mardi 23 mai 2006

Jean Paul Sartre fait des expériences dry martini ...



Mystère insondable comme il me prend parfois une irrésistible envie de voir un vieux western réactionnaire, il m’a pris cette après-midi un impérieux besoin de revoir Bullitt (les andouillettes ?) !! Vous savez le film avec les jolies voitures et Steve Mc Queen en pyjama sybarite fin sixties trop trognon !!
Et bien force est de constater que c’est un film qui c’est un brin avachi … tout ce qui fait le malin, ces zooms avant mordorés, ces flous lysergiques tout ça a cruellement vieilli, ce fatras qui se voulait in moderniste sonne très faux aujourd’hui. Par contre le film est réjouissant en creux grâce à tempo merveilleusement amorphe qui donne une atmosphère à peu près nimbée morbide, un existentialisme molasson lounge pas si désagréable que ça grâce à notre amie la patine, Jean Paul Sartre fait des expériences dry martini au bar ou presque …
Le film est surtout connu pour la BO de Lalo Schiffrin -qui est extraordinaire il est vrai-, et la fameuse poursuite automobile dans les rues de San Francisco. Outre le fait que l’on ne voit aucun gay à l’horizon dans les dites rues, ce qui est extrêmement étonnant, cette poursuite assez croquignolette en elle-même a l’immense inconvénient de couper le rythme du film , entre l’heureuse mollesse documentaire du début et la fin melancolente ce morceau de bravoure plombe le film par son étrange célérité , du Speed Metal entre deux bossa nova molles… En fait le vrai morceau de bravoure c’est la dernière séquence dans l’aéroport , joliment sèche et tout et tout … d’ailleurs Michael Mann pas trop aveugle décalque très bien tout ça à la fin de Heath … Bon il y a de jolies voitures (Ford Mustang) certes mais de jolis être flottants surtout, Steve Mc Queen qui a le don de fixer irrémédiablement le classometre dans le rouge (il est resté bloqué) il ne fait jamais rien, il se pose tourne un peu la tête déclanche une micro plissure imperceptible au coin de ses lèvres et c’est suffisant, la classe ultime. Il y a aussi Jacqueline Bisset qui a le don de fixer irrémédiablement elle le groumpifometre dans le rouge, dans Bullitt elle se ballade toute en jambes, vêtue d’une seule chemise d’homme, elle fait plutôt au film l’honneur de son passage, presque un miracle Botticellien … Quel est le film ou elle pratique la plongée sous-marine avec assiduité et où on peut l’admirer dans un charmant maillot de bain je ne me souviens plus ? Ah si ! « Les Grands Fonds » un autre film de Peter Yates …

lundi 22 mai 2006

Rock 'n' roll With the Modern Lovers (1977)



Qui n’a pas succombé à l’ingénuité souple d’Egyptian Reggae ignore peut-être encore tout de deux trois choses essentielles : La candeur, la franchise, l’innocence … oui parfois il faut savoir ressusciter son innocence ensevelie sous un compost gras noirâtre, se sortir de cet humus, de la lourdeur des sentiments plombés, pour se retrouver seul face à une musique qui vibre sans énigme, presque pure, admirable de nudité.
Léger, léger « Rock 'n' roll With The Modern Lovers » est le disque le plus aérien de Jonathan Richman, celui où il découvre vraiment un style, unique reconnaissable entre mille. Une instrumentation nomade sans amplification, guitare sommaire acoustique, contrebasse, percussion mousseuse, triangle folingue un saxo saugrenu et le tour est joué … C’est aussi le disque ou notre olibrius s’ouvre à d’autres influences où on retrouve le sourire aux lèvres, de la musique traditionnelle chinoise fantasmée « The Sweeping Wind (kwa ti feng) »; du folklore sud américain « South American Folk Song » et bien évidemment du Reggae !! … Outre « Egyptian Reggae » qui est la preuve de l’existence de dieu ni plus ni moins, il y a « Ice Cream Man » ode aux marchands de glaces, que voulez-vous ! le plus que parfait « Afternoon » avec cette guitare solo qui dévale directement au creux de l’estomac (Clapton peut remettre son brassard SS salopard) le merveilleusement atmosphérique « Summer Morning » et cette confession tendre qu’est « Fly into the mystery » … Voilà c’est un disque merveilleux, un disque extrait de l’œil du cyclone où tout passe par le filtre unique de Jonathan (il filtre avec son cœur) … Légende ? suis-je le St Beuve du pauvre ? A l’époque Jonathan se nourrissait de pots blédine, si on perd en nerfs en pelotes et en lysergie moirée, on gagne beaucoup en sincérité.

samedi 20 mai 2006

En avoir ou pas ...



