samedi 2 août 2014

Psychogeographie indoor (50)



« En tous les cas, il est malsain de tenir le passé pour quelque chose de réel, ou surtout pour quelque chose de vrai. L’être humain se transforme radicalement tous les sept ans. Ce ne sont plus les mêmes muscles. Ce n’est plus le même œil qui regarde la terre. Le sang a été plusieurs fois renouvelé. Une autre langue goûte aux mets. D’autres manies germent. Le vécu s’est envolé avec le souffle des poumons, et vidé avec l’eau des reins ; des nourritures évacuées, voilà ce qu’est le passé » (Hans Henny Jahnn, Cahiers de Gustav Anias Horn)



1.

12 novembre.- Soleil, quasi-froideur. (7 °C) Gracq, Entretiens. Paysage, géographie. Passionnant.

14 novembre.- Nuages, fraîcheur. (7 °C)  Aujourd’hui je me suis relu. En toute modestie. Rien d’autre.

15 novembre.- Crachin, fraîcheur. (6 °C) Le monde et l’homme n’existant pas il convient de noter que seule la religion reste susceptible de nous remplir de gratitude.

16 novembre.- Ciel gris-noir, frimas en marche. (3 °C) La Blonde en béton. Harry Bosch épisode 3, le seul que je n’avais pas encore lu. 1996  semble très loin, on tape encore ses rapports sur des machines IBM, il y a des pagers et des cabines téléphoniques. Seuls les tueurs en série ont pour eux les ravissants apanages de la pérennité. Distrayant, as usual et comme de bien entendu.

17 novembre.- Ciel de saison, température en baisse. (5 °C) Perclus d’arthrose, le moindre mouvement me faisant monter au cortex cérébral une somme non négligeable de stimulus nociceptifs. Certainement l’un des grands avantages de l’âge.
Dans La Blonde en béton, Los Angles est une bouche d’égout qui attire le flot ininterrompu de tout ce qu’il y a de pire en Amérique. C’est assez bien vu, mais je me demande comment Michael Connelly peut bien percevoir Las Vegas. Une grande station d’épuration sponsorisée par la mafia ?
Entamé l’une des premières petites choses de Clément Rosset, la très bien mal pensant Lettre sur les chimpanzés : « on est Hominien, on est Simien de même qu’on est basque ou breton ». Ben, voyons !

18 novembre.- Ciel trempé de nuages. Fraicheur. (7 °C) Malone Meurt de Samuel Beckett est posé sur ma table de cuisine. Je bois un thé russe. Dehors il fait déjà noir, trop noir. J’ouvre le livre au hasard. Je mets le nez dedans. Je le hume. Me voilà plein d’une sourde satisfaction. Il faudrait que je relise ce livre. Je le referme. Je regarde sa belle couverture lactescente. Ce titre en beaux caractères bleus Klein. Cette petite étoile de chez Minuit. Une gorgée de thé. Derrière mes rideaux il fait encore plus sombre. Le froid est là, il me chatouille presque.

21 novembre.- Neige aurorale, pluie glacée vespérale. (3°C) Gracq, Entretiens. Paysage américain. Une terre neuve où il y a davantage d’espace autour des choses. Des dimensions autres, des maisons plus hautes, des arbres plus vigoureux. Les oiseaux crient avec une « vigueur extraordinaire », ils lancent comme des coups de trompette et Gracq les croisant en est tout étonné.

23 novembre.- Pluie glaciale, neige ratée. Vent saumâtre. (3°C) Connelly. Toujours assez bon, divertissant, informé et efficace. Seule restriction ses scènes de sexe toujours un peu risibles. Dans The Concrete Blonde, Harry Bosch et sa partenaire « font l’amour » sur une serviette qu’ils ont posée astucieusement devant un feu de cheminée. Ce n’est pas rien et c’est parfaitement ridicule.

