mardi 28 avril 2009

Bill Callahan - Sometimes I Wish We Were An Eagle (2009)



Le précédent de Bill Callahan, le premier sous son nom, était presque décevant, un peu mou-hésitant, un peu au milieu de la route tout en restant entre deux eaux, bref une tentative centriste frustrante. Celui-ci est un quasi miracle, une réussite totale et pour tout dire la meilleure chose entendue en cette année de crise indie-pop plus geignarde qu’inspirée.
On dira un disque de rupture dans tous les sens du terme, loin des rivages lo-fi (il est fignolé) et pas loin d’un amour vraisemblablement perdu, un disque consistant (la vie est dedans), plein de tranquillité (cachée ?), une pierre de plus dans le jardin du désespoir tranquille, des arômes tertiaires et une belle maturité qui monte (regardez la monter c’est très beau.)

Si les mots me manquent pour décire tout çela (je suis faible) ceux de Bill Callahan sont bien là : « ...Well I used to be darker/Then I got lighter, then I got dark again/Somethin' to be seen, was passing over/And over me/Well it seemed like a routine case at first/With the death of the shadow, came the lightness of births/In the darkest of nights, the truth still dazzled/And I work myself, until I'm frazzled/I ended up in search of ordinary things... » « Jim Cain » premier titre, un hommage au noir, toute une palettes de gris : une caisse clair, une plus grosse, une guitare acoustique, des violons qui montent , cette voix qui descend, profond très profond ; le bathyscaphe et le baryton en somme. Le reste est à l’avenant « Too Many Birds », arbre aérien, l’ornithologue a du cœur, il n’y a plus de détresse devant l’oiseau, plus d’envols sombres… « My Friend » qui commence dans la douceur pour finir lugubre avec cette grosse caisse qui scande pour mieux clouer…« All Thoughts Are Prey To Some Beast » belle cavalcade, violons souples et inquiétude latente, « Faith/Void » splendeur terminale qui semble ne jamais vraiment vouloir en finir…

En fin de compte, ce disque est magnifique parce que Bill Callahan n’a jamais aussi bien chanté, parce que le mouvement circulaire de la vie passe dans et par les gouffres et précipices de sa voix parce que (osons le cliché) si le temps passe sur nos corps il passe aussi par nos oreilles et que ce temps là n’est pas du temps perdu. Pour notre plus grand plaisir ( ?) Callahan finira crooner, d’ailleurs ne l’est-il pas déjà un peu crooner ?

Nb : Je suis entre parenthèse.

mardi 14 avril 2009

8 Tracks - N°1



8 titres au hasard ? Laissons faire le hasard puisque le hasard n’arrive qu’à celui qui est bien préparé :

Lucy Reed - (In the) wee small hours (of the morning) 4:22
Roger Rodier - Listen To Theses Chords I Play (Celeste) 3:11
Mel Tormé - Gloomy Sunday 5:16
Mickey Newbury - Here Comes The Rain, Baby 3:04
Dave Bixby - Drug Song 3:17
Sam Cooke - You Gotta Move 2:38
James Brown - Doing The Best I Can 7:41
Tim Hardin - It'll Never Happen Again 2:37

dimanche 12 avril 2009

Sad Lovers & Giants - Feeding the Flame (1983)

Ce dimanche matin en me levant, je n’étais plus là. Seul demeurait, le coutumier, l’admis et le régulier d’une vie qui semblait ne plus exister que pour mieux cesser d’être. Un ciel bas et jaune derrière les rideaux, pas plus d’extraordinaire que de grâce et encore moins de miracle. Simplement le fil du temps et rien de plus… Le fil du temps, le quotidien, le souvenir des chimériques journées adolescentes et les strates calcifiées de l’âge qui avance. La succession nombreuse des expériences et cette amère constatation : ce qui nous fait nous défait, plus rien ne nous lie, car ce qui nous liait, l’audace des rêves, la profusion aux miroitements des sentiments, c’est dissolu dans le morne agrégat du quotidien.

Alors.

Nonobstant ces faibles considérations, reste la musique. Sur le haut de la pile des disques à écouter en voilà un qui siéra parfaitement à ma délectation morose. Un beau spicilège post-punk atmosphérique plein d’une vague menace, la division de la joie bien en ligne sous l’ombre portée des colonnes du Colonel Durutti. The Sound sans chair, mais avec de l’éther à la place. Un peu tout ça, un peu pas tout ça… En fait, le disque est mieux que ce que j'en dis alors histoire de nourrir la flamme vous ne devriez pas m’écouter, vous devriez oublier un instant les jeunes géants de marbre et découvrir ces amoureux tristes là, Vous devriez écouter et même regarder… Françoise, cette étrange orchidée que l’on aimera toujours plus que tout ; pour la sustentation il faut savoir se nourrir de fleurs.

dimanche 5 avril 2009

The Langley Schools Music Project - Innocence and Despair (1976-77)



« From ruining gardens, from reluctant woods »

La phase critique de ma crise se déroula dans une espèce de dancing où échoué je commis l’imprudence de me saouler publiquement. Absent, oubliant et m’oubliant, noyé dans une indifférente amnésie plus que par la bonté amniotique du chagrin, je me retrouvais bientôt, sans savoir vraiment comment et pourquoi, sous la clarté lunaire des bois environnants. Là, errant d’arbre en arbre, je parcourus un décor n’appartenant à personne, une spirale de nuit et d’étoiles, de la paix et du silence sur un fond de papier découpé (comme ces papiers que nous découpions vers l’enfance) et bientôt ce sentiment que la vacuité à se sentir vivre atteint l’épaisseur de quelque chose de positif ; cette certitude que la vie, qui n’est rien, conduit paradoxalement vers le tout de l’infini.

Alors.

Oubliant de m’oublier, laissant les clairières derrière moi je retournai vers la musique et les disques, vers le « Langley Schools Music Project », ce miracle si sombre, cette « chorale » si triste sans le savoir, comme ces gamins qui chantent chez Léo Mc Carey. Un récital juvénile fredonné vers Dieu, un paradoxe fantomal plein de joliesse précaire avec toujours ce goût de cendre et de mort, cette amertume qui reste là, logée, pas loin de tout. Oh ! pas seulement ce plaisir mêlé de regrets que nous éprouvons à ranimer des souvenirs d’enfance qui avec le temps nous reviennent toujours pleins de couleurs chamarrées, non plutôt une anthracite nostalgie et l'âcre expérience qui nous saisit… le fossé infranchissable que nous avons creusé entre nous et notre jeunesse et la certitude que nous ne serons plus jamais les maîtres puérils d’un monde qui nous accable.