C’est un film qui se lève à petits feux, début camera à l’épaule nauséeuse, jeux trop monolithique de Duris (joli blouson) qui ne semble pouvoir trimballer que deux expressions voir trois … fièvre, incrédulité molle, cynisme qui ne passerait pas par le paravent de la réflexion, faut pas déconner on est actor-studio on renifle les choses bordel de merde !!. Arstrup lui est bon enfin il se pose et c’est suffisant. Les scènes sont comme une suite de masses un peu abstraites qui tendent le film vers le climax final, du charbonneux embrouillé qui se libère vers un point de fuite … rédemption par l’art par l’amour. En pense au premier Scorsese en moins catho coincé, heureuse absence de psychologie, une fascination suspect et sympathique pour les corps beaufs. Et l’on revient au vrai sujet du film comment Audiard le jeune se libère d’Audiard l’ancien qui lui était supposé un parangon de beaufitude assumée (je ne refais pas l’histoire) … Donc on se libère par le cinéma (ou par le piano) et on tue le père dans une scène glauque, granuleuse en diable histoire de montrer que l’on a une grosse paire aussi.

Sebastien Tellier - Sessions (2006)



En gros j’aime bien ce disque, presque plus que les autres de l’oiseau … Si nous perdons quelque chose en loufoquerie et en bifurcations folâtres (De Roubaix’s touch) nous gagnons pas mal en franchise et en fraîcheur. Pour se retrouver comme ça tout nu et tout vrai notre barbu quasi Croquignolet a trouvé un moyen assez simple il reprend ses meilleurs titres avec des arrangements minimaux, piano surtout, une basse une guitare discrète un synthé aigrelet parfois, et ça marche ! La moelle des mélodies ressort instantanément mieux !! Les chansons se découvrent vraiment et elles sont presque toutes très belles, il se dégage de l’ensemble un sentiment d’abandon triste ayant à voir avec la félicité, comme une sieste réparatrice (nous sommes cassés perso) dans une tendre herbe grasse et chaude panachée de brise légère … Evidement c’est un peu monocorde à la longue (comme la sieste non crapuleuse), mais il y a des perles indéniables beaucoup de plaisir« La Dolce Vita » reprise du petit grand Christophe que seul les esprits chagrins n’apprécierons pas à ça juste valeur « Broadway » quand même assez sybarite, l’atmosphérique « Fantino » qui réveille le fantôme d’Erik Satie un autre zigoto à chapeau rond lui. Dans ce minimum assumé la voix de Tellier fait merveille et surnage très bien, je pense qu’il faut attendre pas mal de chose de ce type par la suite. Que voulez-vous un olibrius qui baguenaude une clope dans le tarbouif ne peut qu’acquérir ma sympathie compatissante, moi qui pratique ce sport croquignolet depuis mes 16 ans mal tassés … Ah oui ce disque évoque irrésistiblement les Peel Sessions enregistrées par Robert Wyatt au creux des seventies, même déshabillage, même vérité reste à trouver une Sea Song à chanter, programme incommode, mais programme passionnant ….

jeudi 18 mai 2006

Jonathan Richman & the Modern Lovers (1977)



« J’ai joué pour des « enfants » retardés - âgés de huit à soixante ans – et j’ai compris qu’ils me comprenaient bien mieux que les gens soi disant normaux … »

