mardi 29 mai 2007

Lewis Milestone - The Strange Love of Martha Ivers (1946)



Film noir archétypal avec tous les codes inhérents au genre : Héroïne fatale et ambitieuse, corruption latente, emprise du passé sur des personnages qui ne parviennent pas à se libérer.. En gros noir c’est noir et il n’y a pas trop d’espoir... Lewis Milestone en bon artisan suggère assez bien : substituant systématiquement la noirceur morale de ses sujets par des scènes globalement charbonneuses et … au cœur de ténèbres …Jolie suite de chutes dans une pénombre de plus en plus incontournable... dégringolades sentimentalo-tordues seulement éclairées par de frêles bougies qui pourraient être les seules à témoigner d'une multitude de turpitudes (non mais). Meurtres, faiblesses non passagères, autodestruction, tout le tremblement... Les personnages qui, parviendrons à s’extirper de la boue du passé réussirons à sortir de cet enfer bourgeois provincial et globalement nocturne, quant aux autres les pauvres !
Script et dialogues de Robert Rossen assez subtiles , belle distribution , premier rôle d’un Kirk Douglas pour le moins fragile (déjà la fossette) Barbara Stanwyck chafouine comme à son habitude , Van Helfin en lourd léger dur à cuir et surtout la magnifique Lizabeth Scott très émouvante sorte de Lauren Bacall lo-fi aux yeux liquides…

mercredi 23 mai 2007

Wilco - Sky Blue Sky (2007)

« Parmi les tourbillons, les essaims, les averses de sons, Pierre entendait à présent des notes plus élevées qui, subtilement insinuantes, s’entrelaçaient aux mille ondulations de la mélodie ; respectueuses des lois de l’instrument, mais merveilleusement libres et hardies dans leur abandon, elles bondissaient et rebondissaient comme renvoyées par de multiples murailles, cependant qu’à chaque syllabe la forme d’Isabelle, enfouie dans sa chevelure, se balançait de-ci de-là, aussi abandonnée, aussi rapide, aussi libre ; et cela ne semblait point être un chant, ne semblait point formé par des lèvres, mais venait de sous le voile qui cachait la guitare. » (Herman Melville, Pierre ou les Ambiguïtés)


On pourrait dire de ce disque qu’il n’invente rien. Qu’il se contente d’être central en plein du milieu du territoire arpenté par Jeff Tweedy depuis une quinzaine d'années. Pas de réinvention, pas de remake déguisé Krautrock comme dans le dernier « A Ghost is Born » En gros un credo folk-rock pleinement assumé, serein et apaisé... central donc ; mais pas au milieu de la route. On pourrait d’ailleurs finement observer que pour éviter le milieu de cette route (Syndrome Eagles) chaque titre se révèle à lui-même, trouve sa propre combustion, dans le feu des guitares (parfois courtes et sèches comme l’allumette craquée... parfois quasi pyrotechniques, débridées et crépitantes de milles feux sybarites .) Cette cohorte de guitares cabotant tel un vaisseau ignifugé entre les duels coruscants pris chez Television, le mid-Floyd de « Wish You Here » et la pétulance moirée de Richard Thompson. Donc un disque à guitares, pas trop verbeuses (un peu) pas trop sommaires (ah non !) avec parfois quelques touches d’orgues de chez Dylan par-ci « Either Way » un piano de chez bastringue par-là « Walken »
Au-delà des références à une quelconque culture rock corrodée - et avec les guitares - c’est la voix de Jeff Tweedy qui semble décisive, elle n’a jamais été aussi belle et éloignée du centre de la route cette voix… sortie de magnifiques ornières, écorchée mais revenue de ses blessures, avec le poids du vécu qui ne l’alourdie pas mais au contraire la libère…
Vers la consolation… vers la quiétude, restons touchant et serein au milieu de la route... mais dans le brasier des guitares… . En parlant de quiétude, chose poignante : « Sky blue sky » est un disque sûr de lui-même, absolument tranquille alors qu’il n’a que le contraire comme sujet apparent : l’émiettement des âmes, le fait que nous soyons conçus pour mourir…
Tweedy pour contrarier toutes ces choses là, cherche la beauté. Elle est là palpable, il suffit d’un léger effort. Voilà derrière les branches... le ciel bleu.. l’abondance et l’inspiration... il y a de la matière. Il y a de la beauté dans l’apaisement, il y a de la beauté crépitante partout.



vendredi 18 mai 2007

The Missing Boy



"Celui qui se suicide est le prisonnier qui, voyant que l'on dresse un gibet dans la cour, croit que c'est à lui qu'on le destine, s'évade la nuit de sa cellule, descend dans la cour et se pend lui-même."

