lundi 29 septembre 2008

Dom - Edge of Time (1972)



Ces lueurs psychédéliques, des naissances ébauchées, un cosmos naissant ; le cosmos des limbes, lueurs et limbes... Le bord du temps et la lumière d’automne qui est belle, un ciel d’un bleu réservé à septembre, et nous pourtant hors du temps, avec l’espace, et cette musique qui repose semblable à une rêverie unie. Un voyage, un trip mauvais comme souvent pour ces sombres litanies early seventies. Plus que du relâchement et de l’abandon un cauchemar lysergique, un acid test rattaché aux obscurités krautrock loin des mornes fossoyeurs Pink Floyd et de l’école de Canterburry.
Un orgue qui s’élève, des flûtes maladives, du bruit et de la cacophonie, et bientôt cette guitare espagnole qui approche tranquille, plus elle est tranquille plus nous sommes inquiets... c’est un disque très inquiétant... c’est un disque même effrayant.
On se croyait deux, nous et le disque, alors qu’on était seul. La moitié du monde ne vient pas de disparaître, elle n’a jamais existée.
Nous ne sommes plus qu’un morceau de chair qui ne put jamais être un corps, qui fut trop lâche pour être un corps.
Ce disque est sinistre et déprimant ne l’écoutez pas !

vendredi 26 septembre 2008

Fleet Foxes - Fleet Foxes (2008)



Le froid nous guette et le souffle n’est pas là. Même s’il y a du positif à vouloir vivre dans le vide d’une inspiration en berne il est parfois fatal de taire ce que l’on n’a pas à dire. Alors oublions ce positif là et ânonnons des paroles sans idées ; trop heureux qu’elles ne signifient rien.

Crosby sans Still sans Nash sans Young et même sans Crosby. Un peu Brian Wilson sans la famille, les faux cousins… voir même un peu Brian Wilson sans Brian Wilson ... Un peu folk à bougies, un peu lysergique en plastique, un peu tout ça moins ça... pas vraiment mauvais sinon.

La pochette est un Bruegel, pas mauvais, un peu Peter Saville sans code barre

Reste que je suis très morne ce soir... très morne, c’est un fait, et un peu sans (mes) mots


dimanche 21 septembre 2008

Dave Bixby - Ode to Quetzalcoatl (1969)



Pour la part la moins attentive de l’assistance, et pour condenser succinctement, sachez que ce disque est une pure merveille, un bloc de mélancolie xian folk à l’ombre des piliers. Les autres pourront me suivre dans la morosité et la boursouflure d’une prose absolument gongoriste et au milieu d’un disque qui pourrait être comme ça un summum de plombé-plombant.

Je ne suis plus une personne, je ne peux pas même plus ressentir.

Ah oui ! Toutes ces choses acoustiques et soucieuses, un étrange mélange de lentes complaintes à la dérive ; cette voix attaquée par les sédatifs : une tache floue, surnageant sur une nébuleuse éthérée de guitare en bois. Un disque lourd, le disque d’un homme seul au monde… d’un homme seul en face de Dieu. Un disque sinistre, avec des piliers et de la rédemption. ! L'histoire de Dave Bixby est racontée de l’autre côté de la pochette, comment il a noyé sa vie dans l'abus de psychotropes divers et avariés (Drug Song ), comment il a découvert un Dieu hypothétique (I Have Seen Him) et comment il n’est pas totalement mort. Toutes les chansons de notre ami Bixby parlent avec des mots naïfs de cette conversion-libération là, mais étrangement (heureusement ?) aucune petite lumière chrétienne, l'atmosphère reste uniformément désespérée et suicidaire ; d’une quiétude qui ne s’amortit pas, ou tout du moins qui n’a plus la force de s’amortir. Reste une vibration endommagée par le solde d’acide, une vibration qui monte vers les nuages et laisse l’auditeur dans un état vaguement cotonneux ; entre la narcolepsie et la paralysie du sommeil, une expérience inaccoutumée, presque organique et purement intime.

Je l'ai vu, je l’ai écouté

Ce disque de hippie déprimé-refroqué est très beau, mais c’est un trésor difficilement trouvable… toutefois en creusant bien sachez que… en tous les cas si vous parvenez à le déterrer , vous découvrirez l’un des plus magnifiques symptômes persistants d’un genre plus enfoui que révolu : le xian folk. Vous classerez alors Dave Bixby non loin de Charlie Lochner et de son Winter in my life, du beau rien que de beau, bien loin du folk à bougie des temps qui nous encerclent. Si vous êtes dépressifs abstenez-vous de déterrer quoi que ce soit, évitez précautionneusement l’altitude et les réverbères, formez un cercle avec vous-même et écoutez Devendra Banhart, le risque est bien moindre à rencontrer ainsi du factice en plastique.

