dimanche 14 janvier 2007

L'Inconnu du Nord-Express-Alfred Hitchcock (1951)




Les meilleurs Hitchcock sont ceux ou les personnages féminins figures fantasmées sont un peu le centre du film, d’ailleurs ce n’est pas un hasard si ces films sont les plus émouvants et touchants, Notarious Vertigo ou même Marnie baignent dans une mélancolie indéniable et c’est pourquoi ils sont tellement beaux. Ici ce n’est pas le cas les figures féminines ne sont que des prétextes déclencheurs et rien de plus, et même si la jeune fille jouée par Patricia Hitchcock est un joli personnage futé ce n’est que le sujet des fantasmes du très perturbé Bruno (Robert Walker), ce n’est que de la chair fraîche blanche et une paire de lunette et pas un concept qui porte à la mélancolie sublimée.

Bon alors le film, l’intrigue est un peu trop mécanique et huilée voir meme seche et épurée , Farley Granger est très fade d’ailleurs c’est presque trop un corps neutre et même moderne pour l’histoire on imagine qu’avec Jimmy Stewart dans le rôle le film aurait été tout autre. Des défauts oui mais Hitchcock transcende l’ordinaire : sous-entendus grivois un cornet de glace, le tunnel de l’amour, l’épouse à lunettes de Granger qui est vraiment un corps obscène, son assassinat qui commence comme une scène d’amour et s'acheve filmé dans le reflet des lunettes, le film est avant tout une question de transferts multiples et successifs, transfert entre Bruno et les autres en regle générale, oedipien avec sa mère à la peau blanche elle aussi, transfert amoureux avec Farley Granger oui amoureux la lecture homosexuelle est évidente, transfert entre un corps et un autre fantasmé dans l’extraordinaire scène de la réception chez le sénateur ou Bruno étrangle un autre corps à distance.. D’ailleurs on se souvient de scènes magnifiques Bruno ne tournant pas la tête comme les autres spectateurs du match de tennis, le montage parallèle entre le match de tennis et Bruno cherchant à récupérer le briquet tombé dans une bouche d'égout, la scène finale sur le manège ou les deux hommes fusionnent vraiment et qui prend des dimensions cosmiques.

Innocent pris dans un cercle infernal, thème du double, interrogation sur l’étrangeté et la normalité perversions diverses on est bien chez Hitchcock pas le Hitchcock amoureux et tardif, mais c ‘est très bien quand même, parce qu’il y a toujours ce transfert encore du fond vers la forme sublimée.



L'art d'Hitchcock est de nous faire participer par la fascination qu'exerce sur chacun de nous toute figure épurée, quasi géométrique, au vertige qu'éprouvent les personnages, et au-delà du vertige nous faire découvrir la profondeur d'une idée morale. Le courant qui va du symbole à l'idée passe toujours par le condensateur de l'émotion.

Claude Chabrol et Eric Rohmer - Hitchcock , Ramsay poche cinéma, 1957


Chabrol et Rohmer distinguent deux figures symboliques, celles de la droite et du cercle. Pour la droite : l'échange matérialisé par un renvoi, un va et vient, dans le match de tennis et l'espace entre les deux protagonistes, dans les mouvements des pas en gros plan par lesquels débute le film, ou le mouvement du train. Et le cercle et le tournoiement, figures de la mort (la femme de Guy est vendeuse de disques) et plus généralement de la névrose du Bruno.

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