Franz Kafka (Journal)


http://fact25.blogspot.com/

mardi 15 mai 2007

John Randolph Marr - John Randolph Marr (1970)



« Oh ! non… C’est si bon ce clair-obscur ! Nous nous sommes trempés dans un flot de soleil toute la journée. Nous sortons du bain et nous jetons le crépuscule sur nous comme… comme un peignoir. (Il rit) Ah ! non… il faudrait trouver un autre mot… Qu’en dis-tu ? »
Arthur SchnitzlerLa Ronde

Voilà restons au centre c’est une marotte passagère, Celui là est l’unique de John Randolph Marr : clinquant agrégat de variété au sens anglo-saxon du terme , loin de chez nous et de nos nationaux rockers écroulés allergiques à l’impôt et loin du nec plus substrat représenté par l’abat-jour avignonnais. Mais je m’égard ! Cherchons une fissure spatio-temporelle et rejoignons l’oublié John Randolph Marr circa 1970… Chtac vlan voilà ! Ce n’est pas un disque primordial mais c’est produit par Harry Nilsson… il y a des trompettes, des violons, des basses simili-groovy des petites gouttes quasis psychédéliques… il y a également l’ironie d’un Randy Newman qui dans les mots surplombe l’ensemble. Un disque réjouissant avec un maître de cérémonie joyeux, ce qui il faut bien l’avouer nous changent de la morne anxiété de nos temps pleins de grumeaux. D’ailleurs il faut ouvrir les fenêtres, se tremper dans le flot de soleil, écouter les vrais disques d’Harry Nilsson, lire Marivaux, chercher l’ombre quand le soleil sature trop... l’ombre des arbres pas celle d’un garde du corps ayant égaré son képi pour des raisons indéterminées. Peut être le vent qui souffle sur le pont d’un yacht superfétatoire ? La question mérite d’être posée en tous les cas John Randolph Marr lui donne toujours l’impression de se lever tard..

samedi 12 mai 2007

La plus belle chanson du monde (4)



There is so much noise
There is too much heat
And the living floor
throws you off your feet
As the final day falls into the night
There is peace outside
in the narrow light


7 fois de suite Final Day des Young Marble Giants

7 fois 1 minute 38 secondes subséquemment 98 secondes multipliées par 7 nous font 686 secondes qui divisées par 60 au bas mot vadrouillent vers les 11 minutes 43 secondes soit un peu plus que la version de
Discipline enregistrée par Throbbing Gristle à Berlin en 1979 qui elle fait un petit 10 minutes et 45 secondes mais ne peut être écoutée 7 fois de suite sans dommages collatéraux On pourrait également comparer Alison Staton et Cosey Fanni Tutti tout en sachant que les happy fews ne guettent pas trop et la ponctuation venant à manquer disparaître tel les trois points terminateurs


mardi 8 mai 2007

Cool Memories 3



Je retrousse mon jean à hauteur de chevilles, laissant sournoisement apparaître une paire de chaussettes forcements noires prolongées par d’assez reluisantes Doc Martens en peau retournée marron. Je porte cette petite veste cintrée bleue électrique avec des épaulettes qui laisse croire que je pratique la profession peu usitée de groom saturé post atomique dans un hôtel désaturé.. Rue de la République non loin de la FNAC j’achète un paquet de Pall-Mall sans filtre. Le paquet est souple, les cigarettes plus longues, le paquet est rouge il tranche superbement en dépassant nonchalamment de la poche de ma veste tellement remplie de bleu Ikb klein. Sur cette veste facilement colorée j’ai accroché un badge verdâtre de New Order reprenant les couleurs, la typographie de Ceremony le premier Ep échappé de chez Factory Records après la mort de Ian Curtis...
Plus loin, rue Mercière, au milieu des affiches lacérées, je croise Gilles, nous conversons bientôt avec les fatiguées prostituées du secteur. Gilles fume des Camel, les filles rigolent… Un peu plus tard devant la vitrine de S.. (le nom m’échappe) au moment même où nous regardons avec concupiscence un tee shirt des Stranglers , un skin à l’improviste vient nous chercher des noises. Le pauvre garçon boule de haine bondissante, nous traites de pédales, de bougnoules en vestes bleues, de mods ! J’essaye de dulcifier le dialogue, mais peu finement Gilles crache à la gueule du tondu qui bientôt sort un pistolet à eau plein d’un liquide incertain. Un peu inquiets rapport à la nature du liquide (de l’urine !) nous détalons derechef le débile à nos basques. Apres une course peu commune qui nous voient traverser à toutes berzingue la place des Terreaux, nous semons le monospore raz du tif les premières pentes de la croix rousse atteintes (il faut bien dire que le pistolero tondu est généralement peu sportif en plus de nazillon.) Pour nous remettre de nos émotions nous achetons une commune Jeanlain chez le premier arabe du coin et redescendons vers les quais de Saône en devisant doctement sur les mérites comparés d’Echo and the Bunnymen et de Killing Joke . Plus tard le pont traversé, Gilles roule un joint dans une pissotière voisine de la cathédrale St Jean ; joint que nous allons gaillardement mégotter sur le quai devant le palais de justice. Apres avoir balancé deux trois cailloux sur les péniches qui passent, nous remontons dans la circulation... vers le monde... de ventrus nuages sombres trouent le bleu pâle , l’orage guette…
A présent je porte des pantalons décathlon Quechua souples et kakis, je me chausse de fonctionnelles baskets grises avec des rayures oranges, sans chaussettes. Je ne fume plus rien depuis longtemps. La rue Mercière n’est plus qu’une accumulation de restaurants vulgaires et faussement chics. Il n’y a plus de prostituées elles se sont déplacées plus loin derrière la patinoire, elles ne parlent plus la langue du pays, ce qui ne favorise pas les discutions. La place des Terreaux à été relookée par Jean Nouvel, il n’y plus de pissotière et le parvis de la cathédrale Saint Jean est envahi à présent par les Punks à chiens. Sur le quai devant l’ancien palais de justice il y a maintenant un parking. On a jugé Klaus Barbie, mais il y a toujours des skins. Gilles la dernière fois que je l’ai vu était chauve et père de trois enfants. L’orage journalier s’annonce…


