jeudi 29 septembre 2005

Kenneth Higney - Attic Demonstration (1976)


Bon en gros c’est n’importe quoi du folk rachitique avec une guitare acoustique accordée au petit bonheur la chance, une guitare sommaire comme dirait l’autre, et aussi une voix tellement aléatoire tellement !!! et d’autres titres furieusement psychés avec une guitare électrique furibarde on se demande pourquoi, et une batterie tellement riquiqui , tellement !!! Des bouts de mélodies qui tentent une existence burlesque mais qui résistent qui ne sortent pas, ne naissent pas vraiment, et pourtant tout est très touchant comme si ce disque que l’on imagine enregistré avec un espoir lassé ne pouvait être qu’une empreinte abandonnée par Kenneth Higney un jour de 1976, une chose tellement importante pour lui, tellement !!! Bon avançons un nom en tremblant, il y a du Jandek chez Kenneth Higney

dimanche 18 septembre 2005

Sur La possibilité d’une île

Et si au fond ce n’était que ça Houellebecq, un grand misanthrope sentimental, un anachorète qui n’est presque bon que de le ressassement de l’ intime camouflé derrière une vielle cuisine Balzacienne , La possibilité d’une île serait donc l’impossibilité d’une multitudes de choses camouflées derrière la provocation et le spectaculaire intégré, cette histoire de corps encombrants par exemple, que faire avec ces corps qui semblent ne plus vouloir garder leurs trop plein ? le sexe oui mais aussi le reste , la disparition du système digestif et en même temps la disparition des affects, que faire de ces corps qui se transforment ? aller vers leur disparition programmée ou plutôt vers une fusion panthéiste avec l’ univers, là on retrouve Yves Klein et l’épilogue de La possibilité d’une île est assurément dans ce beau manque d’eau là , en fait les livres de Houellebecq ne sont peut être que la revanche d’un petit garçon chétif encombré par son corps qui grandit, alors que lui refuse de pousser au-delà de l’enfance , c’est une hypothèse, une piste, il y en a assurément d’autres.


Etonnant au beau milieu de La possibilité d'une île, il y a un passage très très long (presque 60 pages) qui ressemblent à s’y méprendre à du vieux San Antonio seventies , vous savez quand Frédéric Dard se décidait à produire pendant un chapitre ou deux une prose presque sérieuse et épurée de toute gaudriole langagière, ici c’est le passage à Lanzarote, la description de la vie interne des Elohimiens, le coté roman policier avec gardes du corps à mitraillettes, petite architecture délirante et baie vitrée , c’est exactement du San Antonio 1975.

Bryan MacLean - IfYouBelieveIn (1966-1982)


Bryan Maclean n’était peut être pas fait pour ça, vivre en communauté au beau milieu d’une bande d’agités du bocal sérieusement entamés par une consommation excessive de psychotropes divers et avariés, car Love au-delà du divin des arrangements surnaturels et des mélodies crève cœur, c’était ça aussi, un gang de quasi-freaks autodestructeurs, et si Maclean parvient à placer seulement quatre titres dans toute la discographie de Love c’est presque un miracle, tant l’azimuté en chef Arthur Lee était (suivant la rumeur) un autocrate certain de son génie incandescent et fortement inconscient du talent affleurant chez les autres. Donc MacLean abandonne la musique en 1970, d’ailleurs il abandonne le monde aussi se retranchant dans la méditation, et on n’entendra plus parler de lui, enfin presque …
Pourtant il était un très grand songwriter en devenir, pour preuve cette compilation de démos enregistrées pour la plupart en 1966 on retrouve trois titres admis par Arthur Lee : Orange skies, sublime de dépouillement, très proche de la bossa nova Alone again or et Old man dans des versions égratignées, proche de l’os loin des falbalas, et une kyrielle de titres splendides qui prouvent que Maclean était un type au talent assez époustouflant, au talent très aventureux en fait on aurait pu par exemple le retrouver dans la foulée de Tim Buckley sans problème, écoutez des titres comme Blues singer, Strong commitment , des promesses non tenues, les plus belles ?

Les quatre derniers titres sont des démos de 1982.


dimanche 11 septembre 2005

Colin Newman - A-Z (1980)



Colin Newman est un héros et si le si bien nommé Commercial Suicide est peut-être son meilleur et surtout plus connu album, A-Z premier effort solo post-wire sorti en 1980 comme par étourderie est aussi une merveille. Wire était un groupe séminal car il représentait l’urgence dans sa forme la plus pure; une sorte de mosaïque de sons arides tendus à l’extrême mais avec toujours en filigrane tout un pan de musique populaire venu du psychédélisme, de Syd Barrett peut-être, un mélange détonnant de sardonisme et de douceur, le groupe idéal, émouvant, sec et terrifiant et surtout brûlant, brûlant de tous les feux d’une époque morne. Dans A-Z on retrouve tout ça , même si ce n’est pas un chef d’œuvre absolu comme les trois Wire, la couleur est là, indéniablement présente, cette petite science innée qui fait de titres ironiques et moqueurs en fait de pures merveilles déstructurée et méchantes au cœur desquelles se cachent des perles de mélodie enfouie, presque dissimulée qui se révèlent par une étrange alchimie.
Colin Newman sortira son grand disque officiel Commercial Suicide donc ensuite en 1986 , plus apaisé , influencé par des choses plus incongrues (Glass, Reich), et après une reformation inutile de Wire, l’album Bastard en 1997 mélange intriguant de rythmiques Drum and Bass et de patterns de guitares post-punk, c’est plutôt une curiosité ou manque surtout la voix acide et désabusée de notre héros.


