dimanche 10 avril 2011

Psychogeographie indoor (20)


1.

« Le crépuscule met un tel silence dans la demi-obscurité, un tel détachement, un tel renoncement, quelque chose de tellement immatériel qu’il y a un moment où la chambre semble être solitaire, inhabitée, sans nous-mêmes. On s’est tellement imprégné de mutisme, tellement abandonné à la mort de la lumière, à son secret, à sa décomposition fluide et invisible, qu’à l’instant où l’on veut se ressaisir, on n’est plus. On s’est évanoui, en tant que pure et simple conscience de la chambre elle-même ; quelque chose de semblable au mystère de la métempsycose ou de la désincarnation s’est opéré ; nous avons été comme peu à peu absorbés par les murs ; nous nous sommes retirés. »

(Ramón Gómez de la Serna, Échantillons)

Cet hiver fut curieux, doux puis froid, froid puis doux. Il neigea beaucoup, puis il ne neigea plus du tout. C’était un peu comme si la Sibérie tombait à l’eau. On ne savait plus sur quel pied gigoter, on ne savait plus s’il fallait se réchauffer ou pas, s’il fallait porter chandail ou chemisette. Bref, la perplexité météorologique régnait et l’humeur était maussade.
Pour m’extirper du maussade, retrouver un semblant de halo, il me fallut sans cesse lutter contre la morne appétence de cette météorologie fluctuante. Cette lutte n’aura pas été vaine, car si cet hiver faillit bien m’avoir, finalement c’est moi qui l’ai eu. Ainsi, il agonise et moi je suis là, vivant toujours, encore…

Tiens pour célébrer cette victoire, ma victoire, j’ai « mis » le nez dehors et j’ai lu quelques pages de Ramón Gómez de la Serna. Pour l’anecdote, je dirai que ces pages étaient d’un esprit tendre et éclairé et qu’elles étaient presque toutes délicieuses. Ensuite j’ai dégusté une madeleine que j’ai accompagnée par une quantité mesurée de Coca Zero (l’aspartame est cancérigène). Puis un peu repu et assez fatigué par une rude journée de labeur je me suis endormi face au soleil (le soleil est également cancérigène).
Me réveillant à l’instant je constate que la lumière est déjà passée sous les toits, que la fraîcheur tombe et que mon optimisme météorologique était peut-être un peu trop précoce. On annonce un tremblement de terre au Japon, un Tsumani et des morts à foison.


2.



15 Octobre.- Froideur ambiante. Humeur automnale. Ce matin, un chapitre de Thomas Browne — sur la pierre d’aimant — assez embobeliné et pour tout dire emberlificoté. Enchaîné par Le Jacassin de Pierre Daninos : tous les inconvénients du vieillot, mais les avantages de la désuétude. Un peu beaucoup dictionnaire des idées reçues. Le début est très bon, le reste moins. Commencé le journal de Charles Du Bos que j’entame par le volume du milieu : 1926-1929. Après cinquante pages je l’aime déjà beaucoup…

22 Octobre.- Temps frais ; mi-nuageux, mi-indéfinissable. Avançons une hypothèse hasardeuse : si le Journal de Charles Du Bos est réputé précieux c’est peut-être parce que c’est un journal essentiellement dicté et non rédigé. Nous entendons donc une voix plus que nous ne la lisons, et cette supposée préciosité que nous croyons discerner n’est peut-être que la préciosité d’une voix — d’un ton — début de siècle (dernier).

Chose assez cocasse : Du Bos est le roi du tiret - il en pose un peu partout — et l’on se demande comment une voix peut bien finir ainsi circonscrite entre deux fois ce signe-là. (Entre deux tirets il pose du factuel, il se contredit, il digresse, il discute avec lui-même, il est un peu schizophrène…)


23 Octobre.- Temps frais ; de saison. Chez Charles Du Bos le sensuel domine ; il n’est qu’un émotif ému par des « sujets intellectuels » et en aucun cas un intellectuel. C’est la simple remontée de ses émotions — profondes — qui tient chez lui lieu de pensée.