lundi 7 mai 2007

Drôle de Barnum



Voilà donc des personnages d’Edward Hopper qui discrètement déguerpissent flottent un bref instant et se réfugient au grès du hasard dans un volume de Franz Kafka… Il y a de cette saveur là dans ce recueil de nouvelles de Steven Milhauser : un goût pour la discrétion (une des qualités essentielles chez les fantômes) une distance ironique et tendre face au sujet, un réalisme surnaturel entraînant le lecteur dans une sorte de rêve éveillé.
Pour nous tenir à la limite de l’éveil dans cette très mince strate proche du sommeil où se déboutonne la poésie, Milhauser a une recette assez particulière : quand d’autres ne surnagent pas au-dessus de leur moi encombrant, lui ne parle jamais de ce qui pourrait être un semblant de lui-même. Il canalise ses efforts sur ce qui ouvre son imaginaire : les objets, les mythes, l’illusion engendrée ou la rigueur apparente des automates… Au risque parfois de paraître désincarnés et manquants de chair ses récits partent toujours d’un point de friction minimum avec le réel pour finir dans une sorte de réalisme converti à la magie par l’illusion et le factice.
Il y a par exemple cette première nouvelle où avec une attention aux plus infimes détails une partie de Cluedo décapsule la mécanique de l’imagination. Le colonel Moutarde tente de séduire une Mlle Rose quasi affriolante, le docteur Olive est un drôle de coquet voyeur à ses heures perdues… Comme chez le Georges Perec des choses les détails scrupuleux (Boite de Cluedo, jetons, conditions atmosphériques…) ouvrent le récit vers des périls insoupçonnés. Le passage entre les joueurs supposés bien réels et vivants et les pions de la fiction supposés eux inanimés (et en plastique) n’est pas si simple. D’ailleurs le Docteur Olive finit par être bien plus palpable que le quidam incertain qui le fait avancer à coup de dés aléatoires ! Quelques pages plus loin dans un autre récit « Derrière le rideau bleu » un jeune garçon étourdi et surtout curieux traverse l’écran où est projeté un hypothétique film. Il se retrouve au beau milieu d’une foule bigarrée parmi les personnages, mais à la différence du Zelig de Woody Allen non dans le film mais derrière celui-ci, parcourant un dédale de pièces mystérieuses ayants à voir avec les jeux de plateformes. Le retour vers la réalité une fois le rideau retraversé sera bien terne, comme un renoncement et un passage prématuré à l’âge adulte. Tout disparaît et même l’enfance qui sera escamotée au profit d’une chose molle et terne, trop proche du concret : l’age adulte…
Milhauser est un drôle de cuisinier, un peu plus loin dans une histoire plutôt biscornue une pluie diluvienne modifie le protagoniste jusqu’à la disparition, la substance déclenchante du récit supprimant ainsi le personnage qu’elle avait crée dans une curieuse chimie.
La nouvelle qui termine le volume, « Eisenheim l'illusionniste » est une petite merveille qui boucle parfaitement le tout, ultime tour de magie existentiel dans une Vienne très Mitteleuropa où une dernière fois le protagoniste comme tout bon fantôme disparaîtra discrètement
Même si parfois pointent quelques moments languissants les mécaniques de Steven Milhauser ont un charme indéniable. Vous pouvez plonger ce n’est pas une lecture prépondérante, mais le plaisir est certain.


Steven Milhauser - Le Musée Barnum, Editions Galaade - 275p, 19€

mardi 1 mai 2007

Livingston Taylor - Liv (1971)



Poursuivons notre exploration du centre par toutes ses marges. Celui ci est plus James Taylor que nature. Tellement que l’on cherche en vain les infirmiers, le psy et un bien concret test de Rorschach . Bien que les apparences soient parfois trompeuses nous irriguons de quiétude les parcelles de terre côtoyant notre limitrophe entourage. Voilà c’est cela restons élégants et souples devant le minimum d’engagement face à une société à qui on ne demande rien et qui elle un peu lourdement demande toujours beaucoup. Restons vraiment centriste, face au soleil au milieu du vert, toute une gamme de verts. Restons vraiment centristes au milieu du vert, fermons les yeux face à la lumière… laissons venir la douce quiétude, vrai disque du millieu, biotope dans l’axe à lui tout seul.