« La vie des hommes sert de vêtement à leur âme* », mais Jonathan Richman est tout nu, c’est à la suite d’une série de concerts en solo dans des hôpitaux psychiatriques qu’il donne une impulsion nouvelle à son inspiration, fini le Velvet et bonjour Maurice Chevalier, fini l’inquiétude et la frustration, bonjour la générosité et les cadeaux dispersés le sourire au coeur !! Avec quelques petites obsessions néanmoins, faire le moins de bruit possible, gagner en légèreté grâce à une formation sans effets et amplification vaine et de ce fait gagner surtout en sincérité. Beaucoup seront surpris par ce changement radical, on oubliant que même chez le proto-punk du début il y avait déjà tout cela pas tellement enfoui. Le type qui quittait Boston pour aller passer ses nuits sur le paillasson de Lou Reed, l’olibrius qui dans les parcs de Cambridge gratouillait quelques accords maladroits sur une petite guitare avec comme seul public les oiseaux ravis était déjà un grand sincère fan de Maurice Chevalier en loucedé.
Sur la pochette Jonathan ressemble à un nouveau philosophe, pourtant si sa chemise est ouverte c’est pour mieux laissé passer ce qui s’échappe de lui, de la générosité en pagaille !! Il est positif trouve de la poésie partout, dans les supermarchés dans les tours de Wall Street « Lonely Financial Zone », il aime son pays « New England » tranquille déclaration délurée, et il y a toutes ses chansons à l’humour bancal (dada ?) sur les Martiens, l’abominable homme des neiges dans le supermarché, une merveilleusement tendre sur les insectes ! Tout est soutenu par une musique qui ne doit rien à personne si ce n’est aux pionniers du rock et au Doo Woop, l’ensemble bien évidemment passé dans un tamis exquis ce qui donne ce goût paradoxalement neuf !
L’album est dominé par deux ballades remarquables « Amazing Grace » reprise d’un chant traditionnel et le poignant « Springtime » ou Jonathan réussit le tour de force d’être tout nu en restant habillé. Il y aussi le splendide « Important In Your Life » le genre de truc qui peut arracher des larmes de bonheur à l’auditeur ravi.
En fait même si Jonathan s’ouvre, on sent que derrière tout ça, derrière la fraîcheur, il y a toujours la trace d’une fêlure qui le poursuivra sans cesse, la perte de l’enfance peut-être ? Enfin toujours est-il que Jonathan Richman à partir de ce moment là a décidé de donner beaucoup et qu’il n’en que plus bouleversant encore.


* André Suarès – Voyage du Condottiere

mardi 16 mai 2006

Désinvolture admirable



Le gros avantage de Sylvia Scarlett c’est qu’il réconcilie tout le monde, les filles qui aiment les garçons, les garçons qui aiment les filles qui ressemblent à des garçons, les garçons qui aiment simplement les garçons, les filles qui aiment les filles, les filles qui aiment les vieux beaux, les vieux beaux qui aiment les filles qui ressemblent un peu à des petits voyous ... Il y a même de l’amour filial qui traîne bizarrement au milieu de ses multiples flèches tirées par un cupidon invisible. D’ailleurs dans le film seul l’amour filial a quelque chose de sombre, le reste est un pur bonheur : des sentiments qui ne se laissent pas entraver si facilement, l’amour dépasse les conventions et cela avec une désinvolture admirable. Cukor n’aimait pas du tout Sylvia Scarlett qu’il trouvait bâclé un poil fluctuant et pour tout dire une chose vaguement anarchisante contre son grès. Serge Daney lui adorait ce film et pas trop Cukor comme quoi c’est encore un film qu’il faut regarder comme un enchaînement de, circonstances favorables, beauté de l’accidentel, vive l’accidentel !!!

23 Great Recordings by Jonathan Richman & the Modern Lovers (1990)



Si chez Picasso il y a une multitude de périodes, une œuvre qui se remature sans cesse chez Jonathan Richman on ne distingue pleinement que deux périodes, (en mode microscopique peut-être quatre.) Les débuts gris clair du jeune Velvetien transi d’admiration qui aurait vu plus de cent fois ses héros en concert, et la période rose, la plus longue celle ou notre héros c’est complètement trouvé en définissant un style comme nettoyé dégagé presque de toute influence, un primitif qui ferait semblant d’oublier ce qu’il a appris et aimé.
Cette compilation qui couvre la période orthodoxe (1974-1980) est une bonne entrée en matière. On retrouve les classiques séminaux de la première manière des Modern Lovers, et les débuts du « nouveau » Jonathan. Evidemment il y a les hymnes définitifs que sont « Roaddruner », « Pablo Picasso », le plus stoogien que nature « Girl Friend » et surtout ce titre complètement touchant « I’m Straight » « je suis NORMAL ! Je ne suis pas un hippie ! Je ne suis pas un défoncé ! » On imagine bien la grande part de naïveté à chanter ce genre de truc après avoir tournicoté (innocemment ? ) autour du Velvet pendant des années. En fait les premiers Modern Lovers n’ont pas réellement existé plutôt un groupe incertain ayant accompagné Richman sur quelques démos et les fameux titres du premier album officiel qui est sortit bien plus tard alors que le semblant de groupe n’existait plus depuis longtemps et que Jonathan avait évolué radicalement vers autre chose, vers la douceur. La compilation est une bonne trace de tout ça. Les premiers titres (Donc Velvetiens) sont marqués par la frustration, une inquiétude perceptible et une forte part autobiographique on est dans le gris clair. Puis insidieusement le rose, la tendresse arrive, l’inquiétude s’évapore au contact d’une réalité rêvé, faite de marchands de glaces, d’abominable homme des neiges dans le supermarché, de reggae égyptien, Richman n’est plus chroniqueur de lui-même, il invente quelque chose de nouveau, avec son cœur, en ouvrant sa chemise.

