dimanche 7 septembre 2014

Psychogeographie indoor (51)



« Lire, c’est rêver en se laissant conduire par la main. Lire mal et d’un coup d’œil nous libère de la main qui nous conduisait. La superficialité dans l’érudition, voilà la seule façon de bien lire et d’être profond » (Fernando Pessoa)


1.


3 janvier.- Petite pluie fine mais sournoise. (9 °C)

« Dans le mot œil, il y a le mot loi. - Tout regard contient la loi ». Edmond Jabès

Lever 5 heures. Labeur. Sieste. Entamé Une vérité si délicate mon premier Le Carré depuis… 30 ans. Thé, Darjeeling, infusion 3 minutes à 85°C. Le temps qu’il m’a fallu pour écrire ces quelques lignes. Rien d’autre.


4 janvier.- Ciel bleu-gris. Quelques averses. Douceur mièvre.(11°C) Drones, technologie, guerre privée, lanceurs d’alertes, trahison sociale démocrate… En 30 ans tout a bien changé chez le talentueux Mr. Le Carré. Enfin, tout a changé pas tant que ça : les hommes, eux, non pas vraiment changé.
Mort de Phil Everly. Son frère pleure, seul sous la pluie…

5 janvier.- Quelques restes tempétueux. Un orage en hiver comme si cela était possible. (8°C)
Toujours plongé dans l’embrouillamini de Le Carré. Globalement assez à mon goût. Pas loin de ses meilleurs high shots et de George Smiley. Vu un film gaiement charnel : The Notorious Landlady. Le corps de Kim Novak qui est très, très… enfin qui est très, très, très. Les petits pas sautillants du toujours svelte Fred Astaire. Le visage élastique de Jack Lemmon. De purs moments burlesques, un barbecue incendiaire, une fin farfelue en bord de mer… Au-dessus de tout ça l’élégance feutrée d’un homme amoureux : Richard Quine, l’inventeur de Kim Novak. (J’aime beaucoup Richard Quine).
Écrit une petite chose sans conséquence sur la mort de Phil Everly (qui ne fais pas trop l’affiche, ici). Mort d’ Eusébio footballeur conséquent, très conséquent. 2014 commence bien mal.

7 janvier.- Soleil. Quasi douceur. (14°C) Pour Gracq finir un livre c’est toujours une longue histoire. Il faut passer par des périodes de blocages qui peuvent durer, mais qui sont tout à fait nécessaires. La patience fait le reste. Pour Valery il suffit de ne pas s’énerver, d’entreposer ses doutes et se hésitations dans un coin de l’esprit. Au bout d’un moment, tout s’améliore, s’illumine de l’intérieur. Le livre donne l’impression de s’écrire tout seul.

8 janvier.- Soleil. Douceur hors de saison. Faut-il s’en réjouir ? (17°C) Lever 5 heures. Labeur. Sieste. Thé, Ceylan Kenilworth, infusion 4 minutes à 90°C. Cioran, Cahiers. Mes joies sont des tristesses latentes.

10 janvier.- Beau temps surprenant. (15°C) L’âge aidant tout ce que je perds en douceur je le gagne en colère. L’inverse devrait être la règle. Humeur guère sautillante. De Roux : Immédiatement, sans entrain. Cioran : Cahiers, sans plus. Pour le reste Julie G m’a déçu et pas qu’en bien.

11 janvier.- Ciel bleu blanc, rares taches mordorées. (12°C) Fini le petit puzzle de Le Carré. Évidemment pas un parangon de TGL (très grande littérature) mais dans le genre Graham Green amoindri allez trouver mieux !

12 janvier.- Nuages, retour de froideur. (4°C) L’invisible de Rosset. Croire voir, croire penser alors que rien n’est vu, rien n’est pensé, alors que tout est niché dans une multitude d’interstices invisibles. Grande illusion des hommes. Quant à la musique : « C’est pourquoi d’ailleurs il n’existe pas d’objet d’amour : pas de visage ou de corps dont on puisse s’éprendre, mais une infinité de visages et de corps qui voltigent autour de la personne aimée, comme voltige et se dérobe l’image d’un visage autour de l’esquisse proposée par Wittgenstein. »

13 janvier.- Pluie. (7°C) Le XXe siècle n’avait pas grand-chose pour lui. Le XXIe siècle est presque pire. En tous les cas, l’époque est sinistre à tout point de vue.
Rosset et l’invisible. Entre l’illusoire et le réel, c’est toujours l’illusoire qui gagne. Bien vu…

