samedi 10 septembre 2005

Gene Clark - Un drôle d’Oyseau.

Les ailes nous manquent, mais nous avons toujours assez de force pour tomber.


Difficile pour un oiseau d’avoir une peur bleue lorsqu’il faut prendre l’avion. Difficile la vie de star, difficile quand on est réservé et presque effacé. Que l’on ne sourit jamais sur les photos, que l’on garde ses secrets pour soi. Alors en 1966 devant les difficultés Gene Clark s’évade des Byrds; il est pourtant l’Oyseau le plus doué, le compositeur principal du groupe, le créateur du crucial Eight Miles High, mais que voulez-vous les difficultés, la timidité, la peur presque…
Petit retour en arrière. Gene Clark est né dans le Missouri ; ses parents sont de souche paysanne et il est l’aîné de treize enfants (malheur). Jeune il apprend la mandoline et la guitare et joue dans une multitude de petits groupes folk. Très marqué par les Beatles il s’installe ensuite à Los Angeles où un soir — comme par magie — il fait la connaissance d’un autre amoureux des scarabées : Jim McGuin. Coup de foudre entre les deux ? En tous les cas, ils montent un groupe dès le lendemain ! David Crosby qui n'est pas encore le gros morse largué qu'il sera par la suite est là aussi, il passait tout simplement par là et le voilà qui complète parfaitement ce tout nouveau trio ! Cette histoire un peu miraculeuse  sonne un brin factice, mais bon ! Les trois zigotos prennent le nom de The Jet Set , bientôt transformé en Beetfeaters puis enfin The Byrds avec l’arrivée de Chris Hillman et de Michael Clarke.
Le premier 45 tours des Byrds : Mr Tambourine Man — sorte de réponse américaine aux Beatles — est une déflagration, les Byrds deviennent du jour au lendemain des stars et un premier album sort bientôt. On y trouve trois compositions de Dylan et surtout cinq morceaux excellents de Gene Clark (le brillant Feel A Whole Let Better est bien l’égal des Beatles). Bon, les Byrds ne maîtrisent pas trop leurs instruments (fameuses Rickenbaker) et en dehors de McGuin les séances sont bidouillées par des musiciens de studio.
En aout 1965 le Byrds triomphent en Angleterre, l’album Turn Turn sort en décembre 1965, avec au programme trois compositions de Clark ; décidément l’oyseau le plus fécond ! Pourtant, 1966 sera l’année de trop pour Clark… tout commence par l’interdiction de Eight Miles High pour cause d’incitation à la drogue, les Byrds hypocrites nient farouchement. Gene Clark est jalousé au sein du groupe pour ses chansons, pour son trop-plein de droits d’auteur… et pour ses conquêtes féminines (il affiche un look de dandy très seyant). Il est aussi chahuté par Crosby qui lui reproche son incompétence technique et notamment ses hésitations en concert. En fait, Clark est trop délicat pour les Byrds, trop fragile, trop introspectif. On le fait quitter le groupe, le prétexte de sa phobie des avions est parfait et McGuin finaud pourra lui dire : « Mec quand on est un oiseau, on vole ! »
Après quelques mois d’absence, avec l’aide de Van Dyke Parks, Chris Hillman et Michael Clarke, il enregistre ensuite Gene Clark Whith the Gosdin Brothers , excellent et nostalgique avec le magnifique Echoes, puis assez vite deux albums — splendides — avec Doug Dillard.
Il passe ensuite un bref moment au sein des Flying Burrito Brothers… With Light qui sort en 1971 est comme une seconde naissance, un disque d’une simplicité désarmante, magnifiquement dépouillé, des arrangements discrets, une guitare, un harmonica, cette voix hésitante, vulnérable qui fait merveille, pour un mélange de country et de folk frôlant le céleste. Le sommet de l’album, Spanish Guitar est une ballade extraordinaire, une chanson merveilleusement apaisée… je défie quiconque de ne pas être touché par cet harmonica qui pince le coeur, c’est une chose que l’on n’oublie pas, mais c’est aussi un peu le repos du Cow Boy avant le terrifiant No Other ; LE disque extraordinaire et je pèse mes mots de Gene Clark, sorti en 1974 il va asseoir la réputation mythique de l’oyseau. Sorte de monolithe inquiétant au cœur des seventies (du country-rock dépressif n’importe quoi !) il est — pour moi — l’un des sommets de cette époque ; un symptôme début seventies sous forme d'immense gueule de bois carabinée ; un réveil douloureux.
No Other est donc un album magnifique les titres les moins réussis sont du niveau du meilleur Neil Young, quant aux autres on change de dimension, ils sont déglingués, boursouflés comme autant de flots d’émotions à l’état brut. Clark timide se lâche vraiment et tout en se lâchant il invente quelque chose : une musique country-rock engourdie pas la chimie, un autre psychédélisme où les fleurs fanées et un mal-être ontologique traînent inlassablement au milieu de l’émotion. Les paroles sont allumées et parfois terrifiantes : « on a tous besoin d’un fix par les temps qui courent… »
Après cette cime (abîme ?) Clark ne pouvait que redescendre petit à petit au niveau de la mer, Two sides of Every Story (1977), et quelques beaux disques plus loin, il s’enfoncera imperturbablement et avec délicatesse dans la drogue l’alcool et la dépression histoire d’assumer encore mieux sa réputation mythique. Il est mort presque oublié en 1991.


Discographie :
 
1967 Echoes Columbia/Legac
1967 Gene Clark with the Gosdin Brothers Sundazed
1969 Fantastic Expedition A&M
1969 Through the Morning A&M
1969 Gene Clark Together
1971 American Flyer MediaArts
1972 White Light [Raven] A&M
1972 Roadmaster Demon
1974 No Other Collectors’
1977 Two Sides to Every Story Polydor
1987 Firebyrd M.I.L.
1987 So Rebellious a Lover Demon
1992 Silhouetted in Light Edsel
2002 White Light [Bonus Tracks] Universal
2003 No Other [Bonus Tracks] WEA

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