que jamais. En voici un auquel j’aurai inoculé la folie de l’épithète ! En littérature, l’invention de situations, de créations de personnages, l’architecture des phrases, ce n’est plus rien pour lui : il n’y a que la trouvaille d’une épithète, et bien souvent biscornue, où il apporte une recherche délirante, affolante, charentonesque ! » (Edmond Goncourt, Journal, 30 mars 1892).

« Par contrepoids à La Défense de l’infini, je proclamais que le roman que j’allais écrire n’aurait pas de héros, de personnages, que le héros en serait une abstraction, ou de préférence une chose. Je me réclamais à cet égard d’un classique, je veux dire d’un prédécesseur, dans un écrivain qui était pour nous (du moins pour Éluard, Breton et moi) un prédécesseur, Francis Poictevin. » ((Louis Aragon, Je n’ai jamais appris à écrire ou les incipit).

27 décembre.- Froideur de saison.
Trop de labeur. Hémorragie narine gauche (encore). Tendinite poignet droit (encore).Très peu lu. Poitecvin par Fénéon (Petit bulletin des arts et lettres) : « Sur des soies japonaises, peint des fleurs grêles, des ciels, des bonzes, des femmes de rêve, puis cogne du gong. »

Lire, Taine (Voyage en Italie), Delacroix (Œuvres littéraires), Toulet (Les tendres ménages), Chesterton (L’homme éternel, Hérétiques).

30 décembre.- Pluie continuelle.
Permettez-moi de rester cette chose indicible qui ballote en creux.
Fini les Songes de Francis Poictevin. Toujours précieux et entortillé en bien, plein d’abstractions et frôlant la poésie en prose sans vouloir vraiment le dire. Si les êtres sont comme des songes, la nature n’en est pas loin : « Le Cervin, marqué de strates, l’étiage des siècles demeure, au-dessus du monde congelé à son pied, en une altitude isolante. Noir, il semble se celer dans les airs, et, selon qu’autour de lui on vague, dodeliner sa cime. »

Journal, Stendhal. Beyle est en Allemagne, il visite un peu, marche beaucoup, fout la fille de l’aubergiste : « c’est la première allemande que j’aie vue totalement épuisée après avoir déchargé. ». Ensuite il achète un chien noir qu’il nomme Brocken, l’investissement est faible : 11 Ecus.
 « Les Allemands, moins civilisés, soignent bien moins que nous ce qui rompt la société. Les maris caressent à tout moment leurs femmes, mais d’un air flegmatique et froid. »

Sinon chez Pierre Thomas Hurtaut les pets diphtongue de Priape ont le pouvoir de faire fuir les sorcières. Il faut bien avouer que cela ne manque pas de sel.


3.



2 janvier.- Pluie. Douceur indécente : 11 °. En altitude, l’avalanche guette.
Hémorragie narine gauche. Pouce gauche entaillé. Finalement, il n’y a que la vraie maladie pour nous guérir de l’hypocondrie.
L’art de péter de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut. Très drôle. « Vieux français » pétaradant, sérieux et comique tout à la fois. Exhaustif et quasi encyclopédique aussi ; le sujet méritant l’encyclopédie. Un article de Jean Rolin. Dubrovnik et en face Cavtat cette enclave idyllique où les terribles Serbes pétaradaient au milieu des bougainvilliers. (Cavtat est très jolie, je confirme).
Renard Journal. Moins là long, mais toujours génial court. « Il n’y a pas de synonymes. Il n’y a que des mots nécessaires et le bon écrivain les connait. ».

3 janvier.- Douceur, étonnantes soleillées.
Oublier le monde. Être un autre monde. À défaut : tenter d’être une ile.
Journaux Stendhal, Renard. Chez Renard : « Pour un écrivain qui vient de travailler, lire, c’est monter en voiture après une marche à pied pénible. ». L’inverse est pourtant pire, écrire après avoir lu, c’est finir la route péniblement à pied alors qu’on l’avait commencé cheveux au vent et en voiture. C’est aussi emporter avec soi tout ce qui était dans le coffre de la voiture : crique, jerrican, roue de secours, plaid, scie circulaire, cadavres découpés… (Revenir plus tard sur le manque d’étanchéité qu’offre immanquablement le passage, lecture/écriture).