24 novembre.- Du vent, du vent, du vent… (7 °C) Ma barbe pousse. La nuit tombe. Elle tombe trop vite. Dehors le vent souffle. Il souffle trop fort. Achevé La Blonde en béton de Connelly. Fin mal ficelée, presque bâclée. Retour dans les papiers de Jean Rolin. Rhin, Main, Danube. Le triangle des écluses. 1987 parait bien loin. Le Rideau de fer est encore là. On le franchit en hydroglisseur.

25 novembre.- Froideur. (3°C) Les quasi-quinquagénaires doivent-ils lire Arthur Schopenhauer ?

« Tandis que la première moitié de la vie n’est qu’une infatigable aspiration vers le bonheur, la seconde moitié, au contraire, est dominée par un douloureux sentiment de crainte, car alors on finit par se rendre compte plus ou moins clairement que tout bonheur n’est que chimère, que la souffrance seule est réelle. »

26 novembre.- Ciel vitrifié. Vent glacial. (2°C)
Dallas, Kennedy, Oswald, Ruby, drôle d'enchaînement tragique. Dans On a tiré sur le président, Philippe Labro raconte ce qu’il a vu, senti, ressenti lorsque 50 ans plus tôt il fut l’un des rares journalistes français présent à Dallas lors du petit événement que l'on sait. Assez bon livre raisonnablement éloigné de la littérature grande presse et plus proche du reportage à la Hemingway que de toute autre chose. Il faut dire qu’il y a de la matière. Labro à croisé le regard d’Oswald, il a discuté avec Jack Ruby s’il a raté l’assassinat du premier par le second, il était là tout de suite après, furetant dans le garage du Dallas Police Headquarters, humant une petite odeur de poudre persistante au milieu des odeurs d’essence, interrogeant les policiers haut placés, longeant les murs gris noir aux plinthes jaunâtres de ce sinistre quartier général. Bref du journalisme, certainement filtré par un demi-siècle d’interrogations, mais du journalisme.

29 novembre.- Froideur.(3°C) Trop de labeur. Fini le livre de Philippe Labro. Pas mauvais.

30 novembre.- Soleil, vent glacé. (5°C) Travaillé nuitamment. Levé 12h00. Dans un état semi-flottant. Lu quelques pages de Jean Rolin. Pourquoi les bateaux coulent-ils ? L’anatife ce petit crustacé inférieur qui ressemble à un mollusque, mais qui n’en est pas vraiment un. Les connaisseurs l’appellent pouce-pied. Les connaisseurs sont souvent espagnols. Un espagnol ferait beaucoup pour avoir l’opportunité de dévorer une petite cargaison de pouce-pied au comptoir d’un café des Ramblas ou de la Porta del sol, c’est un peu son caviar.

1 décembre.- Morne platitude hivernale. (5 °C) Peu d’entrain, journée légumineuse. Néanmoins petit tour chez Rolin (qui ne déçoit jamais). Trafic d’ivoire et pépites cévenoles. À Bujumbura, plaque tournante du trafic d’ivoire, il n’y a pas d’éléphants, mais des hippopotames qui passent le plus clair de leur journée dans l’eau à frétiller des oreilles. Le soir venu ils folâtrent sur les pistes de l’aéroport divaguent au milieu d’une circulation automobile plus sybarite que mon genou gauche et paissent dès qu’un brin de graminée comestible pointe le bout de son nez… Un peu plus au nord dans les Cévennes, cette « Californie méconnue », les loups se nourrissent par prédilection d’ivrognes ruraux…

