mercredi 28 décembre 2005

M.I.A. – Arular (2005)



Le retour du post punk vous emmerdent, vous voulez écouter quelques chose un poil dans l’urgence du temps, néanmoins les bruits d’aspirateurs vous enquiquinent et la créativité foisonnante du gangsta rap vous laissent perplexes, voilà un disque pour vous , loin de la neurasthénie fausse des barbus à bougies. Une musique très directe et physique, qui donne envie de gigoter ou de faire des choses inavouables au soleil, Des rythmes épluchés par couches successives, des bourrasques de percussions, un exotisme satisfait qui dégomme le béton, la pochette la plus laide de l’année, la plus jolie fille de l’année.

mardi 27 décembre 2005

Richard Thompson - Front Parlour Ballads (2005)



Richard Thompson est crucial, mais presque discret, il n’a pas d’aura mythique. Pas de mort prématurée ou de dépression proéminente à l’horizon, pas de béquilles biographiques, qui font parfois beaucoup trop. Juste un œuvre tenace et discrète ornée de quelques chefs d’œuvres avec Fairport Convention, avec sa femme Linda voir même en solo (Liege & Lief, Unhalfbricking, I Want to See the Bright Lights Tonight …). C’est une autre histoire qui mériterait un développement plus conséquent, où on parlerait de son jeu de guitare si particulier et influent, guitare liquide que l’on retrouve chez Tom Verlaine et Television voir plus…
Bref Thompson est un type magnifique, et Front Parlour Ballads aussi. C’est un album acoustique son premier depuis 1981. Enregistré et produit tout seul à la maison, Acoustique mais sans les limites habituelles du dépouillé, cette splendide certitude du dénuement un peu autiste mais parfois limitée. Ici on sent malgré la simplicité des moyens un foisonnement presque serein ou le manque d’arrangements ne serait pas une absence de couleur. Ecoutez « Cressida » la profondeur de cette voix ces guitares en contrepoint ; une splendeur modeste.

lundi 26 décembre 2005

The Wedding Present - Take Fountain (2005)



Coup de chapeau vraiment un disque encore un peu frais après 20 ans de carrière, avec encore des idées, une évolution discrète vers plus de complexité, et surtout de l’énergie bordel de merde !!! Oui de l’énergie et de l’envie quoi, les Wedding Present ont toujours beaucoup offerts et ils donnent encore. Des frustrés qui donnent beaucoup marrant non ? Gedge à toujours fait ça des brûlots trottinant de 3 minutes, ou il raconte tout, de la crudité et du sexe , les Wedding Present sont des romantiques experts dans le rendu de la frustration, des sincères quoi.
Dans Take Fountain il y a bien encore deux trois choses merveilleusement rapides Always the Quiet One notamment, mais avec l’age le tempo s’alanguie, Mars Sparkles Down On Me où les arpéges délicats succèdent au flux sonic et vice versa, Interstate 5 qui débute comme du très bon Wedding Present classique et fini chez Ennio Morricone dans une dérive étonnante, Larry's où Gedge commence presque à chuchoter à oublier sa drôle de voix de Ian Curtis raide concassé . Pour simplifier en 2005 (beurk) j’ai préféré ça à Arcade Fire.

samedi 24 décembre 2005

La plus belle chanson du monde (3)



Il y a des chansons tellement évidentes, The Mercy Seat par exemple (c)hantée par Johnny Cash, la guitare raide à point, l’orgue qui nappe l’ensemble, cette voix qui à vue beaucoup de trucs pas racontables et qui pourtant raconte, il y a surtout ce piano démesuré qui fait chuter la chanson directement des oreilles vers l’estomac, un piano comme un marteau qui plante notre âme et la laisse comme une petite chose anéantie.

