Le précédent de Bill Callahan, le premier sous son nom, était presque décevant, un peu mou-hésitant, un peu au milieu de la route tout en restant entre deux eaux, bref une tentative centriste frustrante. Celui-ci est un quasi miracle, une réussite totale et pour tout dire la meilleure chose entendue en cette année de crise indie-pop plus geignarde qu’inspirée.
On dira un disque de rupture dans tous les sens du terme, loin des rivages lo-fi (il est fignolé) et pas loin d’un amour vraisemblablement perdu, un disque consistant (la vie est dedans), plein de tranquillité (cachée ?), une pierre de plus dans le jardin du désespoir tranquille, des arômes tertiaires et une belle maturité qui monte (regardez la monter c’est très beau.)
Si les mots me manquent pour décire tout çela (je suis faible) ceux de Bill Callahan sont bien là : « ...Well I used to be darker/Then I got lighter, then I got dark again/Somethin' to be seen, was passing over/And over me/Well it seemed like a routine case at first/With the death of the shadow, came the lightness of births/In the darkest of nights, the truth still dazzled/And I work myself, until I'm frazzled/I ended up in search of ordinary things... » « Jim Cain » premier titre, un hommage au noir, toute une palettes de gris : une caisse clair, une plus grosse, une guitare acoustique, des violons qui montent , cette voix qui descend, profond très profond ; le bathyscaphe et le baryton en somme. Le reste est à l’avenant « Too Many Birds », arbre aérien, l’ornithologue a du cœur, il n’y a plus de détresse devant l’oiseau, plus d’envols sombres… « My Friend » qui commence dans la douceur pour finir lugubre avec cette grosse caisse qui scande pour mieux clouer…« All Thoughts Are Prey To Some Beast » belle cavalcade, violons souples et inquiétude latente, « Faith/Void » splendeur terminale qui semble ne jamais vraiment vouloir en finir…
En fin de compte, ce disque est magnifique parce que Bill Callahan n’a jamais aussi bien chanté, parce que le mouvement circulaire de la vie passe dans et par les gouffres et précipices de sa voix parce que (osons le cliché) si le temps passe sur nos corps il passe aussi par nos oreilles et que ce temps là n’est pas du temps perdu. Pour notre plus grand plaisir ( ?) Callahan finira crooner, d’ailleurs ne l’est-il pas déjà un peu crooner ?
Nb : Je suis entre parenthèse.