« Le malentendu commence, par l’incompréhension de l’intellectuel-né, à l’égard de la sensation. Le miracle de la sensation c’est l’alliage de l’absolu de la précision, de l’unicité, de tout ce qui rend si bien l’adjectif unmistakable, avec une ouverture soudaine sur l’illimité. Les adversaires de la sensation se trompent à son sujet parce qu’en elle ce n’est jamais l’ouverture, mais la clôture (l’acte de clore) qu’ils voient. (Et je dirais — rejoignant ici un courant de pensée qui m’est familier — qu’il y a des sensations qui ferment au lieu d’ouvrir, mais ce sont les sensations intéressées, celles, à la recherche desquelles nous sommes partis, non point celles qui fondent sur nous.) Quand à la fin d’un de ses poèmes Hofmannsthal nous dit : « Et trois sont un : un homme, une chose, un rêve », il définit merveilleusement l’état propre à l’être de sensation. »

Les microgrammes de Robert Walser n’ont été écrits que pour être écrits — et en aucun cas pour être lu — c’est pourquoi ils sont toujours dans la pleine liberté de toute chose n’existant que pour ne pas exister aux autres. Moi aussi j’écris des microgrammes — tellement micrographiques — que je ne parviens pas à les relire moi-même.

29 Octobre.- Beau temps, presque doux, jusqu’à ce qu’un vent mauvais et violent emporte tout ça : cette douceur, le bleu du ciel, la satisfaction et la sensation de vivre vraiment. La météorologie nationale prévoit de la pluie pour demain.
Toujours dans le journal de Charles Du Bos ; nouveau « frère secret », avec une somme d’intérêts et de problèmes concordant avec les miens : cette grande lassitude, cette non moins grande naïveté, cet amour des livres et de ceux qui les écrivent…
En parlant des livres, de leur amour, j’ai reçu aujourd’hui la commande que j’avais faite chez un bouquiniste virtuel. Le colis ouvert, les senteurs de noisette et d’humus remontant avec, je suis donc en possession de huit nouveaux locataires. Les volumes sont défraîchis pour certains, mais je les accueils avec toute la considération que leur est dû. Voilà donc Jean Louis Curtis et son Jeune Couple (presque Perec par la bande selon Houellebecq) John O’Hara et son Rendez-vous à Samarra (roman éthylique adoubé par Hemingway ), Simon Leys et ses Ombres Chinoises, l’Inondation d’Evguéni Zamiatine, La Marche de Radetzky de Joseph Roth, La Bonne Ferté de ce bon Albert Vidalie (Bon Etat - Tranche un peu usée) et pour finir quelques Histoires Humoristiques de Stephen Leacock (Bon Etat - Tranche légèrement usée).
Outre ces sept livres : pas si rares et trouvables, j’accueil, j’ai déjà lu, les Harmonies Viennoises de Jean Cassou : rare et quasi introuvable. Le volume est parfaitement conservé et pour tout dire comme neuf. Belle couverture : sur un fond marron, un ours cabriole au milieu des étoiles de la Petite Ourse. Cette collection : La Petite Ourse, devait frôler l’impeccable puisqu’on y trouve aussi Valery Larbaud. La finition est belle, helvétique pour tout dire et d’ailleurs l’ouvrage est imprimé en suisse. Si l’extérieur est helvète l’intérieur est très autrichien puisque l’intrigue se déroule dans une sorte de Vienne fantasmée, avec crypte des Capucins, Cathédrale Saint-Étienne, ring et jeune fille en fleur… Charles Du Bos, qui m’a incité à acquérir et à lire ce livre, y voit l’équivalent romanesque de Schumann ou de Schubert, le trait d’union entre le romantisme allemand à la Novalis et le romantisme français à la Musset. Tout cela est bien vu, mais un peu exagéré, car si ces harmonies sont pleines de charmes et recèlent de purs moments de délicatesse, elles sont parfois un peu forcées et quoi qu’il en soit trop vertes (c’est aussi leur grâce).
Le très oublié Jean Cassou était un bon critique d’art, un homme de revue, un traducteur plein de flaire, le vrai importateur de Ramon Gomez de la Serna (plus que Valery Larbaud). Il était, aussi, un grand résistant, de la première heure et courageux pour de vrai…

1 novembre.- Temps de saison. La pluie et le vent passés, il y avait des feuilles mortes dans la cour, je les ai ramassés avec ma pelle en plastique orange.
Pour en revenir aux Harmonies Viennoises de Jean Cassou si ce n’est qu’un petit livre charmant qui n’a pas l’outrecuidance de vouloir voler au-dessus de son charme, il y a quand même beaucoup de plaisir à prendre dedans. On y retrouve Schubert, une jeune fille qui marche seule dans un muséum, les philistins, Vienne avant son crépuscule… des pages délicates et frémissantes ; ce n’est pas rien :

