C’est toujours la même histoire, la sincérité, les tripes sur la table, où est le vrai où est le faux ? Dans la tourbière post-punk il y a des sincères qui comme le Ian Curtis terminal cherchent le détachement, il y a des sarcastiques mélancoliques comme Colin Newman, des auto apitoyés mous comme Robert Smith, des centristes indéfinis comme Ian Mc Cullough … Adrian Borland, le leader de The Sound, lui est un grand sincère, un vrai type bouleversant, pas un poète tragique en représentation. Donc un type normal, terrien qui se débat avec de vrais démons. On dira qu’il ne triche pas. De l’intensité que de l’intensité, pas trop de subtilité vous me direz, mais est-ce si important ?!!
Déjà dans le premier album de The Sound : « Jeopardy » dès le premier titre « I can't escape myself » tout est là vraiment, plombé-plombant : « All my problems /Loom larger than life /I can't swallow /Another slice. » sur une musique dominée par des guitares acérées et une rythmique minimale rappelant Wire et Joy Division. « Jeopardy » est un disque un peu naïf où on a l’impression que le groupe fonce droit dans le mur« We are young/But are we strong?/We've held out/ For so long. ». L'énergie est encore juvénile.
Ce qui frappe dans le second album « From the Lions Mouth « c’est tout d’abord ce son franc du collier. Un son qui ne cherche pas à être mystérieux, à faire le malin, un son puissant et dense. C’est un disque qui se révèle par une écoute intensive le volume poussé au maximum. C'est aussi un disque d’une grâce simple (oui il y a de cela) une grâce non cachée, complètement ouverte, apparente et pleine d'une grande sincérité. Des le premier titre « Winning » Borland nous saisis avec une franchise émouvante « When you're on the bottom/Crawl back to the top /Something pulls you up/and a voice you can't stop » , il ne triche pas ce type vous donne beaucoup, et tout le disque est comme ça d’une intimité extraordinaire avec l’auditeur, une belle offrande empoisonnée. Entre confession et exaltation on ne baisse pratiquement pas de niveau : il y a l’héroïque « Contact the Fact » « Contact's the fact - I need it/Contact you because I need you » l’extraordinaire « Skeletons » nous vivons comme des squelettes ! tout un programme ! avec au milieu le pont le plus puissant à l'ouest du post-punk où quand la voix de Borland réintègre le bercail on reste comme pétrifié d’admiration ... Le très joy divisionesque « Fatal Flaw » sombre et à la mélancolie spongieuse ... le furieux « The Fire » et surtout le bouleversant « Silent Air » que l’on écoute la gorge nouée : Le titre que U2 -avec les mêmes armes pourtant- n’écrira jamais. Cette chanson où Borland essaye de contenir des flots d’émotions qui s’échappent de lui irrémédiablement, un grand moment, vraiment. Beaucoup seront rebutés par « From the Lions Mouth » qu’ils trouveront pataud voire naïf, du Interpol d’origine juste un peu mieux et franchement la new-wave circa 1980 ça ne brûle plus rien depuis longtemps. Et bien qu’ils sachent qu’ils se trompent, et que plus on l’écoute plus ce disque devient solennellement addictif, la sincérité je vous dis, c’est fou ce que l’on fait avec de la sincérité. D'ailleurs, qui aime au second degré ?
Adrian Borland prouvera que sa grande sympathie avec ses multiples démons intérieurs n’était pas feinte en se jetant sous un train en 1999. Il avait 41 ans. Décidément, tenter de s’échapper hors de soi même est une entreprise bien périlleuse.
3 commentaires:
Je partage sans aucune retenue ton avis sur cet album, dont la sincérité me touche profondément. il est d'ailleurs assez triste de constater que les nombreux pilleurs de tombe issus de la récente vague "new wave revival" ou Dieu sait comment elle s'appelle, sont tous dans le calcul, la pose, l'arrogance et la hype, quand précisément le groupe dont ils pillent le son sans vergogne était complètement étranger à cet état d'esprit. Résultats des courses ? des albums comme "from the lion's mouth" ou "jeopardy" sont d'une fraîcheur remarquable presque 25 après, ceux d'Interpol sentent la chaussette 3 mois après leurs sorties.
Cadeau :
The Sound dans Sense of Purpose
(old grey whistle test - 1981)
http://www.youtube.com/watch?v=CbTkHkX5f38
Malgré que je sois très fan de Post-punk/Cold Wave des origines, je n'ai découvert que très récemment ce superbe album de The Sound.
"grand sincère...type bouleversant...poète tragique...ne triche pas...De l’intensité que de l’intensité..." autant de qualificatifs parfaitement pertinents pour parler d'Adrian Borland, leader et âme damnée de ce groupe.
Malgré qu'ils soient de véritables petites perles, les disques de The Sound sont aujourd'hui quasi méconnus, hélas !!! Proche des first Cure, de Joy Division, Modern English ou Section 25, "from the lion's mouth" rayonnent d'une obscure clarté !!!
Super article, et blog.
A +
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