dimanche 31 mai 2009

The Jags - Evening Standards (1980)



Foutrement Mod Revival ? Des Jam clones, seconds lot de dessous les fagots ? Oui certainement un peu de ça ; mais pas que cette confiture là. Rien de Tennessee mais quelque chose de power-mod (je viens de l’inventer), de bouncy-pop (aussi), comme un goût d'Elvis Costello grande époque sautillante et même un hoquet Nick Lowe (ce grand homme circonspect) qui remonte discrètement ; l’ensemble finalement assez loin des crétins revivalistes en parkas et vespas RAF.

On écoutera « Back Of My Hand » bondissant one hit wonder épique et genre d’espèce d’hymne tout en riff, « Desert Island Discs » qui commence comme du bon Who, passe par une guitare twang et continue très bon Costello et bons lyrics … En fait, pour faire court, en écoutera presque tout avec un bonheur quasi-étale car l’album est continuellement pop dans le bon sens ; solide et punchy, peut-être un peu uniforme à la longue mais toujours agréable. Bref un bel assortiment de chansons de demi-saison, rien de plus et c’est déjà beaucoup.

PS : Que ceux qui ne m’entravent en rien sachent qu’il n’y aura pas de glossaire !

mardi 26 mai 2009

Colin Blunstone - The Ghost Of You And Me (2009)



Je ne voudrais par être le triste écho (voir le perroquet déplumé) de Francois Gorin (l’homme de goût des instits en détresse) mais ce disque est un cas d’école. Quatre titres passablement rock-FM qui rappellent le pire de Blunstone – Ses errances mid-seventies (deux albums à prendre avec des pincettes) ses panouilles chez les immondes Barclay James machin, une récente réformation des Zombies labellisée Franck Provost (les Zombies y étaient plus morts que vivants) – bref quatre titres plus botoxés et ignominieux que du Toto en pire ! Et puis soudain miracle ! Un quatuor à cordes, la voix de Blunstone et rien de plus… Si de la magie… Fermez simplement les yeux et écoutez monter cette voix, les yeux toujours hermétiquement clos, entendez la passer à hauteur d’azur, quelque chose de bleu qui paraît un cantique d’ailes, loin des corps, trop loin des corps ? Les mots me manquent pour décrire les six derniers titres…

lundi 18 mai 2009

Chambre verte - (Ian Curtis)


« Caressing the marble and stone, love that was special for one, the waste in the fever I heat. How I wish you were here with me now. »

Je ne sais pas si Ian Curtis était un quelconque christ post-punk sacrifié sur l’autel des années 80 ou plus simplement un jeune homme n’ayant pas les épaules assez larges pour supporter le poids de ses divers problèmes, ce que je sais par contre c’est que les décennies passant (bientôt trois) il ne faudrait pas l’oublier et en tous les cas, si ce n’est sans cesse, tout du moins parfois l’écouter.
Écouter par exemple cette seule trace laissée (une demo incomplète enregistrée par Peter Hook) où il chante « In A lonely Place », sa dernière chanson, son testament ? Davantage qu’un stoïque monolithe marmoréen que l’on devrait caresser c’est une poudre de marbre dynamité qui recouvre tout, auditeur y compris. Un synthétiseur rampant et glacial, un tambour menaçant à peine dérangé par le mélodica volé d’Augustus Pablo. Ian Curtis lui n’y est presque plus, comme hors du continent humain, enseveli par sa dépression, déjà passé du côté des fantômes. Il n’y a rien de plus troublant (de poignant et de terrifiant tout à la fois) que « l’ailleurs » de cette voix là ; ce n’est même pas la voix d’un jeune homme qui va mourir, non c’est la voix d’un jeune homme qui est déjà mort .

La fin de l’enregistrement est brutale, elle ne pouvait être que brutale.