16 janvier.- Pluie. (7°C) Dix pages de Clément Rosset (l’Invisible), trois pages de Cioran (Cahiers), une pensée de Joseph Joubert. Pour le reste le temps coule, il est rigide, mais il coule… « …les mots employés par les poètes ont pour les yeux un certain phosphore, pour le goût un certain nectar et pour l’attention une ambroisie… »

17 janvier.- Beau temps, semi-printanier. (14°C) Triste réalité, tangible et palpable, Rosset et son Invisible me sont tombés sur les genoux. Le volume fort peu replet je n’ai pas eu à subir de lourds désagréments physiques, mais pour ce qui est du reste, c’est bien autre chose. Pour tout dire me voilà avec un petit air contrit, pris au dépourvu par un texte qui m’a globalement ennuyé, l’âme agacée. (Ces réserves tiennent plus de moi que de tout autre chose, le livre est certainement très bien, mais c’est ainsi)  



2.





18 janvier.- Nuages. (8°C) Je m’ennuie de tout. Ce faux journal n’est pas étanche il devient lui aussi ennuyant. Il me reste à sauver les apparences. Bring the Noise. 25 ans de Rock et de Hip Hop. Beau recueil d’articles par l’impeccable Simon Reynolds. Déliquescence new-jazz, new-soul, new-pop, new tout ce que vous voulez, soul blanchie sous le harnais de la politique, débuts des Smiths et de Morrissey, pop en anorak, Hip Hop furibard… tout est analysé avec une hauteur de vue, une quasi-prescience qui force le respect. (En gros une histoire de frustration, de corps, de blancs, de noirs).

« … face à l’adaptabilité infinie du capitalisme consumériste, la réponse radicale est l’abstention, l’obstination à l’inadaptation »

19 janvier.- Pluies éparses. (9°C) Il y a souvent plus de réponses dans les questions que dans les réponses : « L’incertitude de Dieu est pareille au flux et au reflux de la mer. Elle engendre la parole par laquelle l’homme proclame sa certitude. » (E.Jabès)
Simon Reynolds : Dinosaur Jr, Pixies, Morrissey. Petits blancs avec toute la grande force de l’apathie. Nothing else.

20 janvier.- Nuages. Quelques gouttes égarées. (7°C) La corde ou le gaz ? La corde, trouvez-moi un réverbère !

J’ai trois chaises à ma disposition : une rouge en fer ; deux blanches en bois. J’ai aussi une vie qui gît et que je regarde comme si elle n’était pas à ma disposition.

21 janvier.- Nuages blanc-bleu. (6°C)

« Il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à ta table et écoute. N’écoute même pas, attends seulement. N’attends même pas, sois absolument silencieux et seul. Le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques, il ne peut faire autrement, extasié, il se tordra devant toi. »

Le petit bruit sournois que fait ma pendule toutes les secondes me rappelle que le temps se perd, se gâche, se ruine sur lui-même avec un contentement qui ne me sied guère. Nonobstant J’attends et tout en attendant j’entame chichement un « inédit » de Franz Kafka : Chacun porte sa chambre. Des pages retrouvées, de courts paragraphes lumineux à la façon de Robert Walser. (Ne pas oublier l’immense influence de l’un sur l’autre et ce n’est pas qu’une question de chapeau).

23 janvier.- Nuages, pas de vent, tout semble figé dans une immobilité de pierre. (7°C) Cinq murs, deux fenêtres, trois chaises, un canapé, un bureau, une bibliothèque. Moi petite chose, au milieu.
Picoré chez Joubert, Cioran et Kafka ; surtout Kafka : « Celui qui vit abandonné et aimerait cependant être relié de temps à autre à la vie extérieure, celui qui, en tenant compte des changements de la journée, du temps qu’il fait, des conditions de travail et d’autres choses semblables, veut voir le premier bras venu auquel il pourrait se tenir, celui-là ne pourra pas se passer longtemps d’une fenêtre donnant sur la rue. Et même s’il en est au point de ne plus rien chercher, même s’il n’est plus qu’un homme fatigué qui vient se mettre sur l’appui de la fenêtre pour lever et baisser les yeux entre le public et le ciel, sans plus rien vouloir et la tête un peu rejetée en arrière, les chevaux en bas l’entraîneront malgré tout dans leur cortège de voitures et de bruit, et le conduiront enfin jusqu’à l’harmonie humaine. »

25 janvier.- Nuages figés, semi-froideur. (5°C)
« Les bruyants ont constamment une sorte de sourire entendu et, du coup, ils vous écrasent, ils oublient les lois magnifiques de ceux qui aiment la paix. Le discret arbora soudain un grand sourire ; il se trouvait tout aussi comique que le sonore. »
Malade. Rendu à l’état d’une cucurbitacée courbaturée. Néanmoins toujours dans le livre de Simon Reynolds, vraiment passionnant (ces petits blancs qui se prennent pour des noirs apeurés). Fait un petit tour chez Walser et Kafka avec cette simple constatation : leurs textes courts ont beaucoup à voir entre eux.