Okkervil River - Black Sheep Boy (2005)




Et si Okkervil River était un groupe honteusement sous estimé ? Y a t-il tant d’album cette année avec un souffle si tendre ?Tendre lyrique et maladroit ?
Des chansons au désespoir clair et rampant qui donnent l'impression de tomber en morceaux à tout moment. Cette manière presque singulière mais pourtant simple que l'on trouve chez Tim Hardin et dans les ballades d’Okkervil River qui reprennent d’ailleurs deux splendeurs de l’astre Tim.Du coté de la matière Il y a ce Wurlitzer, ces cuivres et vibes qui créent un équilibre presque spatial, ces arrangements tendres, comme une cascade dissonante. Quand la matière et la manière serejoignent si bien, c’est comme un point de fusion avec le monde, un point de fusion crée musicalement par des états d’âmes.

Top 2005


jeudi 22 décembre 2005

Bobb Trimble - Jupiter Transmission (1995)



Bobb Trimble objet d’un petit culte depuis cette compilation regroupant l’essentiel de ses deux albums paru au début des eighties est l’une de ces heureuses planches vermoulues qui charpentent la culture rock. Pour situer l’esprit, il a pour voisin d’échafaudage, toute une tripoté de cabossés de l’âme et de cramoisis du bulbe, en gros Syd Barrett ad Lib … Voilà donc un nouveau pensionnaire dans la bienheureuse catégorie azimuté.
Bon ce qui est admirable chez lui c’est quoi ? Et bien ce sentiment de faire partie de l’échafaudage sans en faire vraiment partie, d’où le croquignolet bancal de la chose. Ses chansons ne s’apparentant à rien sauf à elle-même ou alors une sorte de continuation du psychédélisme par d’autres moyens. De faibles moyens il faut bien dire, les moyens de bord du home studio, et comme quand on a peu on met beaucoup, Trimble maquille beaucoup : à coup de guitares flangées, distordues un peu partout, des bouts de bandes copiées colées on ne sait pas où. Tout ça donne un côté barbouillé bouche-trous ou les velléités de mélodies se noient confusément. Une musique de train fantôme très inquiétante. Un train au milieu des montagnes russes, les titres ayant toujours le même fluide, la même structure, ascendante, descendante.
Bon évidemment j’oublie l’essentiel, à côté, et plus qu’au-dessus de ce curieux maelstrom, il y a la voix de Bobb Trimble ; et cette voix on pourrait en parler des heures. Toujours située sur le pourtour des arrangements elle semble sans vraiment vouloir se laisser empoigner, murmurer quelque chose de secret, une chose unique et quasiment indicible. Cette voix nimbée éthérée, asexuée est comme un symptôme de chagrin, complètement renfrognée sur son mystère.
Il suffit de voir la pochette du premier album Iron Curtain Innocence ou il pose avec une guitare et une mitraillette !!! Pour sentir que Bobb Trimble ne fait pas semblant, qu’il ne maîtrise pas grand-chose et que les Night at the Asylum sont bien du vécu.



http://www.bobbtrimble.com/
http://www.myspace.com/bobbtrimble

la Fiancée Juive - Rembrandt (1664)



Pour reprendre l’idée de Daniel Arasse l’émotion est aussi dans le détail dans cette main pas encore atteinte pleinement par le pigment du rouge, main qui se pose sur une poitrine, comme voulant contenir ou accepter les sentiments de l’autre on ne sait pas bien. Sur cette main il y a une autre main délicate elle, celle de la fiancée qui semble accepter tout cela. Sur les bords rouge coagulé on est chez Olivier Debré ou presque. Le sujet du tableau c’est le rouge et donc accessoirement les fiançailles. On ne sent pas le monde, plus un reflux sur la sensation … la main sur la main, les regards dans un vide différent mais commun celui du sentiment amoureux.

dimanche 11 décembre 2005

L’homme qui en savait trop - Alfred Hitchcock (1956)