P.-S. Tous les 18 mai, on restera intimidé par cette grande présence des fantômes.

mercredi 13 mai 2009

Jay Telfer - Time Has Tied Me (1974)



Ne me demandez par quel compliqué tour de magie je me suis procuré ce disque : je ne vous répondrai pas , c’est un secret que je garde pour moi et que je ne chuchoterai à quiconque. N’y voyez nul snobisme de ma part, je suis simplement plus pleutre que courageux et la perspective de voir une laconique armée de nervis labellisés SACEM entourer mon modeste logis ne m’incite pas à la bravoure. Sachez seulement que le hasard fait bien les choses et qu’une pratique plus que condamnable, voir pétainiste selon un chanteur français sur le retour, est en jeu dans l’histoire.

Pour le reste et donc par la grâce de l’heureux hasard, ce disque est une agréable surprise (merci le hasard, merci la flibuste !), alors parlons on en un peu bien malgré la rétention.

Jay Telfer était le leader des Passing Fancy une petite chose, deux trois mini-tubes sous le soleil late-sixties et rien de plus. « Time Has Tied Me » est son seul et unique album solo, l’esprit y est très décontracté, très détendu. Pour condenser et ne pas trop vous noyer sous les mauvais adjectifs on parlera de folk-rock, de langueur west-coast (bien que Telfer canadien). Rien de transcendant, que de l’agréable, des musiciens tranquilles et pleins de sûreté, une humeur plus lumineuse qu’embarrassée. Parfois une petite pointe sombre, une belle ballade ombragée : « Doldrum », et puis bien vite un titre primesautier, un big band dixie jazz plus guilleret que les trottoirs de la Nouvelle-Orléans : « Ms 'N You », et même, voyez-vous, de la country non métaphysique : « Yellow Hair ». Le tout est plus débonnaire qu’autre chose avec toujours dans la voix de Telfer comme un grain Donald Fagen qui n’ose pas vraiment s’avouer. Bref sans être crucial,un bon disque et une bonne surprise.

NB : Après ce disque Jay Telfer serait parti pour Los Angeles, Hollywood et tout le tremblement. On l’aurait vu scénariste chez Menahem Golan (Cannon Films) puis victime d’une déplaisante crise cardiaque (je ne sais pas ce qui est le pire des deux). Aujourd’hui il serait éditeur d’une revue d’art à Toronto. Enfin rien n’est moins certain.


PS : il se pourrait bien que pour l’occasion j’ai « niqué hadopi ». Ne me demandez pas comment.

lundi 11 mai 2009

Psychogeographie indoor (11)

 « Un seul détail obligatoire : Les décors, très réalistes, seront construits assez solidement pour que les portes puissent claquer. »

1. Excepté Alexandre Jardin inspiré Il n’y a pas pire qu’un psychogéographe démotivé. Tenez par exemple ce matin je me suis réveillé avec un air plus absent qu’embarrassé, avec une appétence moyenne et un intérêt plus que relatif devant une telle multitude de choses à vivre qu’il serait vain de bien vouloir en faire la liste mesurable et exhaustive. La motivation devant tout n’étant pas là, la météo, grise et crapoteuse, n’aidant en rien, j’ai donc une fois de plus soigneusement évité l’aventure, les lourds aléas de l’outdoor tout comme la glutineuse compassion de mes contemporains, et me suis contenté du cocon de l’indoor. Là plus arrêté que consterné par mon manque global d’envie, encore plus petit et rabougri et bien loin d’une quelconque bienveillance envers les autres, je me suis vu lentement sombré entre les mous accoudoirs d’un canapé écru. Oui le psychogeographe démotivé à vivre est bien le pire, oui il se terre dans l’indoor, oui il se glisse dans de la mollesse Ikea ! Cependant après quelques brefs et inquiétants instants de narcolepsie non feinte on le voit émerger à nouveau, presque lucide et l’œil en direction de la pile de livres lus. Voyez-vous avant le pire et cette ontologique crise de lymphatisme larvaire, le psychogéographe réfugié en indoor a lu. Il pourra donc se souvenir de quelques ouvrages et vous en parler…. Oh pas d’Alexandre Jardin, mais du reste certainement ! La pile de livres lus récemment. Les livres, encore les livres, toujours les livres. 

