samedi 18 juillet 2009

8 Tracks - N°2




« Une mélodie de rechute, mélodie pour gagner du temps, pour fasciner le serpent, tandis que le front inlassé cherche toujours, vainement, son Orient. Une mélodie... »

Au menu de l’obscur et du moins obscur : Fritz Bee un inconnu synthétique trouvé au gré du hasard numérique. Love at first sight le plus belle chanson de Stuart Moxham, Toujours les souvenirs la plus belle chanson de Denis Quillard (merveille admirablement non-chantée). Philippe Doray un autre inconnu synthétique, mais national et onaniste, lui… Interior des maigrelets post-punks tout autant que Benelux dans un disco amorphe et rachitique. Chandra Oppenheim une nymphette de douze ans accompagnée par une clique no-wave (le tout raide, raide et très new-yorkais). Three Children , une basse, un quasi-clone vocal d’Alison Statton, esprit des jeunes géants de marbres es-tu là ? Pour finir Michaela Melian une rescapée post-punk, Roxy Music sans truc en plume, là c’est l’esprit de Nico qui rode.

Friz Be - I throw punches... 3:30
The Gist - Love at first sight 3:49
Elli & Jacno - Toujours les souvenirs 4:21
Philippe Doray - Page de magazine 4:27
Interior - Bizarre Disco 2:47
Chandra - Kate 5:48
Three Children - Tangle of thorns 3:29
Michaela Melian - Baden Baden 5:52

.

mercredi 15 juillet 2009

Psychogeographie indoor (12)



1.

Paraphrasant Remy de Gourmont je dirai que de tous les plaisirs procurés par la littérature le plus délicat est certainement celui de ne pas être compris. Cela remet l’homme à sa vraie place, dans « le bel isolement d'où l'inutile activité l’avait fait sortir » : il lui faut alors réintégrer sa « Tour » saisir un violon et jouer pour les araignées qui — elles — sont sensibles à la musique. L’homme ne sera aucunement gêné par l’incompréhension qui rode. Il rencontre, jour après jour, « ceux qui ne le comprennent pas » ils font sa joie. Il les aime : ils l’incitent à se retirer dans sa vraie vocation : le Silence.
Homme mais psychogéographe indoor tout à la fois, je suis pourtant embarrassé par la perspective de vous voir trébucher dans les abyssales cavités de ma prose hiéroglyphique, je vais donc quand même tenter d’être plus clair et moins abscons, les araignées sont sensibles à la sonorité pure des mots obscurs mais il arrive un moment où leur arachnéenne compagnie doit faire place à la présence des hommes, il faut parfois descendre de sa « Tour », tomber de son silence, pour rester vivant, face aux autres… et mort en soi-même.
On retrouve alors des hommes, voire des fantômes….


2.



L’été est là, l’été est orageux, il y a des éclairs et il y a des fantômes un peu partout. Pour ce qui est des fantômes Il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Les plus craintifs et couards d’entre vous doivent savoir qu’ectoplasmes et autres esprits, à l’inverse de la foudre, ne sont jamais belliqueux, qu’ils n’ont aucune volonté personnelle de vouloir nuire à quiconque et que de toutes les façons il suffit de pointer dans leur direction un objet métallique, un coupe ongle par exemple, pour qu’effrayés ils disparaissent aussitôt. (Ce n’est pas le cas de la foudre qui aime le coupe ongle tout autant que le paratonnerre). .
L’ex couard et intrépide tout nouveau chasseur de spectres pourra donc lire sereinement l’Annuaire des fantômes anglais publié par la Scientific and Fantastic Society de Bristol, ce bottin, qui est aussi une mine, recense près de deux mille sujets avec le caractère de chacun, ses manies et ses heures et lieux d’apparition préférés. Le foudroyé encore fumant du jour, lui, ne lira rien puisqu’il y a de fortes probabilités pour qu’il soit à son tour passé du côté des fantômes… c’est ainsi.

Tiens en parlant d’ectoplasmes, le grand médium Ecossais Daniel Dunglas Home n’avait pas besoin de la Scientific and Fantastic Society de Bristol et d’un quelconque bottin pour partir à la chasse, il faisait apparaître fantômes, spectres et autres esprits quand il le voulait et où il le voulait, avec et sans lumière. Des mains venaient vous frôler le visage, une musique inconnue s’élevait de nulle part et le frisson était là. Les diverses prouesses à base d’êtres furtifs de Daniel Dunglas Home furent vérifiées et tamponnées par l’université de Harvard, elles éveillèrent l’intérêt de William Crookes, l’homme qui en isolant le thallium fut à l’origine de la physique nucléaire. William Crookes qui outre la physique et la chimie était également un éminent paranormaliste devant l’éternel. Il n’en était pas à son premier coup d’éprouvette venu, on le voyait souvent tourner autour de Florence Cook le plus charmant médium sur le marché. Enfin tourner, pas comme un être furtif, je me comprends… tout entier.