L’homme qui en savait trop n’a plus trop la côte, peut-être qu’il n’est pas assez compliqué, plus assez tordu et sujet à interprétation pour notre époque. C’est que la matière n’est pas obsessionnelle enfin pas trop, il n’y pas la mélancolie de Vertigo, la perversité de Fenêtre sur Cour ou le coté malade sexe froid de Marnie , pourtant c’est l’un des plus beau Hitchcock de la grande période classique, le plus ligne claire ou l’obsession est plus dans l’expression plastique que dans les thèmes cachés quoique...
Peut-être aussi que le début décontracté au Maroc est trompeur. Les décors en transparence, la petite caricature du couple d’américains en goguette au milieu d’un Marrakech colonial. C’est assez cocasse, même très drôle dans la séquence du restaurant ou Hitchcock emmène James Stewart sur le territoire du burlesque où il ne sait pas quoi faire de ses grandes jambes de son corps de nigaud.
Pourtant bien vite on se rend compte que c’est un film sombre. Notamment dans la fameuse scène ou Stewart annonce à Doris Day après l’avoir droguée l’enlèvement de leur fils. La suite à Londres elle, oscille entre le ténébreux et le folâtre. Il y a le passage hilarant chez le taxidermiste qui est une percée incongrue au beau milieu de l’intrigue, comme si Hitchcock pouvait se permettre par un pur hédonisme guilleret ce type de truc gondolant. Le reste est néanmoins globalement inquiétant - c’est quand même une histoire ou on enlève un enfant- et si tout cela reste fort c’est que pour confirme l’adage, les méchants sont d’une humanité implacable. Reste la grande scène avec les cymbales comme arme fatale, mais surtout la fin, avec la voix de Doris Day qui monte dans les escaliers ; où l’émotion passe par les escaliers, Dans les Enchaînés ou Psychose il y a aussi des histoires d’ascensions et de descente, voir de chute, pas uniquement le vertige, l’émotion monte et redescend, il y n’y pas que du formel là dedans et Hitchcock au-delà du rendu est aussi un type surplombant ses obsessions.

mardi 6 décembre 2005

La plus belle chanson du monde (2)



Toutes ces odeurs qui persistaient après le passage de la pluie, un mélange délicieux de terre mouillée l'humus, une vague odeur d'urine douce et sournoise Malgré tout il y avait de l'amertume, au creux de son abdomen un début de picotement sournois, cela commençait toujours ainsi, ensuite il devenait mélancolique voir renfermé presque irascible. Et il restait un peu figé dans ses souvenirs, son corps déjà vieux mais ses souvenirs encore fluctuant dans un espoir adolescent et naïf .Comme de toute façon les autres se foutaient bien de lui, il pouvait rester des heures à rêver, il se souvenait d'une merveilleuse chanson qui lui pinçait le cœur Waterloo Sunset des Kinks, une sorte de miracle en apesanteur, la perfection dans la mélancolie feutrée, entre la réalité et le temps qui fuit la plus belle chanson du monde avec l'autre celle du toqué Brian mais dieu seul le sait !! Dieu seul le sait vraiment ?!
Alors bon dans son cœur il y avait comme une résurgence soudaine comme s'il revoyait les choses pour la première fois, et bientôt le soleil sur la terre mouillée, et son visage qui regardait le soleil et cette sensation miraculeuse de faire partie de la nature d'être un atome décroché parmi les autres, alors le reste hein ...

J.M Coetzee – Le maître de Pétersbourg (1994)



Le Maître de Pétersbourg est une tentative intrigante, avec pour héros Fiodor Dostoïevski, Netchaïev et les nihilistes toute la petite artillerie du roman russe fin 19eme... Forcement ténébreuse , la Russie est un vaisseau erratique en voie de perpétuelle décomposition. Tout est magnifiquement emmener, avec un brio glauque et captivant. Néanmoins on sent bien que l’intrigue et le romanesque - cette merveilleuse mécanique fluide - sont là pour faire passer la pilule sans sombrer dans les marécages pénibles de l’autofiction.
Et oui ! On pourrait s’épater avec J.M Coetzee et gueuler dans l’élan Dostoïevski c’est moi !!! Puisque comme à son habitude il ne parle que de lui, de cette litanie de thèmes ressassés jusqu’à l’intérêt littéraire ; de la filiation, du sexe et de la décrépitude, de la grande fatigue des corps face au monde. Avec toujours la grande Histoire qui se mêle à la petite ou plutôt transforme celle-ci pour le plus grand malheur des personnages. La misère, la lourdeur de l’Etat, la lourdeur des révolutionnaires Nihilistes, contaminent tout, comme dans son grand roman Disgrâce, comme en Afrique du Sud, c’est toujours la même histoire.