mardi 9 mai 2006

Scott Walker - The drift (2006)



« Faut- il aimer Scott Walker ?» Grande question ! La réponse n’est pas si simple. Comment aimer ce comble de plombé plombant sans être considéré par le commun des mortels comme de terrifiants masochistes ayant comme principal loisir l’écoute de disques sinistres à l’horizon assez peu dégagé … Cette « musique » peu définissable passant par nos esgourdes et atterrissant on se demande bien où ? Dans des recoins assurément bizarres et pas bien ragoûtants. En fait savoir s’il faut aimer Scott Walker ou non, me paraît aussi juste que de s’interroger sur la raison de nos déprimes et autres problèmes de ciboulots divers et avariés … Evidement Scott Engel est effrayant !!! Et cela pour la bonne raison qu’il nous ramène sans cesse à nous-mêmes !! C’est le royaume de la PEUR !!! brrr . Et dans ce royaume tout se répète inlassablement, entre tension, écroulements et flottement suspendu inquiet au milieu des ruines. Il semblerait selon les dépêches du bon goût cultureux (à remplir…) que Walker nous parlerait du monde : Mussolini, les Twin Towers et les méchants serbes, et bien si c’est le cas le monde a du mouron à ce faire, il ne tient pas le choc face à Scott Walker !! Je pense que sa musique remonte de bien plus loin, de lui-même, ne pas oublier que nous sommes des hommes !
On écoutera ce disque avec parcimonie afin de ne pas être trop traumatisé et afin de ne pas trop traumatiser nos voisins qui non rien demandé eux. Pour finir dans le météorologique, on constatera que la voix de Scott Engel au milieu des effondrements est toujours aussi majestueuse, pleine de maturité concassée, et que cette simple chose vaut pour beaucoup.

lundi 8 mai 2006

Jonathan Goes Country (1990)



Quand Vincent Van Gogh reproduisait les estampes d’ Hiroshige avec minutie bien évidemment c’était du Van Gogh et que cela ; du bidule torturé qui se baladait sur la toile alors que bon Hiroshige lui n’était pas trop lui un dégoupillé de l’âme. Quand Jonathan Richman fait de la country et bien c’est indéniablement du Jonathan pur sucre qui semble débarrasser cette musique souvent passionnante de son gras métaphysique en la faisant basculer du coté du léger le plus total. Tout cela avec les armes de cette musique : Guitare slide, et reprise de quelques standards mordorés développés en corolles naïves. L’album est a l’image de sa pochette où un vendeur chafouin tente de fourguer une immonde paire de boots rouges à un Jonathan un peu circonspect. Au recto de cette pochette on voit Jonathan de dos errant sur un trottoir, les infâmes boots rouges aux pieds et même de dos en sent bien que ce n’est pas important tout ça ; la country, le prétendu ridicule, que ce qui compte c’est ce qui s’échappe de lui : le Velvet, Charles Trenet, les dinosaures, la country, peu importe … Même si ce disque est l’un de ses plus apparemment anodins il y a comme toujours quelques perles qui surnagent : le craquant « Your the one for me » une reprise redneck pour rire mais quand même très douce de « Corner Store » une ballade au coin du feu « Man Walks Among Us » ou la voix de Jonathan est sidérante (c’est un immense crooner) il y a surtout le bouleversant « The Neighbors » qui réveille le fantôme de Gram Parsons et le souvenir de sa fusion presque surnaturelle avec Emmylou Harris ... Vive le bonheur conjugale !! d’ailleurs Jonathan c’est très bien faire ça ... faire pleurer les gens avec du bonheur. Sacré Jonathan …

Les mauvaises langues diront-elles que tout ça c’est du Douanier Rousseau et bien qu’elles restent dans leur mauvaise foi chafouine et leur second degré placebo.