Heartbeat Court extrait de l’indispensable DVD , On The Box.

samedi 10 septembre 2005

Gene Clark - Un drôle d’Oyseau.

Les ailes nous manquent, mais nous avons toujours assez de force pour tomber.


Difficile pour un oiseau d’avoir une peur bleue lorsqu’il faut prendre l’avion. Difficile la vie de star, difficile quand on est réservé et presque effacé. Que l’on ne sourit jamais sur les photos, que l’on garde ses secrets pour soi. Alors en 1966 devant les difficultés Gene Clark s’évade des Byrds; il est pourtant l’Oyseau le plus doué, le compositeur principal du groupe, le créateur du crucial Eight Miles High, mais que voulez-vous les difficultés, la timidité, la peur presque…
Petit retour en arrière. Gene Clark est né dans le Missouri ; ses parents sont de souche paysanne et il est l’aîné de treize enfants (malheur). Jeune il apprend la mandoline et la guitare et joue dans une multitude de petits groupes folk. Très marqué par les Beatles il s’installe ensuite à Los Angeles où un soir — comme par magie — il fait la connaissance d’un autre amoureux des scarabées : Jim McGuin. Coup de foudre entre les deux ? En tous les cas, ils montent un groupe dès le lendemain ! David Crosby qui n'est pas encore le gros morse largué qu'il sera par la suite est là aussi, il passait tout simplement par là et le voilà qui complète parfaitement ce tout nouveau trio ! Cette histoire un peu miraculeuse  sonne un brin factice, mais bon ! Les trois zigotos prennent le nom de The Jet Set , bientôt transformé en Beetfeaters puis enfin The Byrds avec l’arrivée de Chris Hillman et de Michael Clarke.
Le premier 45 tours des Byrds : Mr Tambourine Man — sorte de réponse américaine aux Beatles — est une déflagration, les Byrds deviennent du jour au lendemain des stars et un premier album sort bientôt. On y trouve trois compositions de Dylan et surtout cinq morceaux excellents de Gene Clark (le brillant Feel A Whole Let Better est bien l’égal des Beatles). Bon, les Byrds ne maîtrisent pas trop leurs instruments (fameuses Rickenbaker) et en dehors de McGuin les séances sont bidouillées par des musiciens de studio.
En aout 1965 le Byrds triomphent en Angleterre, l’album Turn Turn sort en décembre 1965, avec au programme trois compositions de Clark ; décidément l’oyseau le plus fécond ! Pourtant, 1966 sera l’année de trop pour Clark… tout commence par l’interdiction de Eight Miles High pour cause d’incitation à la drogue, les Byrds hypocrites nient farouchement. Gene Clark est jalousé au sein du groupe pour ses chansons, pour son trop-plein de droits d’auteur… et pour ses conquêtes féminines (il affiche un look de dandy très seyant). Il est aussi chahuté par Crosby qui lui reproche son incompétence technique et notamment ses hésitations en concert. En fait, Clark est trop délicat pour les Byrds, trop fragile, trop introspectif. On le fait quitter le groupe, le prétexte de sa phobie des avions est parfait et McGuin finaud pourra lui dire : « Mec quand on est un oiseau, on vole ! »
Après quelques mois d’absence, avec l’aide de Van Dyke Parks, Chris Hillman et Michael Clarke, il enregistre ensuite Gene Clark Whith the Gosdin Brothers , excellent et nostalgique avec le magnifique Echoes, puis assez vite deux albums — splendides — avec Doug Dillard.
Il passe ensuite un bref moment au sein des Flying Burrito Brothers… With Light qui sort en 1971 est comme une seconde naissance, un disque d’une simplicité désarmante, magnifiquement dépouillé, des arrangements discrets, une guitare, un harmonica, cette voix hésitante, vulnérable qui fait merveille, pour un mélange de country et de folk frôlant le céleste. Le sommet de l’album, Spanish Guitar est une ballade extraordinaire, une chanson merveilleusement apaisée… je défie quiconque de ne pas être touché par cet harmonica qui pince le coeur, c’est une chose que l’on n’oublie pas, mais c’est aussi un peu le repos du Cow Boy avant le terrifiant No Other ; LE disque extraordinaire et je pèse mes mots de Gene Clark, sorti en 1974 il va asseoir la réputation mythique de l’oyseau. Sorte de monolithe inquiétant au cœur des seventies (du country-rock dépressif n’importe quoi !) il est — pour moi — l’un des sommets de cette époque ; un symptôme début seventies sous forme d'immense gueule de bois carabinée ; un réveil douloureux.
No Other est donc un album magnifique les titres les moins réussis sont du niveau du meilleur Neil Young, quant aux autres on change de dimension, ils sont déglingués, boursouflés comme autant de flots d’émotions à l’état brut. Clark timide se lâche vraiment et tout en se lâchant il invente quelque chose : une musique country-rock engourdie pas la chimie, un autre psychédélisme où les fleurs fanées et un mal-être ontologique traînent inlassablement au milieu de l’émotion. Les paroles sont allumées et parfois terrifiantes : « on a tous besoin d’un fix par les temps qui courent… »
Après cette cime (abîme ?) Clark ne pouvait que redescendre petit à petit au niveau de la mer, Two sides of Every Story (1977), et quelques beaux disques plus loin, il s’enfoncera imperturbablement et avec délicatesse dans la drogue l’alcool et la dépression histoire d’assumer encore mieux sa réputation mythique. Il est mort presque oublié en 1991.