« A partir d’un certain point il n’y a plus de retour. C’est ce point qu’il faut atteindre. »

26 janvier.- Petite pluie saumâtre. (7°C) Malade. Passé la journée dans un sourd balancement antalgique. Malgré cela continué la lecture de Bring the noise. Le Gangta-rap ce blues moderne, Timbaland et les sirènes R’n’B, l’influence de la cocaïne sur le son Dubstep, cette attention obsessive-compulsive aux petites choses qui explique la miniaturisation et les microrythmiques de cette musique perçante, craquante dans les aigus.Constatation : Simon Reynolds est toujours accompagné d’un petit arsenal théorique qu’il meuble avec des néologismes joliment trébuchants.
Pour le reste ce drôle d’écho entre Cioran et Walser : « il y a plus d’élégance dans la résignation que dans la révolte, et plus de beauté dans l’anonymat que dans le vacarme. »

28 janvier.- Halo blanchâtre, fraicheur de saison. (7°C) Malade, l’air d’un paquet de linge sale. Lisant quelques pages de l’ami Kafka je me suis endormi. À mon réveil j’étais plus léger, le monde était comme autre et une petite pointe de contentement m’est montée au creux de l’estomac.

30 janvier.- Nuages. (6°C) J’ai été recensé, j’existe donc vraiment. Je lis le Livre du Thé Okakura Kakuzô (c’est un cadeau). Belle édition sans chichis, magnifiques estampes d’Hokusai… 

« Selon l’une de nos expressions usuelles, une personne “manque de thé” lorsqu’elle se montre insensible aux épisodes tragi-comiques qui ponctuent l’existence. Mais notre langue stigmatise également l’esthète sauvage qui, indifférent à la tragédie du monde, s’abandonne sans retenue au flot de ses émotions ; de celui-là, elle dit qu’il a “trop de thé”. »

31 janvier.- Soleil voilé. (6°C) Simon Reynolds. Sociologie du Rap. Player et hate-player. Le Player est une sorte d’Ubu satisfait qui fait boire du Moët & Chandon à son Rottweiler. Il dilapide, dépense à tout va et les autres le regardent dépenser avec une petite pointe de haine qui monte (ce sont les hate-player). En somme le Player accomplie un « programme bataillien », il transcende le possible, gâche tout pour mieux se gâcher, il n’y a d’êtres libres que gâchés… On se demande si Reynolds, à l’instar de Greil Marcus, n’intellectualise pas trop…


3 février.- Beau temps froid, soleil magnifique. (3°C) Malade. Problème de tuyauterie. Perdu 6kg en trois jours, c’est beaucoup il faut bien l’avouer. Cela ne m’a pas empêché de poursuivre la lecture de Simon Reynolds entre deux aller-retour où vous savez. Lecture picorante et homéopathique, allez-vous concentrer en borborygmes, chuintements et éructations, mais lecture tout de même satisfaisante. Les scènes UK (Garage,2step, dubstep, jungle, hardcore, gabber tout ce que vous voulez) et leur sociologie un brin compliquée (encore une histoire de noirs et de petits blancs). Réhabilitation de Radiohead (ces temps-ci on moque beaucoup Thom York et sa voix d’alouette coincée sous la douche).
D’autre part, trop de livres à lire, cela devient un problème.



3.



4 février.- Beau temps, du soleil. (10°C) Toujours malade. Relu la Rue profonde de Paul Gadenne. Grand petit livre sur presque rien (l’écriture d’un poème) mais qui parle de l’essentiel (dans une optique kierkegaardienne) « N’insistez pas, je vous en prie, mes soirées sont prises. J’ai rendez-vous avec quantité de façades déchues, de cafés déserts, de fenêtres closes, de canaux obscurs et de ruelles insipides où personne ne m’attend, mais où je suis pressé d’aller, pressé d’attendre, pressé d’écouter le temps qui passe. »

5 février.- Bourrasques et petit crachin. Reste tempétueux. (8°C) Dans la Rue profonde Gadenne se perd volontairement plusieurs fois. Il marche au hasard, croise des ouvriers, des chauffeurs d’autobus, des maçons vêtus de bleu qui parle une langue pure. Il s’enfonce dans des quartiers de plus en plus singuliers, de plus en plus perdus à l’extrémité la plus déserte de son monde. Tout ce qui tient de cette errance-là, de cette psychogéographie avant l’heure légale, est magnifique. Pour le reste : IL FAUT SE MEFIER DU ROMANESQUE !