2 décembre.- Beau temps froid. (5°C) Lire Vassili Golovanov (Eloge des voyages insensés), Robert Byron (La route d’Oxiane), K.G. Schelle (L’art de se promener), Marcel Lévy (La vie et moi , Chroniques et réflexions d’un raté), Stanislas Rodanski (Je suis parfois cet homme)… Lire Pierre Girard (La Rose de Thuringe) : « Je n’avais jamais aimé jusqu’à alors. Quelles idées absurdes ne se fait-on pas de l’amour avant de le connaître ! Je croyais que pour aimer, il fallait des mois, des années. Je croyais à je ne sais quelle chaleur au cœur, à quelle langueur… Et voici, ce que j’éprouvais ressemblait beaucoup à une descente en ascenseur. Je restais stupidement le bras droit levé, serrant ma longue flûte de bière blonde, sans pouvoir reprendre mes esprits. J’étais comme ces chasseurs en train de boire, que surprend l’arrivée des biches. En un instant, du reste, je reconnus dans toutes mes pensées des jours précédents la présence de cet amour que je ne soupçonnais pas. C’était vers lui que je me dirigeais en croyant flâner »

5 décembre.- Brume et frimas. (2°C) Fatigue, trop flapi pour pouvoir espérer ânonner dans l’intelligible. Néanmoins : Le séquoia géant d’Amérique est un végétal d’un autre temps ; un genre de fossile animé, un peu comme si l’on voyait sautiller un diplodocus vivant.


2.


6 décembre.- Bruine, brume, pluie. Humidité engoncée. (1°C) Le meilleur écrivain d’Amérique ? « Qui était le meilleur ? Bukowski ? Burroughs ? Hunter Thompson ? Laissez tomber. J’étais le meilleur. Je n’écrivais pratiquement que des critiques de rock, et encore pas tant que ça… » J’entame Psychotic reactions et autres carburateurs flingués et d’ores et déjà je peux affirmer que s’agissant de lui-même Lester Bangs vadrouillait un peu dans le vrai. (La préface de Greil Marcus est assez amidonnée)

7 décembre.-Beau temps froid. (5°C) Lester Bangs a beau être plus relâché que straight et bien peigné il ne sacrifie jamais aux sirènes du second degré. Il aime vraiment ce dont il parle et si en le lisant nous pouffons parfois nous sommes le plus souvent saisi par les grandes pattes du désespoir. Un désespoir, tenace, crasseux, engourdit. Il suffit de lire la chronique qu’il fit d’Astral Weeks, le chef-d’œuvre supposé de Van Morrison pour constater à quel point il était un écrivain, un vrai, sans ostentation, mais avec tout son petit attirail, ses intuitions et ses affabulations : « Mais l’horreur superbe de Madame George et de Cyprus Avenue tient précisément à ce que ces deux titres évoquent des gens qui ne meurent pas ; nous contemplons la vie, dans ce qu’elle a de plus épanoui, et ces gens ne souffrent pas de maladie, mais de la nature, à moins bien sûr que la nature ne soit une maladie.
Un homme est assis dans une voiture, dans une rue bordée d’arbres, suivant des yeux une fillette de quatorze ans qui rentre de l’école et dont il est follement amoureux. J’ai failli en venir aux mains avec des amis, en raison de mon insistance à signaler qu’une bonne part des premières œuvres de Van Morrison comporte un thème pédophile, obsessionnellement réitéré, mais c’est là quelque chose qui peut à la fois être pris tel quel et bien au-delà. Il l’aime. À cause de cela, il est désemparé. Tremblant. Paralysé. Poussé vers la folie. Sans espoir. La nature le nargue, comme seule peut narguer la nature. Mais, pour commencer, l’amour est-il naturel ? Peu importe. À la fin de la chanson, il entre dans une sorte d’extase hallucinatoire ; la musique souffre et soupire tout en roulant vers sa fin. C’est la souffrance suprême : être emprisonné en tant que simple observateur. Et ce n’est peut-être pas très loin de T.B. Sheets, à ceci près qu’il doit être beaucoup plus romanesquement facile de s’asseoir pour regarder quelqu’un qu’on aime mourir, que de le voir en pleine jeunesse, en pleine santé, en sachant que jamais vous ne pourrez l’avoir, ni même lui parler. »