« Je suis déjà une bonne vieille qui allume sa lanterne et trottine parmi les rats de sa mémoire. Je me plais aux odeurs de caves et de greniers. Cela me rappelle les chansons des brasseries où descendaient mes amis, et la fraîcheur des tombeaux où se défait leur poussière. »
Lu l’Inondation de Zamiatine. Goût de chef-d’œuvre implacable…

12 novembre.- Temps mi-brumeux, mi-pluvieux, mi-gris, mi-rien. Commencé la Bonne Ferte d’Albert Vidalie… Limpidité de style, simplicité de trait… Vidalie était un grand ami d’Albert Blondin, il tournait aussi souvent autour d’un petit groupe d’écrivains pour l’essentiel éthyliques : René Fallet, Louis Calaferte, Jean-Paul Clébert, Louis Sapin, Georges Arnaud…
Selon son éditeur : Robert Kanters, il avait « de la vulgarité dans la vie et le goût d’un style élégant et classique dans ses œuvres. »

13 novembre.- Beau temps quasi printanier. Albert Vidalie, est léger et délicat, simple et limpide… comme quoi il peut y avoir de la subtilité chez les « piliers de bar » et même chez ceux qui naviguaient en alcool trouble accroché au comptoir du fameux bar-bac …

15 novembre.- Pluie abondante. Il fait nuit à 17 heures. Reçu quelques Microgrammes de Robert Walser (Le Territoire du Crayon). J’entamerai cette lecture dans deux jours. En attendant, je finis la Bonne Ferté d’ Albert Vidalie … Tiens pour en revenir à un débat récent c’est un livre qui parle des « gens du voyage » tout en les appelant par leurs vrais noms (gitans, manouches, zingaros, rabouins, gitous…) et tout en les respectant avec une bienveillance non ostentatoire. L’honnêteté, d’Albert Vidalie, devrait en inspirer certains, je pense que ces certains ne le liront jamais, c’est fort dommage…

« Leurs connaissances géographiques étaient singulières. Ils ignoraient absolument la situation d’une cité, le non du cours d’eau qui la traversait, à quelle industrie elle devait sa prospérité, quels grands hommes avaient vu le jour dans ses murs, quelle fameuse bataille s’y était déroulée, mais ils se souvenaient de certains détails : le goût de l’air, la couleur de l’eau et de la lumière, la forme curieuse d’une montagne qui la dominait, les deux vents constants balayant ses rues et ses places, la physionomie de ses habitants qui ressemblaient à des aigles, à des moutons, à des chats, et souvent ils apprenaient ainsi beaucoup plus sur une ville, en dix jours, que ses citadins n’en avaient appris en dix générations. »

17 novembre.- Froideur. La fin de la Bonne Ferte baigne dans le tragique  que, comme s’il fallait que ce livre, jusqu’ici léger et délicat, en passe par là pour mieux s’achever. Comme s’il fallait, aussi, que les lourds sabots du romanesque claquent nécessairement à l’unisson pour que tout se boucle. On aurait préféré une fin moins sinistre, plus ouverte ; c’est dommage.

Commencé le Territoire du crayon, qui est beau à en pleurer.

18 novembre.- Froideur, peut-être ? Je ne me suis pas aventuré en dehors de mon intérieur où il fait un peu trop chaud (la chaudière est déréglée). J’arpente le Territoire du crayon, c’est toujours magnifique, modeste et enivrant…

20 novembre.- Mi froideur, pluie, un peu. Il fait nuit à 4 heures. Journal de Charles Du Bos. Comme dans tout journal des « complications » intimes, des ennuis de tubulure, des problèmes de tuyauterie. Du Bos souffre, sa douleur est toujours là., au fil de l’habitude elle devient un compagnon, un être distinct qui comble son immense solitude (la douleur est un jeune chien fou).

Quand je suis gentil, c’est surtout moi-même que j’enchante. Qui désire faire plaisir ne peut ni ne veut savoir s’il y réussira, et ceux qui m’aiment, comme ils sont heureux.

Certains microgrammes de Robert Walser ne dépassent pas un millimètre de hauteur pour les écrire il lui fallait une concentration maximum dans le geste d’écriture lui-même, il lui fallait de la lenteur, une main parfaitement détendue.
Walser ne pouvait laisser une feuille, une enveloppe, une carte de visite, sans que ses mots envahissent tout ; s’il avait pu écrire sur la tranche d’un ticket de métro, il l’aurait fait.

