lundi 24 octobre 2005

CF Ramuz

Le sentier était devenu trop étroit. Il n’en put plus aller de front, elle allait devant, lui derrière, et pourtant il continuait à tenir sa main , bien que ce ne fut pas commode, il continuait à la tenir par la main, c’est pourquoi il y a des moments où rien ne peut être changé, sans quoi tout change, des moments où rien ne peut être dénoué de nous sans quoi tout est dénoué.» [Ramuz, l’Amour de la fille et du garçon]



Il y a des auteurs secrets un peu à l’écart, que l’on garde pour soi avec l’inquiétude de voir ce fameux secret s’éparpiller. Comme si le rapport à l’écrit ne pouvait se faire sans une part d’obscurité non partageuse, voir un peu autiste. Comme si la connaissance d’une œuvre ,- crucial pour soi -, ne pouvait que se chuchoter pour devenir une vérité ne serait ce qu’ éventuel chez les autres ! CF Ramuz est un écrivain confidentiel, - enfin un écrivain clandestin aujourd’hui -, néanmoins ses livres sont des trésors qui persistent dans le temps, et son oeuvre circule comme une suite de diamants palimpsestes. Il est un Giono plus bizarre et embrumé, chantre des paysans, de la nature vaudoise et de la communion entre les hommes. Il est surtout un visionnaire un poète au style étincelant, qui sait traquer le merveilleux : d’un paysage, d’un sentiment, dans des phrases extraordinaires parfois à l orée de la transcendance et du mystique. Ses personnages sont des fantômes qui cherchent à fuir la société, pour se retrouver en pleine altitude dans les pâturages, dans un monde nu et brut, celui des origines ou nature et surnaturel ne font plus qu’un. On pourrait dire que chez Ramuz les hommes se prouvent qu’ils ne sont pas des spectres grâce aux hauteurs, évidemment il y a du religieux tarabiscoté là dedans. Si vous voulez faire partie de la confrérie et partager le secret, vous pouvez commencer par « Aline» roman de jeunesse mais grand livre sur le désarroi amoureux et poursuivre par les grandes symphonies pastorales que sont « La grande peur dans la montagne », et « Derborence ».

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ramuz n'est plus un écrivain confidentiel depuis une petite dizaine de jours. Il fait son entrée officielle dans le Pléiade. Une intronisation célébrée en grande pompe dans la presse helvétique, peut-être passée plus inaperçue ailleurs.

Ton avis me fait plaisir, car ton approche de Ramuz est l'exact contraire de la mienne. Si chez toi il fait partie de tes secrets bien gardés, chez moi il a épousé (fatalement) mon parcours scolaire, unique (ou presque) écrivain suisse lu durant mes études (jusqu'à l'université en fait). Un Ramuz figure du vieux patriarche monté sur son piédestal, passéiste et je-ne-sais-quoi encore du fait de sa légitimité toute helvétique. Un Ramuz que j'ai découvert plus tard, une fois le poids de la lecture obligatoire évacué. Un Ramuz magnifique, troublant parfois, débarasser de son auréole héroïque, devenu un écrivain parmi d'autre, propre alors à faire sa place dans son Hall of fame personnel.

"Jean-Luc persécuté" est peut-être l'un des plus beaux romans que j'ai lu. Un "Alin" bis où la résignation laisse place à la folie meurtrière. Un roman terrible dans une langue si particulière...