mardi 16 septembre 2008

The Diodes - Released (1979)



Fermez les yeux, imaginez les Ramones reprenant une chanson de Paul Simon (Tired Of Waking Up Tired), ouvrez les yeux et créez pour vous-même un Clash apolitique, un Clash mélodique et sans méchants (Terminal Rock). Refermez les yeux et déboutonnez vos oreilles, vous n’imaginez plus rien et à présent vous entendez vraiment les Diodes cet incontestable et tamponné premier groupe punk canadien ; des guitares sportives et des bidules concis de pas plus trois minutes chrono en main, des lyrics futés et la-bas, pas trop loin dans le sucre, des rivages power-pop. Pas un grand disque, mais qui demande à n’écouter que du crucial et du fermement fondamental en permanence ?

NB : La diode (du grec di deux, double ; hodos voie, chemin) est un composant électronique. C'est un dipôle non-linéaire et polarisé (ou non-symétrique). Le sens de branchement de la diode a donc une importance sur le fonctionnement du montage.


dimanche 14 septembre 2008

Peter Coyle - I’d Sacrifice Eight Orgasms With Shirley MacClaine Just To Be There (1986)



Plus qu’un magot caché, plus qu’un must oublié, ne cherchez pas une île, un quelconque filon, soulevez simplement les fagots, voilà.

Peter Coyle -> oui le Peter Coyle bien peigné de Lotus Eaters -> Album solo, le titre : I’d Sacrifice Eight Orgasms With Shirley MacClaine Just To Be There, une chose gauche et dévoyée -> Il y a un autre album , un double : A Slap In The Face For Public Taste, encore plus machin tordu -> Le tout est introuvable
ici -> En attendant vous pouvez vous fader la jolie scie, vous tailler la jolie guêpe sur The First Picture Of You ; une fois de plus…


jeudi 11 septembre 2008

Remake / Remodel N°5



« J’étais comme celui qui, s’éveillant à peine, voit s’échapper son rêve et qui fait des efforts, mais en vain, pour garder les ombres qui le fuient. »

Rappelons que le seul, vrai et unique, Remake/Remodel est
ici. Vous y retrouverez de grands zombies envoûtants, myrophores et palpitants, les spasmes sonores brinquebalants de Tom Waits… Gene Tierney alanguie, Anita Page et le lapin agile... Lonnie Johnson tel un roseau pensant... Le double mouvement de rotation et de chute effectué par un objet virtuel dans le cône. Du liquide séminal comme poudre de squelettes anciens… Dante Alighieri et le Detroit sound…. Usan Bolt et l’ombre projetée de la vitesse… de la technologie, de la beauté et du fitness… Vous trouverez tout ça, et bien plus en cherchant sous les fagots.

mardi 9 septembre 2008

Une brasse bien cuite



1

Il y a de très rares traces de burlesque dans la nouvelle vague, éventuellement chez le primo Godard voire chez le Truffaut du pianiste, ailleurs pas grand chose, peu de « mécanique plaqué sur du vivant », de temps à autre de l’humour, certainement, mais pas plus écumant que ça l’humour. Voilà pourquoi ayant trempé dans les mêmes eaux, les cahiers de la brasse, Luc Moullet est si singulier et se distingue par une pratique nautique plus adéquate envers le relâchement des zygomatiques. Le secret de Moullet ? Il brasse d’un bras et d’une jambe tout en éclaboussant l’assistance pendant que ses camarades restent de sages adeptes de la planche et d'un genre de faux crawl coulé en eau plate.

2

Oh ! bien évidemment, il faut être à côté de l’axe pour pouvoir apprécier toutes ces histoires de baignades dans leur juste situation ; un peu décalé dans l’espace, un peu comme le distributeur de papier toilette chez Brigitte et Brigitte. Ah ! oui c’est vrai il faut voir Brigitte et Brigitte pour mieux (me) comprendre. Brigitte et Brigitte ce bidule farfelu comme un Jarry Lewis en solo attaqué par le collège de pataphysique tout entier. Brigitte et Brigitte ce machin insolite et farfelu, tourné avec des bouts de ficelles et avec des morceaux mid sixties dedans : les bidonvilles de Nanterre, les travaux à Nanterre, les proto mao à Nanterre…. des miettes de cinéphilie, Edward Ludwig, Edgar G Ulmer et Vincente Minnelli, des filles bien palpables, une Brigitte blonde et déliée, une Brigitte brune et boulotte…. Le tendre Claude Melki, le docte et déjà délicieux Maurice barbon Scherer, un soupçon de Samuel Fuller…