8 décembre.- Ciel gris-bleu, figé. (2°C)
Bangs. Drôle de mystère. Pourquoi ces groupes à l’incompétence notoire, ces Fugs, ces Godz, méritent-ils plusieurs « étoiles » alors qu’ils sont minables au plus haut point ? Certainement parce que leur approche de la musique est si sommaire qu’ils ne peuvent qu’inventer. On trouvera donc plus « d’idées » dans tout leur fatras bancal que chez d’autres, très maîtres de leur technique et très conscients de la tradition qui coule (E Clapton).
Les Stooges sont un autre exemple, ils enregistrent sans vraiment connaître leurs instruments. Le Velvet est encore pire. Cette petite troupe sybarite oublie qu’elle est pour l’essentiel formée musicalement et rend délibérément ses titres plus simples, bruts et déjantés. De là à penser qu’il y a de la perversité qui rôde il n’y a qu’un pas.

9 décembre.- Ciel givré. (2°C) Vidé par le labeur. Cogito en berne. Pas d’inspiration. Pour espérer écrire, il me faudrait oublier ce quotidien-là. Chose impossible. Sans labeur blah,blah,blah…. Je ressasse donc ma fatigue, j’oublie mes mots.

11 décembre.- Brouillard. Frimas. (-1°C) Travaillé nuitamment. 12 heures. Sachant que l’on ne devrait JAMAIS travailler, c’est beaucoup trop.
Bangs/Reed. Drôle de rencontre. Dans le genre croquignolet, il n’y a guère mieux, c’est presque un sommet. Lou en pleine période blond peroxydé, ressemble à un Keneth Anger bubblegum voire à un membre des jeunesses hitlériennes tout juste un peu décavé. En coulisse la fameuse Rachel veille sur lui. Un genre de début de poitrine lui pousse ce qui forme un joli contraste avec sa barbe de trois jours. Bangs n’est pas en reste, il est presque pire en mieux, constamment ivre et enrobé d’une gangue de narcoleptiques divers et variés. Lou aime assez Lester qui lui idolâtre Lou. Les insultes fusent par-ci par-là (connard ! débile  !). Il est question de Metal Machine Music cet enregistrement un brin strident que vous devriez faire subir à vos voisins les plus méritants. Ce sera tout pour aujourd’hui.

13 décembre.- Brouillard. (0°C) Un petit tour chez Joseph Joubert : « Regarder une mauvaise peinture avec respect, et une bonne avec délices, c’est la plus louable, et je dirai même la plus honorable disposition où puisse se trouver et se montrer une honnête ignorance. ». Un petit tour chez Cioran : « The Anatomy of Melancholy de Robert Burton. Le plus beau titre qu’on n’ait jamais trouvé. Qu’importe après que le livre soit illisible ? »

14 décembre.- Beau temps froid. (7°C)
Lester Bangs passe du croquignolet au bouleversant. Croquignolet lorsqu’il interview Lou Reed (sur Metal Machine Music). Bouleversant lorsqu’il évoque la mort de Peter Laughner son double de Cleveland. Celui qui jouait un mélange emphétaminé de Velvet et de Stooges et qui pouvait écrire des lyrics d’un niveau alpestre :« I can’t think. I’need a drink. Life stinks. ». Évidemment quand Bangs évoque la déchéance de Laughner il évoque aussi la sienne. À quoi bon mourir jeune en voulant être un autre Lou Reed alors que l’original vit très bien et se reconvertira bientôt dans la pratique de la motocyclette et le bonheur conjugal ? Drôle de prescience, papier perturbant que l’on lit avec du gravier dans la gorge et une large pointe au creux de l’estomac. Suis un long reportage consacré au Clash et à l’une de ses tournées initiales en 1977. Rien de goguenard, aucun second degré, que de l’humanité bravache, rien que de l’humanité bravache.

