Il y a deux Chuck Willis qu’on ne cesse de soupeser, sur la balance posé sur le côté droit, un convaincant blues shouter à la voix forte et robuste, posé symétriquement sur le côté gauche de la même balance, un crooner doux et vulnérable, un blues balladeer souple et attentionné. Chose curieuse le massive et le fin pesant strictement le même poids la balance reste stoïque. Tout cela serait très simple dans le meilleur des mondes impassibles s’il n’y avait, en fait posé à côté de la balance, un troisième Chuck Willis, un magistral songwriter ; l’un des plus beaux façonneurs R&B fifties. Il suffit d’écouter ses disques pour s’en convaincre : deux, trois compilations * disponibles sur le marché et le tour est joué… voilà des joyaux à foison : « CC Rider » smash hit définitif, irrésistible adaptation d’un maussade classique blues-folk, des ballades angoissées : « Don't Deceive Me (Please Don't Go)» , « It's Too Late » (repris par Buddy Holly, Charlie Rich, et Otis Redding..) du métaphysique : « I Feel So Bad » (repris par Elvis Presley et Otis Rush..) et pour finir du joyeux, l’étonnant chant du cygne « Hang Up My Rock & Roll Shoes » dernier titre enregistré, magnifique (précurseur) comme du Elvis vraiment noir… mais en mieux que ce que j’en dis …
Tout Chuck Willis est presque dans ses disques, tous sauf les histoires : le turban qui lui vaut d’être surnommé The Sheik Of The Blues, le scroll cette danse qu’il invente un soir télévisé où derechef il s’auto-couronne King Of The Scroll, son passage de Okeh records à Atlantic records (ne pas oublier que nous somme à Atlanta, c’est important) et puis le destin, le vrai, le sombre destin… ulcère, péritonite, opération… il ne se réveille pas, mort en 1958, il avait 30 ans… Quand on songe à un autre roi, l’Elvis blanc, majestueusement trépassé sur un bien incertain trône 20 ans plus tard, il y a de quoi rester songeur... et vigilent question tuyaux !
Stroll On: The Chuck Willis Collection (1994)
Wails! The Complete Recordings, 1951-1956 (2003)
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