Discographie :
 
1967 Echoes Columbia/Legac
1967 Gene Clark with the Gosdin Brothers Sundazed
1969 Fantastic Expedition A&M
1969 Through the Morning A&M
1969 Gene Clark Together
1971 American Flyer MediaArts
1972 White Light [Raven] A&M
1972 Roadmaster Demon
1974 No Other Collectors’
1977 Two Sides to Every Story Polydor
1987 Firebyrd M.I.L.
1987 So Rebellious a Lover Demon
1992 Silhouetted in Light Edsel
2002 White Light [Bonus Tracks] Universal
2003 No Other [Bonus Tracks] WEA

lundi 5 septembre 2005

Lola Montès - Max Ophuls (1955)

« Voilà je vais vous dire exactement ! J’ai été surpris d’être pris pour un révolutionnaire ou un novateur, parce que je croyais que tout ce que j’avais fait était la chose la plus normale du monde ; je vous assure, il n’y a pas une seule recherche dans Lola Montès, parce que j’ai été véritablement emporté par le sujet, et aujourd’hui encore … Tout ce qu’il a de bien dans Lola m’est peut-être arrivé à cause de mon inexpérience de la couleur et du cinémascope : quand je regardais dans le viseur de ma caméra, c’était comme si j’étais né la veille … »


Tout est quasi admirable Et si Lola Montès n’était que cela un grand film raté ! Qui survivrait grâce au talent persistant d’Ophuls : des enchaînements osés de couleurs flamboyantes, à ce niveau cela devient de la belle peinture et il faut chercher du coté des impressionnistes, comme d’habitude des mouvements de caméras spirituels, un récit éclaté et une structure narrative complètement moderne et visionnaire, voilà, voilà comme toujours chez Ophuls on est dans un espace temps assez indéfini et on ne parlera pas d’encrage de territoire tant il semble étranger à la chose … Tout est quasi admirable, néanmoins … Lola Montès n’est pas un film de prime abord émouvant, les personnages n’existent pas ce sont de pures abstractions, Martine Carole n’est qu’une enveloppe charnelle loin de Danielle Darrieux dans l’admirable et bouleversant Madame De.. , en fait c’est peut-être trop flamboyant, pour trouver de l’émotion qui passerait par le cerveau et pas trop le cœur, Il faudrait regarder Lola Montès par un autre filtre penser que c’est le dernier film d’Ophuls, que c’est un film désenchanté et parfois même un peu cynique, et voir dans ce grand Barnum magnifiquement coloré une charge (inconsciente ?) contre le spectaculaire, contempler le pénible et fatigant Ustinov de profil comme le futur dissimulé du divertissement.

The Comsat Angels - Waiting For A Miracle (1980)

La grande force des Comsat Angels c’est de ne pas avoir grandit et décollé, bizarre pour des anges non ? et bien oui on écoute ce groupe de la charnière seventies eighties avec une fraîcheur presque ironique, en gros c’est bien meilleur que Interpol ou Editors pour citer deux groupes récents qui campent dans le même vieux marais post punk, et surtout les affres du temps ne sont pas venues ternir la chose, comme chez U2 ou Echo And The Bunymen qui eux se sont noyés dans la durée. Donc Comsat Angels, premier album, des guitares qui cinglent gentiment, des couleurs qui passent par tous les tons du beige asthénique, un chanteur oui un chanteur un vrai, qui pourrait parfois rappeler le merveilleux David Sylvian, et des paroles mornes bien comme il faut, écoutez au hasard le classique Independance Day petite merveille tendue et désabusée.

« I can relax’cos I haven’t done a thing / And I can’t do a thing’ cos I can’t relax »

http://www.comsatangels.net/