7 février.- Violentes averses. (10°C) Lu quelques pages de Kafka au débotté. Elles m’ont laissé flottant comme absent de moi-même…

8 février.- Ciel changeant, giboulées. (10°C) Retour chez le bienheureux Raymond Dumay. Entamé goulument sa Route de Bourgogne. Il est toujours monté sur Pégazou ce vélomoteur Terrot qui rame dans les côtes, galope sur terrain plat, vol au-dessus du goudron fondu avec la grâce d’un cheval ailé. Direction le Sud (de Paris), la Bourgogne, ses villes et villages, ses vins, ses écrivains, il y a de la matière. On commence par Avon, qui n’est pas encore en Bourgogne, mais qui est sur le chemin. Drôle de prieuré et une jeune fille des mers du Sud qui y est morte, Katherine Mansfield. On continue la route en passant par Saint Sauveur en Puisaye, le gros bourg où Colette passa son enfance puis c’est Vermenton une jolie petite ville pour Parisiens pêcheurs à la ligne et amateurs de Pernod. Arrivés à Sacy nous voilà vraiment en Bourgogne, ce très petit village est le très petit village où naquit Restif de la Bretonne, ce n’est pas peu vous en conviendrez. Non loin de là Noyers est une ville herbeuse et douce les rues portent des noms archaïques, telle le place de la Petite-Etape-Aux-Vins. S’il n’y a d’Avenue Jules Ferry ce n’est pas par mépris, «  mais avec tout ce travail que donnent les oiseaux, les lauriers roses et les bambous, qui donc aurait le temps de décrocher l’enseigne de la rue du Poids-Du-Roy ? » La grande route passe à côté de Noyers et l’on y vit pour le mieux. Suivent Chablis,Clamecy, Vézelay, Dijon, Gevrey-Chambertain, Beaune, Autun…Dumay en parle avec un bonheur toujours égal. Il parle aussi de Romain Rolland de Jules Renard (qu’il admire, mais n’aime pas), de Buffon, de Stendhal, de Gaston Roupnel, de Paul Cazin… Des villes, des villages, des écrivains et puis du vin, beaucoup de vin…

9 février.- Ciel changeant. (8°C) Tiens chez Dumay Chalon-Sur-Saône est tout à fait sybarite. C’est une ville du far-west avec des rues qui débordent de filles aux joues roses. Quelque chose de dionysiaque y flotte dans l’air. Tournus est plus sage, plus gastronomique et plus littéraire, on y mange de délicieuses grenouilles et c’est la ville de ce bon Thibaudet. Dumay n’oublie pas de célébrer les paysages de la Bresse, cette plaine qui n’offre rien, mais qui peut tout donner (Enfant j’y ai passé l’essentielle de mes congés estivaux et je peux affirmer que sous la platitude apparente il y a bel et bien des trésors cachés). Pour le reste petit tour chez Lamartine et Blanchot… Drôle d’histoire autour des origines bressanes de la famille de Gaulle. Des filles aux longues jambes bronzées, d’autres écrivains, du vin, encore du vin… Le voyage s’achève sur l’un des quais de la gare de Mâcon. Il me reste à lire les deux dernières routes de Raymond Dumay (Languedoc, Provence).
Demain petit tour chez Paul Valery. Je vérifierais s’il est obsolète dans le sens de la noisette, ce genre de choses.

11 février.- Beau temps, pour rien. (10°C) Lever 6h. Labeur. Sieste prolongée. Thé Ceylan Kenilh-worth, infusion 4 min à 90°C. Picoré dans les Cahiers du terrible fildefériste roumain Cioran. Toujours septique et en équilibre au bord du doute. Picoré dans le Tel Quel de l’Académicien Valéry. Toujours cette intelligence pure qui jouit sans fin de son propre cerveau. Et tout ce blanc, cette lactescence.

13 février.- Beau temps, quasi douceur. (12°C) Valery. Kafka. Cioran. Joubert… Le temps passe….

14 février.- Des averses. (12°C) Cioran traîne jour après jour sur un petit bout d’espace, en marge de l’univers, au milieu d’une infinité de mots tus. Valery pense que la sincérité voulue mène à la réflexion, qui mène au doute, qui ne mène à rien. Quant à Joseph Joubert il remplit ses phrases de mots anciens auxquels il donne un sens nouveau. On enrichit la langue en la fouillant, en malaxant ses plus anciennes strates comme on malaxe une terre meuble.
Entamé Malgré Fukushima, Journal japonais d’Éric Faye, chez Corti.