3

L’absence de moyens de Brigitte et de Brigitte confine à l’abstraction, au factice, et comme chacun sait qu’il y a plus de vérité dans le factice que dans un cocktail de penthotal mal dégluti, il y a beaucoup de plaisir à plonger dans ce simulacre de vrai-faux cinéma rigolard là. Même pas utile de savoir nager…

dimanche 7 septembre 2008

Roger Rodier - Upon Velveatur (1972)



Alors, voilà le beau temps ! Fini le brutal et l’artificiel, les mauvaises sueurs et la rancune des sentiments étalés, les tripes sur la table… non-merci ! Fini ce pesant sirocco que Nietzsche voyait marauder au-dessus du désert chez le lourd et lent Wagner… Fini le génie impoli, place à ce qui n’est que léger car chacun sait que ce qui est bon est léger et que tout ce qui est divin marche d'un pied délicat…
On s’explique alors sans peine à soi même ce qui pousse son propre goût vers cette somme de légèreté représentée par Roger Rodier, une sorte de nostalgie de la nostalgie, ce léger regret en arrière et cette tristesse tranquille pas si enfouie là… la tristesse tranquille et sans cause d’un enfant solitaire. Alors restons pensif le front aux vitres, observons le tissu uni de l’existence et la légère mélancolie monter, c’est en ce tissu que le rêveur cherche la vie tranquille et échappe au sirocco. Restons pensifs et écoutons cette musique suspendue, comme celle de Nick Drake comme certaines mélopées brésiliennes formant sensualité sans les corps, regardons sereinement le ciel gris de l'abstraction et comme zébré d'éclairs la lumière assez forte pour faire apparaître le filigrane des choses; les grands problèmes si proches qu'on croirait…

vendredi 5 septembre 2008

Dr. Feelgood - She Does It Right



Cette guitare est un fusil, cette guitare marche au speed ! Flinguons Woody Guthrie, flinguons Devendra Banhart, flinguons le folk à bougies !!! Ici Wilko Johnson, l'homme en noir, curieusement cadré, lacère un boogie graisseux. Drôle de bonhomme Wilko, licence de lettres, lames de rasoirs, du sang sur les telecaster. Un halluciné, un vrai ; ne croisez surtout pas son regard, il vous transpercerait. Toute une histoire, Wilko Johnson...

jeudi 4 septembre 2008

Le « croquignolet » du jour – Charles-Marie Widor



Il faut savoir que Charles-Marie Widor « l'Aristocrate de l'orgue » fut pendant soixante quatre ans organiste « temporaire » de l’église Saint Sulpice où , pilier parmi les piliers, solide et marmoréen dans les courants d’air pleins d’eau bénite, il délivrait au milieu des toussotements et par la grâce innée de deux pattes expertes, moult mélopées grasses à l’adresse de Dieu. En dehors de l’église et de toutes ces sournoises pratiques manuelles poinçonnées du sceau du bigot, notre olibrius fut également professeur au Conservatoire de Paris où il eu pour élèves d’illustres futurs tâteurs d’orgues ; les non encore six mais là bien deux, Arthur Honegger et Darius Milhaud, le sémillant Albert Schweitzer, l’habile Marcel Dupré…
Nonobstant tout ce grand sérieux là, ses, tour à tour, pieuses et doctes activités indoor oubliées, Charles-Marie Widor se révélait être le grand air atteint un croquignolet de la plus acceptable espèce. En effet il se murmure que notre bigot débigoté menait de bien curieuses expériences musicales sur la faune environnante ! Un jour de croquignolerie aiguë il aurait, par exemple trimballé tout un orchestre au Jardin d’Acclimatation ! Là, selon quelques spectateurs indemnes mais encore interloqués, le rhinocéros fonçait sur la grosse caisse. Les phoques chérissaient tout, sauf le jazz ; le goût des éléphants allait plutôt vers la musique ancienne ; tendres proboscidiens, instantanément ils devenaient rêveurs (l’effet Babar)…. Wagner faisait hurler les loups, les renards, les chacals. La girafe considérait Gounod à sa juste hauteur. Le crocodile était, lui, un mélomane parfait, tellement passionné par l’orgue que Charles-Marie avait ramené l’une de ces charmantes bestioles à domicile ; dans la baignoire, il lui jouait du Bach, c’est toujours mieux que les sacs à main, et d’un divin. ! Il faut noter qu'à l’exception des araignées, manifestant un singulier penchant pour le clairon, les insectes se montraient en règle générale suspicieux face à l’hélicon voir au mieux indifférents devant les orphéons militaires.
Tout cela nous donnera ce mot très sombre de Léon Paul Fargue : « A votre orgue, les moustiques préfèrent leur propre musique » et nous de rire sous cape.