« La vie est hésitation entre exclamation et une interrogation. Dans le doute, il y a un point final. »

5 janvier.- Pluie fine, du vent.J’écoute ma barbe pousser.
Je n’ai que la dysphorie pour protéger mon intérieur. Alors, laissez-moi être dysphorique, je ne demande rien de plus. (Autres dysphoriques potentiels : Walser, Pessoa, Hohl…)
Journaux : Stendhal, Renard, si peu.

6 janvier.- Un reste de vent. Plus de froideur.
Vous êtes de droite ? Assumez votre cynisme ! Vous êtes de gauche ? Assurez-vous de ne pas être de droite (dans les faits et gestes) Permettez-moi de n’être ni l’un ni l’autre.
Not in the mood. Renard, Journal (Leon Blum encore critique). Demain j’entamerai l’Ascension de Ludwig Hohl (Ce lourd massif suisse alémanique qui vivait dans une cave, comme si c’était possible).

7 janvier.- Ciel bas, sinistre. Température « de saison ».Je ne me nourris que de mon absence au monde.
Ludwig Hohl : Outsider Suisse. Asocial (forcément). Maniaque, rare tellement rare qu’il ne semble pas avoir d’œuvre pour lui (quelques notes, des aphorismes, un journal impublié). Il vit dans une cave, accroche ses manuscrits sur un fil à linge, ses éditeurs se méfient, il y a de quoi : le bonhomme est globalement inquiétant, trop pur, visant trop haut.
Ascension : C’est le texte le plus accessible de Hohl, le plus « trouvable ». Encore jeune, et alpiniste acceptable, il avait parcouru les alpes et enchaîné une multitude de sommets (Suisse, Haute-Savoie, Dauphiné…) il avait noté dans un cahier toutes ses « courses », répertoriant minutieusement topographie, paysage et exercice physique. Ces cahiers sont en quelque sorte la base, le matériel initial d’Ascension, il n’y avait plus qu’à sculpter. La sculpture fut pourtant longue à venir, par maniaquerie, gout de la perfection Hohl la « retouchera » six fois, avant de la montrer en 1975. Le résultat est probant, c’est l’un des plus beaux « romans de montagne » qui soient. Au début on s’y ennuie pourtant un peu on est presque déçu, mais assez vite on est déçu en bien et vraiment intéressé. Il faut simplement grimper sur son ennui pour découvrir une vue splendide, l’air devient pur et cristallin, l’horizon ontologique, la grande œuvre rôde, le lecteur est ravi. Concernant l’ontologie on a imaginé Hohl en Nietzche alpiniste, il y a de ça, pour ce qui est de l’allégorie on a comparé Ascension à Moby Dick, il y a de ça aussi. Je n’ai rien dit de « l’intrigue » elle est simple, forcement simple : deux alpinistes et une montagne, les deux alpinistes se séparent, l’un monte, l’autre redescend, mais la montagne est toujours là. Il y aura du tragique, il ne peut y avoir que du tragique, l’issue est toujours fatale, that’ s life !
En complément, relire le Mont Analogue de René Daumal.

8 janvier.- Trop d’humidité, bruine continuelle.

Il est possible de se connaitre soi-même, mais il est tout à fait impossible de se comprendre.

Tiens un écrivain que le « monde » aura tué. J’entame les Œuvres complètes d’Isaac Babel. Gros pavé, belle édition, bon papier. Pour l’instant enfance et jeunesse. Famille juive, pogroms, proto révolution. Climat très « russe du sud ». Odessa, forcément. Babel se reconnaissait quelques maitres : Flaubert, Maupassant. De ce dernier et sur le premier ces quelques mots rapportés, une sorte de bréviaire que Babel utilisera quand il s’agira d’écrire un peu harmonieusement : « Une phrase est viable, quand elle correspond à toutes les nécessités de la respiration. Je sais qu’elle est bonne lorsqu’elle peut être lue tout haut. Les phrases mal écrites ne résistent pas à cette épreuve ; elles oppressent la poitrine, gênent les battements du cœur et se trouvent ainsi en dehors des conditions de la vie. »
Quant à moi je reste décousu.

to be continued.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Content de voir que vous avez apprécié le Ludwig Hohl.

ArnoldB a dit…

Les éditions Attila sortiront un inédit de Hohl en Octobre intitulé: Paris 1926 - la société de minuit, son journal de l'époque je crois.