15 décembre.- Soleil, mais le brouillard descend, il est déjà presque là. (5°C)
« Nous étions jeunes, idéalistes, amoureux. Nous étions des comas diabétiques ambulants, trop assommés pour nous trouver un service de diabétologie au cas où toute la guimauve sentimentale que nous avalions nous serait remontée dans les canaux lymphatiques. Six mois plus tard, elle me quitta afin d’écouter les Sex Pistols en paix ».
Aujourd’hui j’ai failli être inspiré, mais finalement je ne l’ai pas été. Si j’avais été inspiré je vous aurais peut-être parlé du sérieux de Lester Bangs, de son honnêteté et du fait que ce qu’il écrivait été plus viscéral que toute autre chose. Je vous aurais peut-être aussi parlé de Richard Hell et d’une cohorte de punks débiles, crachant, sautillants, attendrissants pas plus dangereux que certains conglomérats de hippies remplis de mauvaises vibrations. Je vous aurais aussi peut-être parlé de la scène du CBGB, de son racisme ordinaire, du speed et de la vodka.


3.




17 décembre.- Ciel clair, quasi-douceur. (12°C)
Pas d’humeur. Gracq, entretiens. Breton et le surréalisme. Pour Gracq Breton est un phare. Phare bien vieillot n’éclairant plus grand-chose. C’est le problème, et l’avantage, des modernités elles n’éclairent que leurs temps oublient la durée et virent assez vite à l’obsolescence non programmée.

19 décembre.- Pluie continue. Température plus douce. (11°C)
Les premiers hommes chantonnaient tant bien que mal sur une échelle musicale de cinq sons. Ce faisant ils utilisaient ingénument la gamme pentatonique mineure qui comme chacun le sait comprend les intervalles suivants : tonique - tierce mineure - quarte - quinte - septième mineure. À leur retour de la chasse on pouvait donc les entendre psalmodier en pentatonique , ce n’était certes pas très harmonieux, presque du Stravinski en pire, mais ils y mettaient du cœur. Les Grecs qui étaient bien plus raffinés chantaient en utilisant une gamme descendante de sept notes. Les Romains, qui suivirent les Grecs, étaient de piètres chanteurs, ils préféraient, les jeux du cirque, le sang et le son du buccin, une proto trompette soldatesque de forme semi-circulaire. Les premiers vrais chants agréables furent les chants chrétiens, ils se souvenaient des rites hébraïques, il y avait de l’âme dans les gosiers, quelque chose d’harmonieux un début d’enchantement. Ne me parlez pas des chants chinois anciens, du pentatonique strident ; tout bruit modulé n’est pas un chant.

20 décembre.- Nuages, fraicheur. (7°C)
Les danseurs un brin conséquents sont souvent d’une légèreté et d’une souplesse qui semble oublier le corps et ses équilibres ordinaires. On pourrait presque dire de ces petits gars-là qu’ils n’ont pas de dehors et que le monde dans lequel ils sautillent est un autre monde, un monde tissé par leurs propres pas, leurs propres gestes, un monde détaché de tout MILIEU.

21 décembre.- Soleil voilé, tentation brumeuse. (7°C) Considérablement, sec, restons le petit télégraphiste de nos lectures. Fini le spicilège de Lester Bangs. Entamé les Chérubins électriques, seul roman de Guillaume Serp (L’Éditeur singulier a eu la très bonne idée de le rééditer sous une belle couverture jaune saturé). Sous son vrai nom : Guillaume Israel, Guillaume Serp était le chanteur des Modern Guys un bon groupe de post-punk parisien chic. Il a écrit l’une des rares belles chansons françaises de ses 30 dernières années (La Tour de Londres/Pise avec JF Cohen). Il est mort d’une overdose en 1987. Il avait 27 ans, c’est un peu jeune pour mourir. Son roman est plein de charme early eighties, léger, acidulé, parfois maladroit comme pourrait l’être un Eric Rohmer juvénile… Enfin pour l’instant. Je n’ai lu que 80 pages.

