mardi 27 mai 2008

Mix of the week – N°1



C’est un avis personnel qui n’engage que moi, l'inattaquable et inattaquée plongée mid-seventies Rock Bottom à beau être l’un des plus beaux disques d’anti-rock au monde il y avait dedans, Nick Mason, l’infirmier Pink Floyd et quelque chose du barnum dans les arrangements . Voilà pourquoi j’ai toujours naturellement trouvé meilleur et à mon goût le Robert Wyatt mid eigthies ; celui du vieux chapeau pourri et des merveilles Cherry Red. De l’air au service de la révolution.. Une voix, un orgue, et rien de plus ou très peu.
On trouvera donc dans ce court assortiment que vous pouvez écouter, où plus bas si vous le voulez bien, Amber And The Amberines un titre mid-eighties formidable et fatalement aérien. On discernera chez les autres, et non sans concentration, une litanie poisseuse de l’épiphonème post-punk Paul Haig, une terrible confession tout autant poisseuse d’Eyeless In Gaza. Il y aura la plus belle chanson de Felt avant les peintres primitifs, le plus beau one hit wonder eighties , Joe Crow et son Compulsion toujours compulsif. Dalek I Love You et ses guirlandes synthétiques capables de ligoter toute la synth-pop, de Depeche Mode aux dialecticiens d’OMD. Il y aura des filles, beaucoup de filles, toutes merveilleuses, Isabelle Antena, Allison Staton, Tracey Thorn, les filles de la marine et une camarade de Pascal Comelade au petit nom mystérieux. Il y a aura des filles et Stuart Moxham, Stuart Moxham et Love at First Sight, on oubliera Etienne Daho et Kylie Minogue.

Mixtape n°1

Dalek I Love You - Destiny (Dalek I Love You) 3:40
Paul Haig - Christiana 3:40
Joe Crow - Compulsion 4:24
Robert Wyatt - Amber And The Amberines 4:11
Isabelle Antena - Noelle a Hawaii 3:25
Gist - Love at First Sight 3:43
Deux - Game and Performance 3:39
Fall of Saigon - Visions 2:18
Felt - My Face Is On Fire 3:02
Marine Girls - Lazy Ways 2:42
Eyeless In Gaza - Light Sliding 3:53
Weekend - Nostalgia 3:51

12 songs, 42:28 minutes

vendredi 23 mai 2008

Deux Filles - Silence & Wisdom (1982)


En voilà une drôle d’histoire triste, voyez–vous qu’il n’y a rien de plus laconique, rien de plus accablé, que la carrière de Deux filles ce très mystérieux duo eighties grêlé par le drame voire même pire que le pire, par l’ épouvantable ! Une catastrophe imminente et tellement surplombante que forcement voyez-vous là, c’est un éboulement. Deux filles : Gemini Forque et Claudine Coule, adolescentes hexagonales qui se rencontrent pendant un pèlerinage à Lourdes. Claudine accompagnait une mère qui décèdera subrepticement d'une incurable maladie pulmonaire et cela avant même d’avoir atteint la grotte à Soubirous et ses babioles en stuc. Gemini, elle, était rembrunie par le trépas automobilistique et tout frais d’une mère tentant de véhiculer un père paralytique sur le chemin de la même grotte aux colifichets. Les deux adolescentes devant leurs deuils respectifs comme devant deux tas de charbon décideront de ne faire qu’un tas et elles prendront la tenace résolution de cicatriser mutuellement par le biais de la musique. Une musique forcement sinistre, morbide avec des pointes lugubres, forcement lugubres, mais cependant jolie avec quelque chose de la complainte, de la lamentation voire de la douleur dentaire, vous voyez la complainte la lamentation et la douleur dentaire ? Malheureusement, car il y a en l’occurrence encore du malheur, c’est après avoir enregistré deux albums applaudis par la critique et après avoir joué dans toute l'Europe que Forque et Coule s’évaporeront, tel l’éther, sans laisser plus de trace que dans les sinus et vaguement dans les mémoires. C’était à Alger en 1984. Gemini Forque était née à Alger elle y avait vécu jusqu’à l’age de cinq ans, pour elle c’était un retour aux sources, drôle de retour, un retour dans l’éther dans les saintes extases et la disparition, un phénomène saumâtre et sans colifichets.
On échafaudera moult théories bancales à partir de cette histoire : enlèvement, meurtre, libre combustion des corps ? Au cours des années, aucune trace du duo si ce n’est une mystérieuse lettre soi-disant écrite par Coule et prétendant que les deux filles auraient discrètement caboté vers les Indes, les Indes si spirituelles ! Si propices à la collecte des âmes !
Les terribles et courtes existences de Claudine Coule et Gemini Forque sont à l'origine d’un concis mais fervent culte auprès d’une discrète cohorte de zélateurs dont votre serviteur est l’un des sectateurs les plus diligents… J’aime cette musique parce qu’il y a dedans de la placidité somnambulique, et la placidité somnambulique c’est beaucoup. J’aime cette histoire parce qu’il y a dedans beaucoup de tristesse moirée, et la tristesse moirée c’est beaucoup…

Là où tout se complique, là où tout bondit de l’ombre vers la lumière, c’est que ces Deux Filles là, vous l’aviez deviné, n’on jamais eut plus d’existence tangible qu’un rêve tissé d’âme dans l’encéphale embrumé de Simon Fisher Turner... un anglais encore un... Vous devriez connaître Simon Fisher Turner cet ancien enfant star, dandy décalé notoire, compositeur chez Derek Jarman, petit roi d’une hypothétique principauté pop avec The King Of Luxembourg. Vous ne devriez pas oublier, non plus, que notre mirliflore Simon fut un temps le voisin de palier d’un autre mirliflore notable, Louis Philippe, c’était chez El Records (et non Sarah) …