lundi 5 décembre 2005

Je suis décevant



J’ai fait un petit tour dans ma bibliothèque et j’ai ressorti presque par hasard quelques livres, un Berroyer « Je Suis Décevant » qui allie avec bonheur fausse naïveté autodérision avec même parfois beaucoup d’émotion, si vous ne connaissez pas le Berroyer « écrivain » lisez le c’est toujours du pur bonheur. Sinon vous pouvez vous précipiter sereinement vers le « Au-delà du Fleuve et Sous les Arbres » du grand Hemingway, une livre sur le temps qui passe sur la vieillesse qui arrive doucement sur l’amour et sur Venise, une sorte de chant mortifère qui éclaire a posteriori la fin tragique du père Hemingway, un autre chant délicat c’est celui de Carson Mc Cullers et de son « Cœur Est Un Chasseur Solitaire » là il n'est plus question de vieillesse ; mais d’un adieu déchirant à l’enfance. Dans un genre plus bourru quoique non dénué de style « La Main Coupée » de Blaise Cendrars l’un des plus beaux récits sur la guerre de 14, terrifiant et pourtant on lit tout ça avec délectation (la version Allemande de la grande guerre c’est chez Junger « Orages D’aciers »). Autrement qui connaît Henri Thomas ? Traducteur de Jünger, Goethe, Pouchkine, Melville c’est aussi un écrivain secret a la prose un peu inquiète et brumeuse, a lire en priorité disponible dans la collection l’imaginaire chez Gallimard, « le Précepteur » et « « John Perkins », dans la même collection et si vous ne vous faites pas rougir tout seul il faut lire aussi un livre démesuré et tout de suite s’il vous plaît « Le Château De Cène » de Bernard Noel, Ovni pornographique censuré pendant des années, c’est un livre comment dire ? Incandescent, c’est une chose qui brûle l’âme vraiment et c’est aussi de la parfaite poésie.

vendredi 2 décembre 2005

Gravenhurst - Fires in Distant Buildings (2005)



Le premier album de Nick Talbot dans le genre folk au souffle intimiste était assez agréable, mais pas plus, le genre de chose que l’on écoute trois fois en se disant que ce n’est pas mauvais qu’il y a du goût, mais un goût qui ne reste pas en bouche, une petite entreprise avec des références justes, mais finalement pas d’accent personnel, une sorte d’aquarelle un peu trop diluée.
Et bien après un EP un peu plus intriguant Black Holes in the Sand sort Fires In Distant Buildings et c’est une tout autre histoire, une peinture bien plus consistante où se révèle peut-être ce qui était sournois derrière les ballades plaintives. Talbot a découvert l’obsession, la crainte, la tension, c’est un disque étonnamment hanté. Il y a de la sécheresse, qui vient de la répétition, qui vient des rives du Krautrock, rives qui enserrent un fleuve boueux, qui se jette dans un delta saumâtre, ou … on perçoit des souvenirs de post-rock , du post-punk rude, post, post …
Talbot a trouvé son style, principalement cette voix formidable, flottante, fragile comme du cristal, un certain bonheur dans la ballade opiacé. Par exemple Animals ou il y a cet orgue et ce piano devant qui semblent lutter contre le flot de tension derrière, là est toute la différence. Parfois on se croirait chez les peintres de la maison rouge, parfois ailleurs. Il y a une intrigante et trop maligne pour être honnête reprise des Kinks . Talbot a du vivre des trucs bizarres pour se réinventer pareillement, la vie transforme finalement plus que l’art, peut-être suffit-il de vivre en fait.