3.


Pour en venir vraiment à la psychogéographie indoor et oublier tout ça : le silence, la foudre et les fantômes, on parlera un peu d’André Blanchard : un type qui doit aimer les uns et moins l’autre. Ce n’est peut-être pas un écrivain qui compte, tout juste un chicaneur habile dans son style, un élu de « l’heureux petit nombre » posé bien à l’écart du magma environnant, un type circonspect devant la grande masse gélatineuse. Vraisemblablement un petit-maître mais dans la plus positive acceptation du terme, un membre tenace de cette caste discrète sans laquelle l’horizon littéraire ne serait qu’une morne plaine tout juste dérangée par quelques pics himalayens… Les limites de l’altitude sont ce qu’elles sont et il faut parfois savoir se contenter de plus modestes hauteurs, savoir vadrouiller autour de ces monticules, tumulus et autres mamelons jurassiques qui forment parfois le plus secret et savoureux de la littérature ; ces collines où de temps à autre le vent de l’inspiration souffle plus qu’ailleurs. En somme, il faut peut-être voir André Blanchard comme une belle colline inspirée.

Pour le reste, résumons son nouveau livre, Pélerinages : des paysans, des vignobles et des souvenirs…
Ne pas se fier aux soixante-dix premières pages, « profils paysans » qui n’inspirent pas la confiance, agriculteurs plus loquaces que chez Raymond Depardon, sapidité de bénitier, saveur vieille France, le livre ne décolle pas, il décolle plus loin, avec la mémoire (et le style) … Besançon posée là, les souvenirs remontent, la jeunesse avec. Les années passées comme pion, cette apathie soixante-dix tout juste dérangée par un Pompidou grossissant jusqu’à l’explosion. Déjà Blanchard un peu anar- réac, dubitatif devant le nouvelobs et la gauche commune. Néanmoins derrière le ratiocineur, deux trois pointes, une fenêtre et un père qui va mourir… de l’émotion, un peu.
Ensuite Blanchard nous embarque à bord d’une 2Cv grise, drôle de vaisseau, et voilà les pèlerinages. Oh ! païens les pèlerinages ! Paris ce « Reims de l’art », le Père-Lachaise, la tombe de Pierre Desproges et puis, plus mélancoliquement que sournoisement, la France profonde, direction Bourgogne et une croix noire avec en dessous une autre tombe, la tombe de Louis Calaferte, son maître en écriture : « Ci-gît Calaferte en ce lieu. Qui n’aima que G., l’art et Dieu »
Voilà en gros pour le factuel. Pour le reste on pourra aimer, ou non, André Blanchard et son livre, un chose est certaine c’est que chez lui il y a comme chez tout bon écrivain plus qu’un style, une langue ; ici le blanchard. Le « blanchard dans le texte » est toujours parfaitement dans son rythme, moins court que cadencé, plus tranchant qu’empesé, une bonne musique, un treuil vers les hauteurs, oh ! pas si haut, à hauteur de colline, c’est la juste hauteur.

dimanche 12 juillet 2009

WC3 – Moderne Musique (1982)



On aimait beaucoup WC3 parce qu’intuitivement on sentait bien que c’était un groupe qui ne tricherait jamais, loin du post-punk rennais à saxophone (la clique raide de Marquis De Sade) loin des chemises rouges et des simulacres stoogiens en ouverture de Talking Heads (les mignons Taxi Girl), loin aussi de la brume anglaise et de ses vagues sombres (Joy Division et tutti quanti...) On aimait beaucoup WC3 parce que c’était un groupe puissant et sincère, drôle et sanglant, qu’il ne ressemblait à rien si ce n’est à lui-même et que, par exemple, son chanteur paraissait davantage préoccupé par ses tripes que par la pâtisserie viennoise ou la grande Europe. On aimait aussi beaucoup et surtout WC3 parce qu’il y avait Janine… Janine pieds nus sur la pochette ratée de leur premier disque réussi, une jeune Juliette Binoche en mieux. Janine et ses claviers qui étaient là, partout, un ciment merveilleux que ces claviers là, Janine le Dave Greenfield du Nord , le Ray Manzarek de St Quentin ( Aisne). On aimait WC3 et puis Janine est morte, suicidée un soir… backstage. On est resté un peu con, on était un peu amoureux d’elle sans même la connaître. Les strates du temps sont passées par-là, posées en fines lamelles, on a oublié Janine et WC3… Jusqu’à ce que …

