mercredi 18 mai 2011

Chambre Verte - Ian Curtis



Les rares arpenteurs de ce bleugh auront certainement constaté que le 18 mai il me faut toujours évoquer ici la mémoire de Ian Curtis, C’est devenu une sorte de tradition (assez idiote et lugubre), mais c’est surtout devenu une nécessité, une nécessité qui me saisit, car je n’arrive pas à oublier la date anniversaire de cette mort-là… Bon il faut bien dire que ce culte (assez idiot et lugubre) est surtout, et avant tout, une obligation envers ce que je fus plus jeune et qu’en me souvenant de cet autre gamin pendu dans sa cuisine je me souviens du grand gamin tout mou et mélancolique que je fus. Je concède aisément que tout cela soit un peu particulier, un peu sinistre, mais c’est aussi plus qu’un peu humain… forcement humain, donc voilà…
Tenez au-delà des mots bien faibles que vous venez de lire, j’ai relu les pages que l’impeccable Simon Reynolds consacre à Joy Division (dans son impeccable Rip It Up And Start Again), j’ai aussi relu la critique que Michka Assayas avait écrite lors de la sortie française de Closer (Critique, relue plus de cinquante fois et conservée comme une relique) et puis j’ai écouté une nouvelle fois la seconde face de ce même Closer, comme ça, sans ostentation, avec la fenêtre ouverte et un orage qui faisait des siennes plus loin. C’était très bien, presque calme, et je dois avouer que ce calme apparent convenait parfaitement à mon âge présent…

« Je ne les ai pas connus à l’époque, je n’ai jamais parlé à Ian Curtis. Je les ai croisés un peu plus tard, quand les trois autres sont devenus New Order, mais de toute façon ils refusaient de parler dans ces années-là. En revanche j’ai vu leur concert aux Bains Douches fin 1979… Il y avait moins de cent personnes et elles ne manifestaient aucune réaction, ou presque, le chanteur ne disait pas un mot entre les morceaux, il semblait pénétré d’un sentiment de terreur, qu’il m’arrive encore de ressentir aujourd'hui quand je pense très fort à eux ce qui m’arrive parfois. C’étaient quatre banlieusards issus de Manchester, une des agglomérations les plus déprimantes d’un pays lui-même déjà particulièrement déprimant. Comme eux je me sentais alors oppressé par un sentiment d’échec et d’effondrement pour lequel il n’y avait pas de mots. Aucune colère dans la voix de Ian Curtis : celle-ci s’était désagrégée, comme pulvérisée, et planait juste un esprit d’apocalypse qui venait hanter un corps malade… Mais en ce temps-là, l’important, pour moi, et je m’en serais alors vigoureusement défendu, fut aussi cette grande chemise noire large un peu luisante, aux petits boutons stricts, ce pantalon à pinces large en haut et serré en bas, comme j’en avais un moi-même, ces vêtements tristes d’une après-guerre imaginaire qui signifiait pour moi, je ne sais pourquoi, ce mélange de lucidité stricte et grave et ce désir d’intensité, de souffrance, même, un désir enflammé et enthousiasmant dont j’ai du mal après tout ce qui est arrivé dans ma vie et dans celle des autres, à ressentir la présence aujourd’hui… »

(Michka Assayas, Exhibition)

P.-S. D'autres ont eu la mauvaise idée, ou la malchance de vouloir trépasser ce jour-là (une vaste communauté, en fait). Par exemple, Gustav Malher est lui aussi mort un 18 mai, tout comme Elizabeth Montgomery (le petit nez de ma sorcière bien-aimée) et, pire en mieux : Frank Sinatra ! Imaginez-vous que Ian Curtis et Frank Sinatra sont morts le même jour ! Entre crooners…

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