15 février.- Ciel gris-jaune, pluie oblique, douceur pataude. (12°C) Pendant quatre mois, d’aout à novembre 2012, Éric Faye fut l’hôte de la Villa Kujoyama à Kyoto. Cette Villa qui se veut l’équivalent nippon de la Villa Médicis doit être un brin inspirante, car Malgré Fukushima, ce Journal japonais qu’il à écrit là-bas est tout à fait intéressant. Loin d’une montagne diariste plutôt un petit tumulus de notes frôlant la littérature de voyage, celle de Nicolas Bouvier bien évidement. Le béotien y apprend moult choses tout en retrouvant une couleur qu’il croyait perdue. Il s’étonne. Il ne se lasse pas. Ce n’est pas rien.
Élégantes Japonaises opalines cachées sous leurs ombrelles, souvenirs d’Hiroshima qui remontent, le No et le Kabuki, des cyclones, ces Japonais enlevés par la Corée du Nord et puis des petits robots inquiétants… Vivement la suite.

16 février.- Chape nuageuse, une courte soleillée à 16h05. (10°C) Le Japon est une longue virgule plissée qui si on la mettait à plat deviendrait considérablement plus vaste, une petite chine à la dérive, les pieds bien au chaud et la tête dans le freezer.
Dans Malgré Fukushima Éric Faye, sautille de parallèle en parallèle tout en visitant quasiment tout de cette longue virgule plissée. Il passe de la tiédeur d’Okinawa au blizzard fourbe de Sapporo, prend trains, avions, bateaux, tout ce que vous voulez… Il y a des villes modernes et antédiluviennes, des cèdres ayant plus de deux mille six cents ans. Il y a aussi beaucoup de verts, une multitude de verts comme on n’en trouve pas par chez nous… Quant aux Japonais ils sont toujours aimables, jamais inquiets, comme enveloppés dans une gangue de douceur que même les représentations du théâtre Bunraku, neuf heures de marionnettes stridentes et de Shamisens grinçants, ne peuvent endurcir. Au total, bon petit livre qui mériterait un compte rendu plus conséquent.

17 février.- Beau temps, douceur. (12°C) « Un esprit véritablement précis ne peut comprendre que soi et dans certains états ».

20 février.- Temps incertain, mi humide avec quelques soleillées parcimonieuses. (13°C)
A small piece of Paul Valéry : « Le désir d’avoir une âme et de n’être immortellement que cette âme, ce désir doit pâlir singulièrement près du désir d’une âme d’avoir un corps, et une durée. Elle céderait son royaume même pour un cheval. Un âne, peut-être ? »

21 février.- Des averses. (8°C) Ce petit journal devint au fil des jours une petite armoire à citations un peu bancale. Je me demande si c’est une si bonne chose que cela. En tous les cas l’intérêt s’estompe.

« Un zoologiste qui, en Afrique, a observé de près les gorilles, s’étonne de l’uniformité de leur vie et de leur grand désoeuvrement. Des heures et des heures sans rien faire… Ils ne connaissent donc pas l’ennui? Cette question est bien d’un homme, d’un singe occupé. Loin de fuir la monotonie, les animaux la recherchent, et ce qu’ils redoutent le plus c’est de la voir cesser. Car elle ne cesse que pour être remplacée par la peur, cause de tout affairement.
L’inaction est divine. C’est pourtant contre elle que l’homme s’est insurgé. Lui seul, dans la nature, est incapable de supporter la monotonie, lui seul veut à tout prix que quelque chose arrive, n’importe quoi. Par là, il se montre indigne de son ancêtre: le besoin de nouveauté est le fait d’un gorille fourvoyé. »


To be continued







2 commentaires:

Une année au soleil a dit…

Bonjour mon ami,
"Mon ami" parce que je viens te lire de temps en temps et ça me console. Moi aussi ma vie me parait parfois vide. Vide des espoirs de jeunesse non cultivés, vide d'une capacité actuelle à partager à vivre avec d'autres, vide du poids du passé. Mais cette fuite est en même temps riche d'une sensibilité préservée, d'une culture... Ce doit être ça qui me console.
Merci

Une année au soleil a dit…

Bonjour mon ami,
"Mon ami" parce que je viens te lire de temps en temps et ça me console. Moi aussi ma vie me parait parfois vide. Vide des espoirs de jeunesse non cultivés, vide d'une capacité actuelle à partager à vivre avec d'autres, vide du poids du passé. Mais cette fuite est en même temps riche d'une sensibilité préservée, d'une culture... Ce doit être ça qui me console.
Merci