Tiens l’autre jour, je déplaçais une pile de 33 tours et à travers le petit nuage de poussière inévitablement engendré par le déplacement, j’ai vu dépasser un coin de pochette: Moderne Musique par WC3 ! Intrigué, j’ai donc tiré la pochette, je l’ai même extirpé péniblement car elle était quasi collée entre un Greatest Hits de Roy Orbison et le Get Happy du binoclard Declan MacManus. L’opération achevée (l’extraction menée) je me suis alors retrouvé avec un disque en moins dans la pile de 33 tours mais avec entre les mains une pochette que j’ai toujours trouvée très à mon goût bien qu’elle soit plus moche que le gibbeux du coin... Ah ! oui, glissé dans le fourreau de cette pochette moche, il y avait encore un poster… et même, voyez-vous, un disque… un disque que j’avais beaucoup aimé en son temps, le disque de WC3… Estimant la chose possible, tenant 33 centimètres de celluloïd dans une main et mon courage dans l’autre, j’ai alors pris la ferme décision de réécouter tout ça et je me suis dirigé vers mon presque teppaz… Alors ?

Alors, il n’y a pas de déception à avoir, c’est toujours aussi bien, puissant et humble… Breakdown : « ce son d’enfer au sourire narquois » ce Bal des Lazes qui vire London Calling ; une merveille rêche, tendue et viscérale. Le reste pareil ou presque : ces claviers constamment judicieux, cette fatale cavalcade ferroviaire : Orient Express, ce spleen adolescent qui ne vire pas au mièvre : Mort et vainqueur, Derniers baisers du vautour … Ecoutez ce disque, il a toujours de la personnalité et il frémit encore. Ecoutez aussi les autres : WC3-1978-1980, une compilation raide-punk sur les débuts punk-raides du groupe, écoutez aussi et surtout La Machine Infernale, un disque très sournois, un son inquiétant comme si le tout tourbillonnait dans un lave-linge noyé par le sang coagulé, un climat problématique et plus lynchien que tous les lapins écorchés en lévitation du monde. Bref un disque intriguant , tellement intriguant qu’il est introuvable… Quoique…



vendredi 10 juillet 2009

The Specials - Friday Night, Saturday Morning



« Wish I had lipstick on my shirt
Instead of piss stains on my shoes »


« Friday Night, Saturday Morning » c’était le « Friday on my Mind » des Easybeats, mais abordé par sa face raide et blafarde. Cette lymphatique musique de train fantôme… Les « joies » du vendredi soir : descendre une multitude de pintes dans la boite du coin, regarder les filles, mais pas plus… Les « joies » du samedi matin : rentrer seul, attendre un taxi, une tourte à la viande dans la main, un pied dans une flaque de vomi… Bref, Terry Hall était un sacré « écrivain de chansons. »

« J’aurais préféré avoir du rouge à lèvres sur ma chemise plutôt que de traces de pisse sur les chaussures »

lundi 6 juillet 2009

The Drums - The Drums EP (2009)



Les raisons qui nous pousse à aimer un disque, quand elles ne sont pas mystérieuses, sont parfois saugrenues. Tenez par exemple celui-ci : le premier de The Drums (Quel nom !), je l’aime beaucoup parce qu’il est frais et succinct là où d’autres sont longs, pléthoriques et rances (Saumâtre effet gaveur du numérique). Huit titres donc, pas un de plus, et surtout pas le temps de s’ennuyer. Pour rester, moi aussi, concis et plus bref que stoique je dirais que ce disque là, le disque des Drums c’est ce qu’il faut aimer, cette ferveur juvénile (en chemisette), ce curieux alliage froid-chaud, post-punk et guitares twang, le tout en équilibre sur une planche de surf… Une drôle de planche, un drôle d’effet boomerang qui sonne comme un incunable Factory 81 (The Wake) mais avec la twistante lumière des boys band de plage à tous les étages. On écoutera et réécoutera «Let's Go Surfing » : mains qui claquent, sifflements ingénus et mauvais bassiste à médiator ; un titre qui donne envie de gigoter en remuant une tête qui se vide plus qu’elle ne se remplie. D’ailleurs à ce titre ce disque je l’ai écouté la tête vide en sifflant et en gigotant et je l’ai beaucoup aimé, l’été est là : Let's Go Surfing !