à suivre...

dimanche 7 mai 2006

Devenir immortel... et puis... mourir

« Les cinéastes habitent encore un pays qui ne figurent sur aucune carte de géographie. Parce qu’il les englobe tous. Ce pays est le cinéma et il est encore temps de l’explorer -de l’intérieur ». Serge Daney et Louis Skorecki



Il faudra parler ici un jour du couple incongru formé par Louis Skorecki et Serge Daney (frères heureux) couple qui au début des années soixante part interviewer toute la crème hollywoodienne finissante (crème calcinée.) Une sacrée rigolade au milieu des dinosaures borgnes, des immigrés positifs Mitteleuropa des types qui ignoraient complètement leur potentiel soit disant artistique et parlaient modestes devant leurs oeuvres comme des plombiers ou des peintres en bâtiments, des artisans de la profession en somme … et à bien y réfléchir les grands artistes parfois se laissent souvent dépasser par une œuvre dont ils font mine d’ignorer la vraie portée , tout en restant bien évidemment circonspect devant les délires interprétatifs foisonnant de toutes parts. Pour en revenir à Skorecki c’est assurément lui l’instigateur en loucedé de cette fameuse histoire de mort du cinéma, ben oui on discutaille avec des borgnes cramoisis pendant que dans le même temps ailleurs ça modernise à tout crin, après reste à définir ce qu’est le cinéma (le vieux distinguo moderne classique) pour savoir s’il est immortel, immortel au sens de ce bon vieux Parvulesco * oui assurément avec une grosse envie de mourir après, car l’éternité est bien longue sur la fin …


*Patricia à Parvulesco: "Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ?"... Réponse: "Devenir immortel... et puis... mourir."

vendredi 5 mai 2006

La « croquignolette » du jour - Wendy O Williams

« Depuis que les Plasmatics vendent quelques disques et que le fric des gigs ne passe plus en cautions à payer aux prisons américaines j’ai réussi à économiser pour m’acheter un bustier … »

On imagine assez mal l’enfance d’une Wendy O Williams, petite créature angélique rêvant devant le Ed Sullivan show, enfance dans une ferme de l’état de New York, enfance bucolique presque … Mais bien vite à l’âge de seize ans notre mouflette déguerpit, laissant famille et un destin doucereux d’ouvrière chez Kodak de coté.

On imagine assez mal une Wendy O Williams hippie, et pourtant, trajectoire classique : La route, l’Europe, elle s’installe en Floride où elle vend des colliers et des objets en macramé. Elle rencontre ensuite celui qui deviendra son mentor, un certain Rod Svenson croquignolet follement tordu qui l’exhibera comme objet érotique dans d’improbables chorégraphies alternatives à fort potentiel politique (et pornographique), seventies rulez …

En 77 même si Wendy n’est plus complètement une jeunette (elle est née en 49), Svenson a une fugace idée, « hey !! ma cocotte, le punk c’est ce qu’il nous faut, trop délire !! » Allez hop !!! C’est parti, et décidément le punk c’est quand même souvent un truc de manager canaille. Donc création d’un groupe incertain les Plasmatics, autour d’une Wendy qui joue merveilleusement de ses seins siliconés et de musiciens qui eux jouent merveilleusement... de rien du tout. Tout dans l’emballage rien dans le reste. Du gros « Punk Not Dead » qui tache même pas drôle.

Les disques sont anecdotiques, le principal est dans le Barnum monstrueux qui accompagne le groupe sur scène : Explosion de Cadillac, destruction de téléviseurs, des guitares frappées comme par des coups de fer à repasser déraisonnables, mais surtout et avant tout Wendy oooooo Wendy au milieu du chaos, coiffure iroquoise, elle monte sur scène vêtue d’un seul slip de coton blanc et d’un bout d’étoffe de la même couleur dissimulant ridiculement ses protubérances mammaires . Elle hurle, râle, invective la foule, se roule par terre, montre son cul, orne ses tétons de pinces à linge, puis les couvre de crème à raser sur laquelle elle émiette une matière indécise (des mottes de terre) !! Plus qu’un show ! Du grand guignol teinté d’actionnisme viennois au rabais, pathétique, ridicule, mais frôlant le génie.