22 décembre.- Nuages. Douceur sournoise. (13°C)
« Metal – Machine – Music. Ma vie n’est qu’un mauvais jeu de mots. Romance de machine, machine pour les sourds, machine métallique »
Passé la journée dans un embrun alcoolisé. Lu tout de même une bonne moitié des Chérubins électriques. Le livre écrit dans un nuage de poudre m’est très bien passé. Douceur paradoxale. Je ne m’étendrais pas sur cette belle radiographie de la fracture 78/83. J’en suis bien incapable, car je tangue voyez-vous.

27 décembre.- Journée globalement ensoleillée, pour rien. (8°C) Guère d’entrain. Pour le très sceptique Cioran, la vulgarité est toujours contagieuse alors que la délicatesse ne l’est jamais. Je ne tamponne pas tout à fait. La vulgarité est certes contagieuse, mais la délicatesse peut parfois se révéler doucement épidémique. Pour preuve il y ce petit halo qui me monte au-dessus de la tête lorsque je croise un être délicat. Me voilà le coeur léger, sautillant dans un ailleurs sans pesanteur, faisant sautiller ceux que je croise dans le même ailleurs. Il faut encourager la pandémie.

28 décembre.- Pluie gourde. (7°C)
Les (mes) années 80 n’auront duré que 5 ans, de 1978 à 1983. Le roman de Guillaume Serp aurait pu être LE livre de cette charnière-là. Il ne l’est pas tout à fait. Trop de circonvolution autour du romantisme de la drogue, trop de clés cachées sous les tapis de la fiction, trop de maladresse, un peu d’ennui (il m’a saisi aux alentours de la page 160). Ce n’est qu’un livre attachant où l’on sent poindre un vrai écrivain en devenir, c’est déjà beaucoup et finalement c’est ce qui est triste.

PS.-Les années 80 communément admises, celles des garçons coiffeurs new-pop et de l’esprit d’entreprise, commencent en 1983 et s’achèvent en 1989. Ce sont des années 80 bis.

29 décembre.- Ciel bleu pâle. Rares nuages, au loin, en amorce. (6°C)

« Ce blanc aurait pu être celui de certaines pierres, dont l’effort vers la transparence s’est heurté à trop d’opacité, et dont toute la lumière est tournée vers l’intérieur. »

Gadenne, Baleine. Une baleine échouée, belle masse blanche posée et brillante comme une carrière de marbre. Un homme, une femme qui croyant ne voir qu’une bête ensablée se retrouvent à contempler une planète morte. La putréfaction qui monte, une odeur de mort, des masses roses sur du blanc laiteux. Le reflux de l’eau qui bat méthodiquement avec l’obstination des choses qui se font sans savoir. Cette certitude que la vraie foi doit ressembler aux atomes : il suffit qu’il y en ait un qui éclate… Courte nouvelle, courte merveille. La force d’un constat métaphysique ou rien n’est jamais souligné, mais où tout est saisi par la sensation.

Raymond Guérin, Représailles. Libération, fin de partie, cour martiale, vrais résistants, résistants de la dernière heure, prisonniers qui attendent, qu’on oublie trop là-bas en Barbarie. Pas le meilleur de Guérin, trop désabusé et pas encore libre il ne le sera jamais vraiment.

2 janvier.- Douceur gâtée. (12°C) Lourde journée post agapes.
« Il est certain que toute espérance est absolument inutile quoiqu’il advienne. »
Dominique de Roux, Immédiatement. Fragments gaullistes toisant. De Roux se voit très haut… trop haut ?

3 janvier.- Petite pluie fine mais sournoise. (9 °C)
« Dans le mot œil, il y a le mot loi. - Tout regard contient la loi ». Edmond Jabès
Lever 5 heures. Labeur. Sieste. Entamé Une vérité si délicate mon premier Le Carré depuis… 30 ans. Thé, Darjeeling, infusion 2 minutes à 85°C. Le temps qu’il m’a fallu pour écrire ces quelques lignes. Rien d’autre.


To be continued


Aucun commentaire: