dimanche 18 avril 2010

Bonnie « Prince » Billy - The Wonder Show of the World (2010)


Will Oldham est trop prolifique, il sort des disques aussi souvent qu'il change de chaussettes, aussi souvent qu'il change d'identité. Tout cela est communément admis et puis depuis The Letting Go en 2006 vous savez bien qu'il n'y est plus vraiment, trop ripoliné, trop écarquillé, caricature de lui-même, tout ça, vous voyez... En fait, rien n'est moins sur, prenez ce Wonder Show of The World et bien figurez vous que c'est la chose la plus belle à écouter en ce moment ; un nouveau faux groupe The Cairo Gang qui se résume à la guitare d'Emett Kelly, à la voix d'Oldham, des histoires à raconter et à peu près rien d'autre c'est amplement suffisant pour faire un bon disque. La guitare est limpide, adroite, ce qui ne l'empêche pas d'être parfois déchiquetée, moissonnant dans le blues, le jazz, la country, avec une tranquille virtuosité non ostentatoire ; Emett Kelly est très bon et il fait tout très bien. Le reste, « l' accommodement », offre une minuscule palette pleine de retenue, une basse tenue, des percussions occasionnelles, rien de plus, que du rustique ascétique bienvenu…Sur cet échafaudage antispectaculaire au possible Oldham se contente d'habiter simplement ses « personnages », certains déclamatoires, puis apaisés, d'autres plus perplexes et impuissants face à des histoires ou l'intimité rode, des histoires saumâtres de chambres conjugales, cette odeur de sexe qui reste sur la moustache… Oldham n'a jamais aussi bien chanté tout ce bazar intime, avec une voix d'église, une magnifique voix d'église, une voix gospel dans le blues, blues dans la country, et finalement beaucoup d'âme pour un petit blanc trop prolifique. Enfin voilà écoutez ce disque, oubliez le reste, ouvrez la fenêtre et regardez le ciel en face, merci.




dimanche 11 avril 2010

Martin Stephenson & the Daintees – Road to Bolivia (1986)



Tenez hier j'ai réécouté le premier disque de Martin Stephenson & the Daintees, j'aime toujours ce disque, il est encore très bien... Martin y parle des amours déçus de sa sœur lesbienne, de l'avortement de sa cousine, de l'enterrement de sa grand-mère et des larmes de crocodile autour de son cercueil... C'est un bon album d' « écrivain de chansons », avec un humour doux et de la compassion ; ce qui n’exclut pas l'ironie. Un premier disque avec toutes les qualités et les défauts d'une première fois, le trop-plein, le manque de détachement, l'application sans la maturité, mais une grande sincérité. En dehors des mots, on peu aussi embarquer sereinement dans ce premier « bateau pour la Bolivie », il y a tout ce qu'il faut dedans : des ballades country, du swing nonchalant, des chansons brumeuses mid-tempo, un instrumental en picking, du Byrds dernière manière, beaucoup de Dylan, pas mal de Donovan, un peu de Leonard Cohen et même un Ska « festif » pour finir... Vous me direz que tout cela est sensiblement hétéroclite à vue d'oreille, je vous répondrai en vous disant que je ne suis jamais gêné lorsque l'hétéroclite rode autour de l'unité.
Dans mes souvenirs l'album suivant de Stephenson (Gladsome, Humour & Blue) est meilleur, davantage maîtrisé, moins autobiographique et plus détaché de ses mots. Pour le reste et la suite j'ai un peu perdu la trace de ce gars-là , je sais seulement qu'il sort encore des disques, que la célébrité n'est pas son « truc » et qu'il chante parfois en solo dans les églises.



jeudi 8 avril 2010

L’incunable du jour (4)





En 1981 j’avais enregistré 8 titres sur un ghetto blaster JVC de qualité raisonnable, je gazouillais et l’accompagnement « musical » était le fait d’un petit clavier Yamaha et d’une radio Brandt posée juste à côté… Comme la radio était réglée sur ondes courtes elle faisait d'heureuses interférences avec le clavier et l’ensemble sonnait bizarre et accidentel, un peu comme le suicide des jeunes géants de marbres filmés par Robert le défenestré... de biens beaux travelling(s) avant, une bien belle chute de rien.... Heureusement pour vous je ne retrouve pas ces bandes. Par contre en farfouillant j'ai retrouvé ce truc que vous écoutez là, un truc qui doit dater de 1983, du pur yaourt un peu ridicule, enregistré dans la cuisine, dans le couloir, dans la salle de bain... un peu partout... Je chante comme un Daffy Duck qui se pense plus malin que Lou Reed, ma guitare est étouffée, je suis encore jeune et fier... il n'y a pas de quoi...


mardi 6 avril 2010

Remake / Remodel N°12



« Il y eut un monde où tout se déroulait avec lenteur. Une paresse agréable, je dirais presque saine, gouvernait la vie des hommes. Les hommes allaient, passablement oisifs. Ce qu’ils faisaient, ils le faisaient avec réflexion, lentement. Ils n’avaient pas une si inhumaine quantité de choses à faire, ne se sentaient aucunement sollicités ou obligé de s’exténuer, de s’user au travail. Hâte et agitation, empressement immodéré, il n’y avait rien de cela chez ces hommes. Nul ne se forçait outre mesure, et c’est pourquoi la vie était si avenante. Qui doit travailler âprement ou d’une façon générale s’active beaucoup, celui-là est perdu pour la joie, il offre une mine chagrine et tout ce qu’il pense est modeste et triste. L’oisiveté serait la mère de tous les vices dit un vieux proverbe éculé. Les hommes dont il est ici question ne confirmaient nullement le sens de ce proverbe un peu inconsidéré, au contraire ils le démentaient, le dépouillaient de toute signification. En prenant leurs aises sur une terre innocente et familière, ils jouissaient en silence de leur être dans une quiétude d’une beauté de rêve, et du vice, une telle distance les en séparait que la pensée ne leur en venait même pas… »