 2. S’il y a une incontestable pointe de snobisme à vouloir préférer l’ombre des obscurs à la lumière des plus reconnus alors je dois être un peu snob car j’aime beaucoup Raymond Guérin. Obscur et Bordelais de surcroît (caste ombrageuse, murmure t-on.), il a toujours ce goût organique et comme imbibé par la chair, cette saveur presque insalubre qui reste inlassablement sur le coin de l’amertume… un peu comme chez Bataille, mais en creux, discrètement et en contrebande… Guérin ne vend jamais rien, ne passe que des mots. Son récit ramené de captivité « Les Poulpes » est un très bon livre, le livre d’un homme qui a fait de son scepticisme envers les autres une religion. Raymond le septique (Monsieur Hermès, le grand Dab..) les pieds dans la fange d’un stalag peu ragoûtant, l’esprit irréparablement planté dans ce campement à miradors brumeux où l’homme s’est vu réduit à ses plus inévitables et élémentaires fonctions eupeptiques : un tuyau et rien de plus, mais percé le tuyau… Tout cela coule de source ( puisque Guérin est un bon plombier, l’écrivain des sécrétions, le chantre moite des évacuations diverses et variées : sperme, urine, merde, vomi et autres joyeusetés plus ou moins sudoripares… Outre cette curieuse symphonie, boyaux éructant et membres chuintant, il faut savoir que les poulpes évoqués sont farcis de verve célinienne, comiques et plein d’humanité. L’homme ne se résout pas à se voir ainsi réduit à n’être q’un tuyau pour rien, alors l’homme lutte contre la plomberie, les miradors brumeux, les ombres en bottes luisantes et leurs hordes de canidés éduqués par et pour le mal… On se souviendra de Georges Hyvernaud, Jacques Perret ou Henri Calet ces autres chroniqueurs du stalag bien malgré eux… on n’évoquera pas Primo Levi ou David Rousset c’est une autre histoire… et bien plus que de la plomberie. 

 3. Tenez en parlant de septique religieux voilà le mage Cowper Powys , drôle d’oiseau tordu, écrivain pour Happy Few (« l'heureux petit nombre », comme disait Valery Larbaud.) « Un lourd silence s’abattit entre eux et recouvrit les plis transparents de la nuit comme un enfant mort étendu sur les genoux de sa mère » Perché sur ses certitudes aristocratiques l’heureux petit nombre a t-il raison ? Peut-il accorder la moindre confiance à un écrivain se fourvoyant ainsi dans le plus plombé-plombant qui soit ? Un écrivain si sinistre et si dépourvu d’humour ! Paradoxalement après la lecture de « Givre et Sang », et en tant qu’heureux petit neutre, je répondrais oui car ce qui compte chez l’oiseau Powys ce n’est pas la rigolade mousseuse sur le dos du lichen, mais plutôt le lyrico-cosmique, l’élémentalisme et l’éternelle revanche de l’inanimé. « Avant la fin du jour, quelque chose changea visiblement dans la texture terne et décolorée du temps. Les flaques des chemins se transformèrent peu à peu en glace pourrie. Une mince couche de givre se figea sur les mares et les fossés des prairies. Des dessins pareils à des hiéroglyphes apparurent dans la boue des sentiers écartés. Au sommet des taupinières fraîches, se croisaient des empreintes qui trahissaient des passages plus impalpables encore que des traces de souris ou d'oiseaux, des traînées d'escargots ou de vers de terre. Les feuilles mortes qui s'étaient mollement amassées à l'entrée des vieux terriers moussus, ou sous les champignons à l'orée des bois, étaient maintenant soudées par un mince filigrane d'une substance blanche et cassante comme un métal qui tinte. Les filaments de brume suspendus aux roseaux jaunes au fond des fossés se durcissaient en frêles glaçons.(...) Un peu partout, se faisaient entendre des frémissements, des resserrements et des craquements légers, tandis que la croûte de la planète s'abandonnait à la contraction immobile du gel. » ( Il n’y a qu’une seule chose qui soit potentiellement drôle dans Givre et Sang c’est un outil : le râteau qui trucide le héros, on le retrouve inanimé (le râteau) trois pages après son funeste usage et le roman devient comique pendant un quart de phrase.) 