30 novembre.- Neige. Marché trois kilomètres dans la neige. Prenant un raccourcit je me suis retrouvé surplombant la large route qui même chez moi ; les voitures en bas, j’avais l’impression d’être un maquisard hivernal traquant le nazi.


3.


1 décembre.- 20 cm de neige. Panique. J’ai encore marché 3 km au milieu des naufragés de la route, c’était amusant.

Le plastique a beau être cancérigène, j’ai mangé le porte-mine en plastique avec lequel j’écris.

3 décembre.- Froid sibérien. Si ces trois derniers jours j’ai beaucoup marché dans la neige je n’ai par contre rien écrit. En somme comme le Robert Walser relégué ; celui de l’asile et des promenades hivernales fatales, mais sans le talent.

5 décembre.- Vent violent. La neige fond, la température remonte, jusqu’à quand ? Lu le Debussy d’André Suarès. J’ai trouvé cet « incunable » en version numérique, c’est peu, mais c’est déjà ça. C’est le grand petit livre d’un amoureux, plus que transi, bruissant de mille lexies coruscantes. Il faut aimer, j’aime, les phrases péremptoires de Suarès, les phrases d’un fou attendri qui lutte pour la délicatesse ! :

« Faire de la musique ne suffit pas : l’être musical est encore plus nécessaire… Debussy écoute la nature d’une oreille confidente. De tout ce qu’elle offre à ses yeux, à son tact, à son imagination, il fait de l’harmonie il prête une conscience musicale à ce qui n’a point de conscience. Il est le faune et la naïade, le rêve de la lune sur les marbres et la mélancolie des terrasses: le poète du vent et de l’écume, de la mer et des eaux, de tout ce qui est vapeur fluide et nuages. Il saisit le soleil et le rythme des rayons. Toutes les eaux lui parlent, et la pluie même, qui rafraîchit les pleurs du matin, au sortir de l’insomnie et de la noire chambre, où le malade a compté dans l’angoisse les heures lentes de la nuit. Tout objet lui est sentiment et sa musique est une peinture de l’émotion par l’émotion la subtile magie des accords en est l’instrument; et la nuance, le moyen dont il possède tous les secrets en tout-puissant alchimiste. ; la nuance est la fée de Debussy. La nuance est la variation dans la profondeur et dans le sentiment. La variation n’est souvent que la matière musicale : la nuance est de l’esprit. »

Suarès pincé de Debussy ne peut s’empêcher de batailler, de lutter, contre les idées reçues : le Debussy « peintre de paysage » par exemple … Chacun devrait savoir que Debussy n’est pas un « peintre de paysage » ou tout du moins chacun devrait savoir que s’il peint un paysage , il ne peint jamais l’objet paysage, il l’efface au fur et à mesure qu’il s’y promène ou qu’il le contemple, il n’en laisse passer que « l’écho sensible », « l’image sonnante », il est trop musicien, trop ému, pour être peintre.

« On pourrait nier qu’il y eût la moindre description dans Debussy. Il transmute la nature en harmonies, en émotions sonores. Il ne re songe pas à peindre la forêt bruissante, mais ce que le cœur d’une jeune fille, marquée pour le mortel amour, y éprouve dans le profond abandon, à l’heure du crépuscule où elle rencontre son destin. Il ne cherche pas à rendre la lueur d’une lampe qui soudain s’allume dans une chambre obscure, ou le bêlement des moutons qu’on mène à l’abattoir, ou le murmure lent de la fontaine : il ne pense qu’à évoquer le doux soleil de la clarté dans un enfant qui tremble et la lumière qui entre comme un couteau dans l’esprit sanglant d’un bourreau; ou l’innocence perfide de l’eau qui trompe sur la fuite des instants et des baisers; ou l’immense, monotone et fatale douleur de la vie, lorsqu’on la surprend, au couchant qui rougeoie, dans un troupeau de pauvres bêtes sans malice et sans péché, que son destin, un bâton de berger à la main, pousse vers la mort, là, derrière la porte, loin du bercail, pour cette nuit déjà si proche. En musique, le paysage est un sentiment. » « Debussy est tout de France, comme le Jardin du Luxembourg, la Sainte Chapelle, les verrières de Chartres et le Palais de Justice à Rouen. »

10 décembre.- La saison est curieuse, douce puis froide, froide puis douce. Lu le Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation de Pierre Louÿs. Livre croquignolet, souvent plus drôle qu’autre chose.On notera qu’ avec des idées pareilles, Pierre ne passerait plus aujourd’hui, il finirait sans aucun doute au donjon…

