lundi 28 mars 2005

Jean Lorrain (1855-1906)

Toute déchéance, morale ou physique, de l'individu, dans une société elle-même déchue, est bonne a priori.

Dandy homosexuel esthète et chroniqueur mondain Jean Lorrain est le « prince du vice » il est la quintessence de l’esprit " « fin de siècle », sa vie est faite de débauches diverses, son amour pour de rudes voyous et autres garçons bouchers, son addiction à tous les paradis artificiels qui lui passe à porté de mains est hallucinante, il est le plus grand buveur d’éther du monde, éther qu’il découvre par hasard et qui deviendra sa drogue son carburant et sera bientôt la drogue à la mode chez les décadents, il cherche dans son éthéromanie à fuir l’âme humaine qu’il trouve abjecte, il recherche les pulsions débride son instinct mais dans les vapeurs il ne trouve que le néant, ses écrits racontent le monde mais ne parlent que de lui, c’est comme toujours la posture du dandysme absolu, Jean Lorrain n’est décidément pas présentable il se battra en duel avec Proust résultat match nul et à bien y réfléchir « la recherche du temps perdu » aurait pu être tuée dans l’œuf par le grand-père d’ Alain Pacadis, on a eu chaud.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

5 janvier 1904/Lettre de Jean Lorrain à sa mère

Ajaccio, le 5 janvier 1904

« Je t’écris couché, le bleu du golfe et le violet des montagnes apparu à ma double fenêtre. Depuis hier, il neige, pas à Ajaccio, mais sur le Monte d’Oro et l’Incudine, de l’autre côté de la baie. Tous les sommets sont bleus et le vent est très pur, mais très froid. Les journées sont ensoleillantes, mais les nuits glacées, d’une clarté si intense qu’on voit la couleur des choses, même dans l’ombre ― et il y a des ciels lunaires qui consolent de tout.

Je n’ai fait aucune excursion, sauf la promenade des Sanguinaires, la Corniche d’ici, en voiture, mardi, avec le docteur Tartarin. La Corse est sauvage et triste ; c’est le paysage de la Pointe Pexade plus luxuriant et plus vert. Tout cela est d’une grande mélancolie et me plaît. J’avais besoin de me ressaisir dans la solitude. Paris me désespère et m’énerve.

Le jour de l’an, deux guitaristes corses sont venus jouer des voceri et des lamenti en notre honneur. La mer pleurait sous les fenêtres de la villa. C’était très exil, très âme en détresse, ― mais moi, j’aime cela ; j’aime tout, hors Paris.

Mercredi et jeudi, j’ai un peu rôdé par la ville et par les quais, qui sont plutôt déserts ; pas de grand navire dans le port, quelques barques de pêcheurs, des femmes qui lavent du linge dans des pierres, des Corses, qui, pieds nus, raccommodent des filets. Ce n’est ni Naples, ni Palerme, ni Marseille : c’est autre chose de somnolent, d’ensoleillé et de triste. La baie, très fermée, a l’air d’un lac. Ce serait un pays exquis pour y mourir ; on s’y sent détaché de tout.

Jean Lorrain, « Aux origines du tourisme en Corse », in La Corse et le tourisme, 1760-1960, Albiana, 2006, p. 178.