lundi 12 octobre 2009

Psychogeographie indoor (14)



« L'immersion chasse pour un temps les simulacres et conduit vers cet ailleurs éclairé des formules tragiques de la création »

1.

Ce matin une chronique d’Albert Thibaudet (bourguignon et madré), deux chapitres des Sept Piliers de la Sagesse (une belle page sur la beauté des morts : la bataille finie, reste les morts ; ils sont jeunes et ils ont la pâleur de l’ivoire neuf…) L’ennui toujours un peu là avec T.E. (Lawrence) j’ai encore cédé à la tentation de le laisser choir et mon regard c’est une fois de plus dirigé vers la pile de livres à lire. De cette fameuse pile j’ai extrait une chose de l’affreux réactionnaire Montherlant, un ouvrage qui sent l’humus et la noisette : La Petite Infante de Castille, récit de voyage sans discoboles ni petits garçons (mais petites filles, lapidez-le !) et encore moins de théaaaatrre… C’est assez savoureux, très bien écrit, drôle, antipathique et plein de mépris aristocratique envers la piétaille. On imagine sans peine un Montherlant plus misanthrope que ma main droite. Bref un sale con !
Dans la pile de livres à lire il y avait eu avant ce Montherlant musqué un roman de François Nourissier : La Crève - oui lui le Nourissier, le Nourissier terriblement barbu, terriblement de l'Académie Goncourt – en fait, on constatera que, sous l'engourdissement et derrière l’anxiolytique pompidolien, La Crève cache quelque chose qui accroche en bien. Ne me demandez pas quoi, peut-être ce goût saumâtre et gris tout à la fois (de la cendre ?), certainement ?

2.



Du côté du nouveau ma « rentrée littéraire » est essentiellement brumeuse et locale puisqu’en parti constituée par le livre d’un quasi-voisin lyonnais : Robert Alexis, U-Boot chez José Corti. Une belle histoire en apnée où le sous-marin est un véhicule qui outre la navigation subaquatique ouvre moult écoutilles digressives. On se retrouve ainsi plongé dans les confidences d'un sous-marinier à la sexualité plus déviante que ma main gauche, dans les souvenirs d'un autre happé par la fatalité dégueulasse du groupe, le nazisme, les origines du nazisme, la monté du nazisme, ce genre de choses... mais toujours dans une pâte légère et impressionniste, avec du mystère et un beau style (poétique et désuet ?). Pour le reste si le sous-marin est un lieu favorable à l'introspection et à ses épanchements, une fois échoué sur une île tropicale qui passait par là, il n'est plus qu'un objet hétéroclite autour duquel tourne deux trois sauvages. Kurtz rode et le panthéisme avec. On affirmera que tout ça commence chez Jules Verne, passe par Gracq pour mieux finir chez Conrad. Les deux dernières pages, en forme de pirouette, sont ratées et trop malignes pour être honnêtes , c'est dommage, le reste était presque impeccable.

3.



En restant lyonnais et « rentrée littéraire » le livre de François Beaune Un Homme Louche à lui aussi de bons moments (d’autres plus périclitants) , c’est le vrai-faux journal intime d’un certain Jean-Daniel Dugommier (le glaviot), adolescent limite autiste fan de hard-rock autrichien, puis adulte louche et interné... Beaune est bon dans les micros-décalages kafkaïens, dans la sous-réalité du sous-quotidien, dans la légère déréliction... moins dans le sursignifiant; meilleur dans le grain de sable qui grippe la machine que dans les charges semi-voilées montant à l'assaut d’un monde qui nous accable.. Le livre est parfois drôle, parfois sinistre, mal maitrisé, mais plein de promesses.

Pour finir dans le factuel et par fidélité, on dira de Solo le nouvel opus de Michka Assayas qu’il n’est pas mal, mais pas transcendant... Qu’on y trébuche souvent sur le romanesque (les clés du roman à clé) l'arrière-goût houellebecquien et le coaching corrélatif de chez Grasset (cette photo espiègle et ce bandeau ad hoc). Néanmoins, entre deux trébuchements inopportuns, reste quand même du bien : les « thèses spectaculaires» de Guy Debord bizarrement défendues par un François Nourissier (on y revient) encore un peu gamin, cette ironie grise, cette malice poisseuse.... Michka s’invente, se libère, on trébuche moins, sur la fin où on sent qu’il pourrait éventuellement devenir un « vrai » écrivain (Il faudrait qu’il « tombe » malade).

P.-S. Jacques Chessex est mort d'énervement à propos de « l’ affaire Polanski », ce n’est pas une très bonne nouvelle...

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