« Ne branlez pas sept ou huit petits paysans dans un verre pour boire le foutre avec du sucre. Cela vous donnerait une mauvaise réputation dans le pays. » « Se mettre de miel entre les jambes pour se faire lécher par un petit chien, c’est permis à la rigueur, mais il est inutile de lui rendre. »

17 décembre.- Neige en matinée. Un peu de soleil puis de la pluie. Neige en soirée. Cette météo en montagne russe ferait passer le Jura Suisse pour l’Oural et l’Oural pour le Jura Suisse. Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach. Sorte de proto Vertigo, symboliste, sinistre et vaguement touristique. Un peu plat comme le pays du même nom. On murmure, ici ou là, que le très peu guilleret Mishima aurait relu Bruges-la-Morte juste avant son fameux, et fatal, auto coup de surin. Oserais-je dire que je ne suis même pas étonné ?


18 décembre.- Froid tenace, d’ailleurs la neige tient elle aussi. Fini Bruges-la-Morte. L’appétence était moyenne. C’est assurément un livre trop moderne/vieillot pour moi. Cette brume poétique me semble trop systématique. Bruges a beau être une incontestable ville morte la faire peser de tout son poids sur une intrigue si fluette me parait une belle, et périlleuse, impasse symboliste. Pour le reste Rodenbach est souvent plus plat qu’ampoulé…

19 décembre.- Vent violent, la neige fond. Idées et visions d’André Suarès. Là où mon précédent — Rodenbach le Brugeois — était assez mou, plat, brumeux et plein d’afféteries symbolistes, Suarès est lui irradié et solaire. Méditerranéen (dans le bon sens) prêt à traquer l’humanité grasse qui s’évapore des ruelles de Toulon, de sa rade et de tout le tintouin…


22 décembre.- Température incongrue 15° pour ce début d’hiver, c’est un peu beaucoup. On annonce de la neige pour après demain, des -8 ° pour dans trois jours. Tout cela est un peu bizarre.

24 décembre.- Plus que de la neige c’est une poudre glacée qui tombe. Panique parisienne, avions en rade, homeless improvisés dans le hall de Roissy.

Baudelaire (Écrits intimes). Baudelaire réactionnaire ! Baudelaire anti démocrate ! Terriblement misogyne ! Atrocement misanthrope ! Bref un sale con divinement dandy ! un génie !

To be continued...

dimanche 3 avril 2011

The Mountain Goats - All Eternals Deck (2011)



Belle pochette monolithique, beau disque presque homogène. On oubliera les titres trop rapides, leur côté tout venant wock, pour se concentrer sur les titres plus lents, parfois plus mid-tempo, parfois plus semi mid-tempo, en tous les cas, moins véloces, plus ronds et recentrés... C'est ce qu'il faut préférer chez ces « chèvres de montagnes », cette fausse lenteur qui n'en est pas vraiment une, cette rondeur d'inspiration et ce savoir-faire qui ne se fait sentir qu'en bien (quatorze albums tout de même !). Outre toutes ces choses il faut aussi préférer et aimer les histoires racontées par John Darnielle (le chef des chèvres de montagnes), autant d’histoires où il rencontre tour à tour un vampire, un fantôme, une vieille chanteuse morte qu’il autopsie aimablement (Judy Garland), une autre, sa fille, pas tout à fait encore morte et qui persiste devant le scalpel (Liza Minelli forever). Si les chansons de Darnielle sont bourrées de métaphores cinématographiques et de second degré cultureux, elles sont parfois plus elliptiques, énigmatiques avec des personnages un peu décalés, angoissés et frappés par la crainte, mais toujours chantés avec cette souplesse qui fait la différence… Il faut aussi dire que pour le reste l’humeur globale n’est pas affligée, que si dans presque toutes les chansons qui composent ce disque la déception rôde elle n’est jamais emmenée vers l’affliction, mais plutôt vers l’apaisement et la décontraction. Les « chèvres de montagnes » ne sont pas là pour la scarification, mais pour la satisfaction du client, c’est une chose importante à savoir.

Pour finir il faudrait peut-être aussi parler de la qualité de finition, de ce piano, de ces deux trois beaux arrangements de cordes. Bref on pourrait à peu près dire de ce disque de « folk rock boisé rempli de bonnes histoires» qu’il est idéal pour accompagner un printemps naissant, en tous les cas il n’est pas là pour nous faire du mal.