Deux Filles n’était donc qu’un rêve, une fiction brumeuse pleine d’umour chantignole, une histoire plus que de la musique c’est certain, mais de la musique un peu quand même ; éminente comme chez Vini Reilly, mystérieuse comme chez Eyeless In Gaza (sans le sublime incantatoire d’une voix hors normes), atmosphérique comme chez le déplumé en chef Eno. Bref un bon disque d’ameublement un peu tordu, comme chez le facteur Cheval .

dimanche 18 mai 2008

Chambre verte- (Ian Curtis)

 

 

Here are the young men, the weight on their shoulders,
Here are the young men, well where have they been?

Le fardeau n’est plus sur nos épaules, il est à présent en nous. Il y a bien évidemment du dérisoire, voir du pathétique, à vouloir tous les 18 mai (que Dieu fait) ressortir et réécouter Closer avec une obstination métronomique. Certainement pour ne pas oublier Ian Curtis, mais plus encore pour se souvenir des souvenirs. Pour ces nuits anthracite passé à écouter cette seconde face , caché sous les draps, un casque sur les oreilles et les yeux humides. Une chose terriblement importante, la plus importante dans l’existence d’un gamin de quatorze ans. Les disques qui ont tourné autour de notre adolescence sont les plus importants ; un socle sur lequel on s'arc-boute sans cesse, inconsciemment, comme sur du sable imbibé. Nous avons beau viser ailleurs, l’ arc ne revient pas à son point de départ en vain…

Voilà pourquoi tous les 18 mai il faut réécouter encore une fois la seconde face de Closer. (Je parle en face comme on parle en anciens francs) La première face, elle, est toujours cet ordonnancement raide, broyé par du métaphysique, une continuation d' Unknown Pleasures jusqu’à son point limite, un moyen d’en finir. La seconde face de Closer c’est une autre histoire, du moins palpable et du plus flottant. Ian Curtis est dans la lampe, il en sort, mais le « génie » c’est Martin Hannett , lui canalise, sculpte, ordonne une matière sensible, le génie simple, par contre, de Ian Curtis c’est ce qu’il laisse échapper malgré lui-même, cette voix de baryton concassé qu’il semble découvrir, c’est voix qui vient APRES dans un apaisement apparent, comme toutes les voix de crooners. Ian Curtis était un grand crooner en devenir…
La seconde face de Closer, une délivrance passagère ? En tous les cas, une sérénité troublante. Ian Curtis ne lutte plus il peut même fredonner détaché , Heart an Soul est une transe analeptique engourdie par les antidépresseurs, Twenty-four hours n’est que le renoncement d’un cœur lourd, The Eternal une prière et Decades la plus belle chanson boiteuse du monde... la plus belle chanson du monde ?

samedi 3 mai 2008

Kevin Ayers - May I ?



« A l’incroyable, au merveilleux, à l’élégant, ces trois héritiers des petits-maîtres, ont succédé le dandy, puis le lion »

L’aube, apparition venue sans bruit qui se tient debout dans la chambre, comme une fée effleurant mon lit ; mon secret et mon imagination…
C’est mon secret : je voudrais me trouver libre de toute contrainte, matérielle ou sociale ; vivre somptueusement et progresser chaque jour dans la maîtrise de moi-même, rester en dehors car rester détacher donne plus de pouvoir que de posséder toutes les choses. Pour ce qui est de mon imagination et de cette prétendue création d’un autre moi-même éventuel : je tente de rester bien établi en moi-même, jusqu’à ce que je sois enlevé à moi-même, sans moi-même.

Nonobstant ces vaporeuses considérations, je suis à sec. J’aurais pu par exemple vous parler de Kevin Ayers, mais voilà je suis vide et vidé, terriblement. J’aurais pu vous parler des dandys décalés, du détachement ; remonter jusqu’aux mystiques rhénans, Maître Eckhart ou Henri Suso. Remonter, tout en oubliant l’archevêque, jusqu’à ces doux croyants en passant par l’école de Canterburry , mais non je suis asséché, déshydraté et en manque d’inspiration… terriblement. Il ne sera donc pas question ici de tout cela ; mon secret est aussi mon absence d’imagination. Vous n’apprendrez rien de plus sur ce fabuleux May I ?, sur le très jeune Mike Oldfield à la basse, sur le tendre saxophone de Lol Coxhill , sur cette voix qui n’est que de la nonchalance ; c’est à dire tout (ou presque). Dommage nous aurions pu ensuite parler un peu plus de Kevin Ayers, de ses chansons lunaires ; mais pas de ses albums trop inégaux, de sa blondeur et de sa douceur. Nous aurions également pu nous souvenir de toutes ses bouteilles à la mer envoyées depuis les Baléares pendant que l’autre, Syd Barrett, restait planté au fond d’un jardin en friche.. Nous aurions pu parler de ce grain de voix inimitable, de cette gravité au service de l’aérien, de la simplicité ou de l’indolence. Nous aurions pu parler de tout ça. Nous n’en parlerons pas… Il faudra donc savoir s’établir dans un simple abandon. Car un désir sans mesure, s’il est trop grand peut devenir un obstacle caché.