Un soir de 1981 à Milwaukee sémillante citée post-industrielle, la brigade des mœurs arrête Wendy en plein gig, sous l’inculpation de « simulation ( ?) de masturbation avec un manche de marteau » bastonnade générale Rod Svenson est assommé par les flics, on le jette en prison la douce Wendy le rejoint bientôt, douze points de suture à l’arcade sourcilière, Wendy ne se laisse pas faire, non, mais !

Libéré sous caution le groupe se produit ensuite au Madison Square Garden, et rebelote : Wendy simule un coït avec la hampe du « Star Spangled Banner » fait exploser un camion découpe deux trois guitares à la tronçonneuse, la routine quoi !

Notre séduisante amie devient une sorte d’attraction, une bête de foire, elle fricote un temps avec l’aigrefin Warhol, elle est la grande copine de Lemmy le barbare de Motörhead … Mais petit à petit le public se lasse, les disques qui sortent sont tous mauvais (Coup d’Etat le moins mauvais.) Les Plasmatics en sont réduits à faire les premières parties de Kiss et se séparent finalement en 1983.

Commence une carrière solo erratique pour notre exquise croquignolette, recentrage pathétique vers le plus mauvais Hard-Rock. Elle n’est plus que la caricature d’elle-même, et après une ultime tentative de reconversion dans le rap ! Retour aux sources inattendu, elle se réfugie dans une ferme ou elle s’occupe d’animaux et de nourriture bio, comme quoi c’est avec les vieux Punks décatis que l’on fait les plus flamboyants hippies …
Bon les céréales et l’abstinence macrobiotique c’est bien joli alors un jour de déprime, de lucidité ? Wendy prend son fusil et se fait valdinguer le ciboulot dans l’azur, elle avait 49 ans : « Poor little Wendy ».


mardi 2 mai 2006

Le tourbillon - Pierre Siniac



Siniac est mort oublié, et même oublié au sens farci du terme, on a découvert son corps en voie de putréfaction avancée, ses voisins auront été alertés par l’odeur du cadavre plus que par ce singulier bonhomme d’ont ils ignoraient tout … grande avancée de l’inhumanité, de l’égoïsme, pas certain ? Assurément les romans de Siniac ne parlent que de l’inverse comment les rapports humains à la fin, sont principalement terrifiants, et n’entraînent que jalousies et merdoiements divers, trop humains, décidément trop humains sommes nous, comme le marmonnait la raz du coup plombée-plombante Marguerite.
Le tourbillon respecte ce programme à la lettre, la vie n’est que chiennerie et vilenies sur laquelle flottent au gré du temps quelques momentanés instants de bonheur, avec cette certitude première, l’homme par nature est mauvais, moins on en voit, mieux on se porte, mais pas en voir au bout d’un moment cela décalcifie un poil le ciboulot, et on finit généralement assez mal, foldingue en sortant de la caverne ou cadavre tout sec et tout seul, merde alors !!
Le tourbillon est un roman noir multivers, un puzzle, un coup de dés sournois à travers le temps et l’espace où avec les personnages, on passe par le milieu parisien des années 30 (Leo Malet et Louis Ferdinand) par la patibulaire rue Lauriston et la Gestapo (la Gestapo française Monsieur !! ) Pour finir dans un point de fusion cathartique, un accident d’automobile en 1975 sur une route de bourgogne où toutes les pièces du puzzle se rejoignent dans l’explosion d’un camion-citerne… force du destin, un coup de dés n’abolit pas le hasard aussi facilement.
Comme chez Clouzot et avec le Vigan, le bien, le mal ça balance pas mal, de vrai faux collabos, des maîtres chanteurs sordides, un fils de famille dégénéré albinos, des personnages féminins pas gâtés par le destin (presque des saintes toujours bafouées), mine de rien une grande connaissance des milieux de toutes sortes, une grande exactitude dans la description d’une France provinciale … Quimper, la Bresse, Belfort, Auxerre … et surtout des personnages qui existent presque tous, chevaleresques ou ignobles, parfois touchants … pour faire court on qualifiera le style de post-célinien. le roman est assurément too much, presque délirant dans ses multiples concordances et jointures scénaristiques. Ce trop plein, ce coté pantagruélique, obèse presque, fait comme toujours la force et la singularité de Siniac. Rabelais devait être un type sympathique, lui aussi … enfin selon ses voisins on ne sait pas, ils n’ont rien écrit sur lui eux ! Pauvres cloches !