 4. Pour finir en vrac, je ne vous parlerais pas vraiment de Jean Pierre Martinet, un autre Bordelais tiré à part, et de « Jérôme » son roman monstre-monstrueux. Je ne vous en parlerais pas car je n’en ai ni la motivation, ni le temps et peut-être encore moins le talent. Sachez simplement que chez Martinet Paris est une ville russe, que la monstruosité supposée est bien là (homicides divers et variés), que l’humeur globalement nympholepte est bien hors de saison et que l’alliage curieux est le résultat d’une drôle d’addition (salée) : Dostoïevski + Gombrowicz + Boulgakov + John Kennedy Toole + Beckett + Chaval + Munch + Jean-Marc Reiser = Jean Pierre Martinet. Voilà je n’ai rien dis d’intéressant et de définitif, lisez le livre pour vous faire une idée et nous en reparlerons peut-être plus sérieusement un jour. Ah ! si un conseil, faites un peu attention, bien que magnifiques, les soliloques noyés forment une curieuse charpente biscornue et ils pourraient vous tomber sur le nez sans crier gare.

lundi 4 mai 2009

Steve Earle – Townes (2009)



Tiens j’ai écouté ce disque sur la route entre Porto et Lisbonne, entre un pont Eiffel (attention il y a deux ponts métalliques à Porto) et une statue de Fernando Pessoa entourée de touristes culturels affectueux (attention il y a deux statues de Pessoa à Lisbonne.) Deux points cardinaux extrême-occidentaux, dans le sens de Dominique De Roux, on tire un trait : c’est la route. Circulation fluide, bon chemin, bon bitume et bonne musique. Même si l'abyssal cyclope Dick Curless eut été plus adéquate en rapport à la situation proposée (« Tombstone Every Mile » splendeur pour routier indolent) ce disque, hommage de Steve Earle à son ami Townes Van Zandt , faisait quand même très bien l’affaire.

Vous allez encore me dire que je m’égare, que je tente de noyer le poisson sur la route à hauteur de Coimbra (belle bibliothèque, jolies étudiantes...) et que comme d’habitude je ne vous parle pas vraiment de musique ! Faut-il vraiment que je vous parle de musique ?

Oui ou non ? Oui ! ?

C’est un disque bienveillant, le disque d’un bon camarade encore vivant, d’un outlaw texan assagi et plein d’amitié flottante … le disque d’un homme qui a su ne pas complètement sombrer (Alcool, héroïne, prison, une vie plus longue que la route entre Porto et Lisbonne) et surtout la preuve que cet homme là n’est définitivement pas devenu ce Bruce Spingsteen, de seconde main, que le destin nous prédisait.

Ho ! Earle n’est pas un chanteur extraordinaire ( pas plus abyssal Curless que sentimental Newbury…) mais il a l’immense qualité de rester humble et modeste devant toutes ces chansons de Van Zandt qui forcement tiennent d’elles-mêmes, alors s’il y a du respect (trop ?) et du savoir-faire chez lui il y a surtout de la maturité matoise, du calme loin du chaos et même une émotion quantifiable et tangible (« Marie », bon comme du Dylan old age). En somme le bel hommage apaisé d’un homme tranquille.

NB : On se souviendra de Townes Van Zandt parlant de son grand ami Blaze Foley : « He's only gone crazy once. Decided to stay » les deux sont morts depuis longtemps, Steve Earle, lui, est toujours vivant et il a bien raison.

PS : Sinon rayon outlaw le nouveau Willie Nelson : « Naked Willie » est une bien belle escroquerie (ou l’inverse.)